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HUMILIES


dant quelque temps, les humiliés hétérodoxes fusionnent avec les vaudois primitifs, les pauvres de Lyon. Mais l’union n’est ni complète ni durable. Les humiliés rejettent la vénération, pour ne pas dire le culte, voué à Valdo et admettent un ensemble de doctrines et de coutumes qui accentuent la division. Désormais l’hérésie vaudoise a deux branches : les pauvres de Lyon, ou léonistes, qui se réclament de Valdo, ne veulent pas du travail manuel, source de gain, et préconisent l’aumône, regardent le céhbat comme un principe de vie évangélique, croient faire partie toujours de l’Église catholique, et, pour ce motif, n’introduisent pas dans leur société une hiérarchie qui exclurait celle de l’Éghsede Rome, s’adressent au prêtre pour la confession et l’eucharistie, obstinément conservées ; l’autre, celle des pauvres de Lombardie, voit dans le travail le moyen normal pour vivre, n’admet la séparation entre époux que dans les deux cas d’adultère et de mutuel consentement, rompt franchement avec Rome, a une organisation propre, des chefs à elle, rejette la confession et l’eucharistie. Un passage du traité Supra stella, écrit vers 1235 et pubUé par I. von Dôllinger, Beitrâge tur S ktengeschichte des M ittelalters, Munich, 1890, t. ii, p. 74, esquisse avec exactitude cette histoire primitive des pauvres de Lombardie : paupercs Lombardi, vos fuistis primo de Ecclesia romana ; quia non placuit vobis Ecclesia, iunxistis vos cum paupcribus honi’itis et eraiis cum eis sub reginiinc Gualdensis (Valdo) el stetistis aliquo lempore sub suo regimine ; postea elegislis unum aliud caput, displicendo Gualdensi el fratribus leonistis, cujus nomen fuit J. de Roncho, quem ego vidi. Ce frère J. de Roncho, dont le Supra Stella nous dit encore que eorum erat ancianus et ipse erat idiola absque lileris et qu’il opéra la séparation des pauvres de Lombardie d’avec les pauvres de Lyon vers 1305, toc. cit., p. 64, ne nous est pas autrement connu. Cf., pourtant H.. Bolnner, dans la Realencyklopàiie, 3e édit., Leipzig, 1908, t. xx, p. 811. Mais l’histoire atteste que la scission entre le parti lombard et le parti Ijonnais, entre les Italici et les Ultramontani, les pauvres de Lombardie et les pauvres de Lyon, fut irrémédiable, malgré toutes les tentatives de rapprochement, en dépit tout particulièrement de l’essai de conciliation qui fut tenté au congrès de Bergame (1218). Cf. le Rescriptum hæresiarcharum Lombardise ad leonistas in Alamannia, dans I. von Dôllinger, Beitrâge zur Sektengeschichte des Mittelalters, t. ii, p. 42-52. W. Preger, qui le premier eut le mérite de mettre en lumière les rapports entre les humiliés et les pauvres de Lombardie, dans les Abhandlungen der hist. Classe der Kônigl. Bayer. Akademie der Wissenschaften, Munich, 1875, t. xiii, p. 209 sq., a exphqué l’origine des pauvres de Lombardie par les missionnaires vaudois agissant sur le premier et le second ordres des humiliés. K. Millier, Die Waldenser und ihre einzelnen Gruppen bis zurri Anjang des xiv Jahrhunderts. p. 59 sq., admet une action des missionnaires vaudois sur les humiliés du tiers-ordre. Mais, au moment de l’apparition des pauvres de Lombardie, une distinction nette des humiliés en trois ordres n’existait pas encore, et il ne semble pas que les vaudois soient allés à la conquête des humiliés. Les textes nous laissent entrevoir plutôt les humiliés hétérodoxes allant aux vaudois primitifs, ou pauvres de Lyon, à cause de ce qu’ils ont de commun avec eux, mais sans rien perdre de ce qui leur est propre. Quand les vaudois de Lyon veulent les amener à une entière communauté de vues, les humiliés résistent ; ils lâchent les pauvres de Lyon, suivent leur évolution originale et deviennent les pauvres de Lombardie, caractérisés par des principes en partie vaudois, en partie arnaldistes et cathares.

Pour la suite de leur histoire, voir Pauvres de LoMBAHDii : et Vaudois.

Les hérésies ultérieures du moyen âge firent quelques recrues dans les rangs des humiliés étrangers au valdisme. On a prétendu que frà Dolcino, le chef des aposlohques du xrii<e siècle, voir t. i, col. 1632-1634, compta parmi les humiliés, (.^f. E. Comba, / nostri protestanti, 1. 1, Auunli ta Rijorma, Florence, 1895, p. 312. Inexacte en ce qui le concerne, cette affirmation est vraie de Marguerite, la compagne, la < sœur » de Dolcino. Cf. F. Tocco, Gli ordini religiosie l’cresia, dans Gli albori delta vita iialiuna, Milan, 1891, p. 334. Sœur Manfreda de Pirovano, qui étsit à la tête des guillelmites en 1300, quand l’Inquisition ouvrit contre les adhérents de cette secte un procès dont les actes nous ont été conservés, voir t. vi, col. 1983, était une humiliée de la maison de Biassano, de Milan ; étaient également des humiliées Jacqueline dei Bassani qui fut condamnée au bûcher ainsi que Manfreda. sœur Fiordebellina, fille d’André Saramita, lequel organisa la secte, et, sans doute, d’autres religieuses de la maison de Biassano, un des centres du culte de Guillelma. Quant aux liumiliés, ils honoraient une image de Guillelma dans l’église de Sainte-Marie hors la porte Neuve. Cf. F. Tocco, Guglielma boemae i gugliclmiti, Rome, 1901, p. 7-22. La folie guillelmite paraît avoir été contagieuse dans le miheu des humiliés ; la crise fut aiguë, mais brève.

I. Sources.

Nous avons indiqué, au cours de l’article, les sources relatives aux origines des humiliés ; les textes de l’anonyme deLaon, de laclironiquc d’Ursperg, de Jacques de Vitry et d’Humbert de Romans ont été reproduits par L. Zanoni, Gli umiliati nei loro rapporti con l’eresia, l’indus-Iria délia lana ed i communi nei secoli A’//e J///, ’AIilan, 1911, p. 5, 25-26, 259-263. Les bulles des papes et autres documents concernant l’ordre se trouvent dans H. Tiraboschi, Vêlera fiumilialorum monunienla. Milan, 1767-1768, t. H, p. 117-402 ; t. III, p. 1-98, et dans L. Zanoni, op. cit., p. 267335 ; les constitutions dans Tiraboschi, t. iii, p. 99-227 ; la règle, ou Propositum approbatum tiuiniliatorum, (li tiersordre dans la lettre Incumbit nobis (7 juin 1201) d’Innocent III, publiée dans Tiraboschi, t. ii, p. 128 sq. ; la règle du premier et du second ordre, dans la bulle Cum. felicis mémorise (7 juin 1227) de Grégoire IX, publiée par L. Zanoni, p. 352-370 ; la chronique de l’ordre rédigée par Jean de Brera en 1419, dans Tiraboschi, t. iii, p. 229-286 ; ceUe qui fut composée par le même Jean de Brera en 1421, dans L. Zanoni, p. 336-344 ; celle de Marc Bossi, en 1493, dans L. Zanoni, p. 345-352 ; le nécrologe de l’ordre, dans Tiraboschi, t. III, p. 287-298 ; la Vita sancti Joljannis de Meda, dans les bollandistes, Acta sanct., 3e édit., Paris, 1867, septembris t. vii, p. 334-335. Sur les documents liturgiques de l’ordre, cf. L. Zanoni, p. 253. Sur la part de l’ordre des humiliés dans l’hérésie des guillelniites, cf. le Processus ab inquisitoribus Itœreticæ pravitatis confecii Mediolani anno Domini 1300 contra Guillelmam bohemam vulgo Guillelminam eiusque sectam, publié par F. Tocco, Il processo dei çiuglielmiti, Rome, 1899 (extrait des Rendiconti délia r, accademia dei Lincei. Classe di scienze morali, storichee fdologiche, t. viii. Ferle accademiche 1899, p. 309-469).

II. Travaux.

J. P. Puricelli avait préparé, sous le titre de Sacrj humilialorum ordinis monimenla, un grand ouvrage que la mort (1659) l’empêcha de publier et dont les manuscrits sont conservés à l’Arribrosienne de Milan ; ils ont été utilisés par Tiraboschi. Cf. L. Zanoni, op. cit., p. 253256. Le bénédictin P. Pucclnelli](† 1685) écrivit une Cronica délie venerande memorie délia congregazionc umiliala, restée inédite et également conservée à l’Ambrosienne. Cf. L. Zanoni, p. 256-257. Parmi les imprimés citons Hélyot, Histoire des ordres monastiques religieux et militaires, Paris, 1718, t. VI, p. 152-169 ; N. Sormani, Brève storia degli umiliati tessuta col testa decodici, manoscritiie diplomi. Milan, 1739 ; surtout H.Tiraboschi, Vetera71um171atorummon’imenta, Milan, 1766-1768 (de cet ouvrage, l’un des plus importants de l’érudition du xviii » siècle, l’auteur publia aussi une édition italietme, Memorie degli umiliati, 3 vol., Modène, 1766) ; G. Moroni, Dizionario di erudizione slorico-ecclesiastica Venise, 1857, t. uxxxiii, p. 104-119 (suit Hélyot) ; W. Preger, Beitrâge zur Gescliiclite der Waldeser im Mitlelalter,