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HUMILITÉ


L’iiuinililé est la coiitlilioii indisiK-nsable de toutes les autres vertus chrétiennes. La loi est un acte de soumission essentielle à la parole <lu Dieu révélateur. La patience, qui fait supporter toutes les ingratitudes ettoutes les oppositions, est le fruit de l’humilité. La charité, qui pardonne les injures, qui atténue tous les défauts, est encore l’un des effets de cette vertu. L’humilité met à l’abri des vengeances du ciel et attire les miséricordes du Seigneur. La prière humble force les portes du ciel et met en fuite le démon. En un mot. la nécessité de l’humilité est telle que, si elle peut exister sans plusieurs autres vertus, aucune autre ne peut exister sans elle.

L’influence de l’humilité sur l’ensemble de la viiet des actes de l’homme est telle que, dans les temps modernes, on a prétendu qu’elle était nuisible aux initiatives généreuses et qu’elle déprimait les facultés les plus nobles.

L’humilité chrétienne n’est pas cette Inertie mépjrisable qui paralyse l’activité quand il faut agir et réduit au silence lorsqu’il faut parler. Agir ainsi, ce serait pusillanimité. L’humilité consiste essentiellement à connaître sa propre impuissance et la nécessité de recourir à Dieu, et à attribuer à Dieu tout le bien que nous faisons. En conséquence, elle détourne donc l’homme de toutes les bassesses que commettent les ambitieux et les orgueilleux quand ils veulent à tout prix arriver à leurs fins.

Elle préserve encore l’homme de cette soif de louanges, que l’orgueilleux veut apaiser par tout moyen, de ce prurit de vanité qui le disqualifie auprès de ses semblables. Elle l'éloigné enfin de l’habitude odieuse qu’a le vaniteux de dénigrer les actes ou les personnes qui portent ombrage à ses prétentions, aux talents qu’il s’attribue, à la prééminence qu’il veut s’arroger en toutes circonstances. Les mondains euxmêmes trouvent que ces arrogants sont indésirables. Ils fuient leur société et ne cessent de blâmer et de railler leurs prétentions. La vertu d’humilité préserve de ces excès et les corrige. Elle attire les bénédictions du ciel et la considération des hommes.

Aussi, loin de devenir inutiles à la société, les humbles justifient ces paroles de saint Léon : Rien n’est difficile aux humbles. Comptant, non pas sur leur valeur, mais sur l’assistance divine^ ils embrassent de vastes desseins, affrontent les plus graves périls, et ils disent comme l’apôtre : Plus je suis faible, plus je suie fort ! Ils savent que Dieu choisit les ignorants pour confondre les sages et les faibles pour humilier les forts. Concluons par ces considérations de Ludolphe le Chartreux. L’humilité mérite d’abord la grâce de Dieu, comme le dit le Psalmiste : Seigneur, vous faites couler vos eaux dans les vallées formées par les montagnes. Ps. ciii, 13. L’hunrilité mérite l’augmentation de la grâce, pourvu que le chrétien n’aspire pas à plus d'égai’ds par suite des dons reçus, pourvu qu’il soit, au contraire, disposé à subir les abaissements, à les considérer même comme mérités. Enfin, elle est la gardienne de la grâce reçue. Comme la cendre conserve le feu, le bois l’entretient, ainsi les bonnes œuvres alimentent la vertu d’humilité.

IV. Motifs sur lesquels se base l’humilité CHRÉTIENNE. — 1° Le premier et divin motif destiné à stimuler le chrétien à la pratique de l’humilité, c’est le précepte solennel donné par Jésus-Christ : Disciic a me quia mitis sum et Immilis corde. Matth., xi, 20. Le divin Sauveur ne recommande pas de créer des mondes, de guérir les malades, de ressusciter des morts, comme il le fit lui-même ; il exige simplement que nous devenions ses disciples, parce qu’il était luimême doux et humble de cœur.

2° La considération de nous-mêmes doit nous rendre humbles. En nous examinant, nous découvri rons en nous des raisons de nous humilier intérieurement et de pratiquer des actes extérieurs d’humilité. Selon saint Bernard, trois considérations principales fournissent â l’homme les motifs suffisants de s’humilier : Quid fuisli ? Quid es ? Quid eris ?

L Quid fuisti ? Qu'étions-nous avant que la miséricorde de Dieu nous tût appelés à l’existence ? Nous étions néant, et nous pouvions ne jamais sortir du néant. C’est Dieu qui nous a donné l'être avec toutes nos facultés. En naissant, nous étions faibles et Ignorants ; nous dépendions des autres et nous avions tout à apprendre.

2. Quid es ? Le sort de l’homme sur terre dans la suite de son existence, le rôle qu’il doit jouer ici-bas. la fin qui l’attend, sont pour lui des énigmes redoutables, il s’appartient si peu que, comme il est à Dieu par la création, de même il dépend de lui pour la conservation de son être. Il n’a pas été consulté sur l’heure de sa naissance ; il ne le sera pas davantage sur celle de sa mort. Il sait néanmoins que sa vie terrestre doit finir et qu’il doit préparer et mériter son avenir éternel. Mais précisément pour acquérir la vie éternelle, le chrétien doit avoir le sentiment intime de son impuissance. Il est exposé à se tromper sur sa fin et les moyens d’y parvenir, s’il n’ouvre pas les yeux de son intelligence aux lumières de la foi.

Sa force physique est précaire, à la merci d’un accident ; sa santé, sujette à mille variations, guettée qu’elle est par des infirmités de tout genre. La nature matérielle résiste à ses efforts. Il lui arrache sa subsistance à la sueur de son front. Tous les éléments semblent parfois conjurés contre lui. Sa dépendance des créatures inférieures est tangible : tandis que, d’après le plan primitif, il devait les dominer royalement ; il est réduit à arracher au sol qu’il foule de ses pieds les minéraux et les végétaux qui sont indispensables à son existence. Les lois qui président aux transformations de tous ces éléments échappent en partie i ses investigations.

Les animaux domestiques sont pour lui des aides nécessaires à assurer sa subsistance, à son vêtement, à ses travaux. Mais, pour comble d’humiliation, lui, si fier de ses prérogatives, est réduit à se faire le serviteur des animaux qui sont à son usage.

Quant aux autres êtres vivants, les infiniment petits seraient parfois plus redoutables pour lui que les infiniment grands. Les observations scientifiques ont mis au jour leur étourdissante quantité, leur puissance de génération, leur activité destructive. Si une providence paternelle ne surveillait et ne limitait l’action de ces insectes, qui pu>lulent jusque dans les gouttes de rosée, ils extermneraient la terre habitée.

L’homme est tributaire du soleil pour la chaleur vitale et les productions nécessaires à sa nourriture, des eaux pour le maintien de sa santé, de l’air pour le jeu de ses poumons et le renouvellement de son sang.

L’impuissance de l’homme éclate même au milieu des richesses que la miséricorde divine lui assure, au sein même des éléments de prospérité qu’elle lui a donnés. Dieu atout mis à sa disposition avec une prodigalité telle que les païens eux-mêmes appelaient la terre leur mère nourricière ; aliments, remèdes, spectacles qui ravissent l’admiration. Malgré toutes les ressources naturelles mises à sa disposition, l’homme est incapable de les faire fructifier par ses seules forces. Il sème le grain ; si le soleil et la p’uic ne viennent opportunément le vivifier, ce grain meurt au sein de la terre. Il ne peut réussir en rieu si le maître des éléments et des volontés libres ne lui prête son appui. Comment donc peut-il songer à s’enorgueillir au lieu de s’humilier ? Il doit se convaincre qu’il est fini en son être