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HUMILIES


cuments, publiés par L. Zaïioni, p. 267-271, qui sont de 1186, 1214, 1226, 1236, et dont le plus ancien se réfère à un état de choses antérieur. Un autre document, de 1215, publié par L. Zanoni, p. 271-272, désigne les humiliés sous l’appellation de « bons hommes », qui s’appliquait aussi aux cathares. Un autre enfin, de 1203, publié par L. Cipolla, Archivio venelo, t. xxxvii, p. 344-345, les réunit avec les cathares, s’il ne les identifie pas avec eux. Rapprochés des cathares et séparés des vaudois primitifs par le nom et par la condamnation du serment, du mensonge, des tribunaux, les humiliés le sont encore par la pratique du travail, du jeûne trois fois la semaine en dehors des temps du jeûne conlinuel, par l’usage des réunions périodiques, des conventicules, d’où étaient exclus les prêtres de l’Église ofiicielle. Le catharisme a donc été l’un des facteurs les plus puissants du mouvement des humifiés.

La thèse de L. Zanoni est digne d’attention. Cependant elle ne paraît pas entièrement étabhe. Dire que les cathares et les humiliés ont des ressemblances est légitime ; prétendre que les humiliés « participent au mouvement cathare », selon l’expression de L. Zanoni, p. 43, faire des humiliés primitifs de vrais cathares est aller trop loin. Leur afiinité < n’est pas démontrée, nous semble-t-il, par le fait d’une similitude de pratiques purement extérieures, comme l’abstention du serment, le travail manuel et les jeûnes de semaine ; pour qu’elle existe, il leur faudrait à tous deux un apanage doctrinal commun. » F. Callæy, Revue d’histoire ecclésiastique, Louvain, 1912, t. xiii, p. 528. Les noms de « patarins, « bons hommes », et même « cathares », donnés aux humifiés ne sont pas probants. « Cathare » s’est dit des patarins orthodoxes de Milan au xie siècle, ainsi que L. Zanoni l’observe, p. 43, et, du reste, le document qui rapproche les cathares des humiliés n’en rapproche pas moins les pauvres de Lyon : ut iret ad domum umiliatum et cazarorum seu palanim aut pauperum Lionum. Les expressions « bons hommes » et « patarins » n’ont pas désigné exclusivement les cathares, mais, en général, de bonnes gens, de pauvres gens, vivant d’une vie bien chrétienne ; dans les textes oCi elles visent les humiliés, elles n’ont sûrement pas le sens péjoratif d’adeptes de l’hérésie, mais ce sont les termes officiels qui servent à dénommer la fraternité : dnmus et colegium palarinorum sioe humiliatorum Jraternitatis scu congre gationis bonorum hominum sive humiliatorum. N’oublions pas, du reste, L. Zanoni le remarque à bon droit, op. cit., p. 30, que, parmi cette multitude de sectes écloses dans la Haute— ItaUe pendant la seconde moitié du xii » siècle,

« ce serait une illusion de croire qu’on distinguât

clairement leur contenu doctrinal et leurs liens réciproques d’origine, en’sorte que leur énumération pût se faire sur la base de critères scientifiques. Nous attribuons peut-être trop aux hommes du xne siècle la science des inquisiteurs dominicains du xiii"^. »

Ni vaudois purs ni cathares purs, les humiliés primitifs qui tombèrent dans l’hérésie furent une des innombrables sectes rcfonnistes du xii » siècle, nées des mêmes aspirations vers une vie plus parfaite, plus ou moins rattachées aux patarins orthodoxes de Milan du xie siècle et aux arnaldistes du xii « , ayant des traits communs tout en restant dissemblables, s’influençant mutuellement les unes les autres. Comme les cathares, ils ne prêtent pas serment, ils s’adonnent nu travail manuel, ils jeûnent trois fois l, i semaine. Comme les vaudois, ils ambitionnent de se livrer à la prédication. Le pape ne le permet aux vaudois qu’A la condition d’avoir l’agrément du clergé et ne le permet pas du tout aux bmniUés. Vaudois et humiliés prêchent en dépit de

l’interdiction papale. Ayant rompu sur ce point la dépendance vis-à-vis du clergé, ils se passent de lui en d’autres matières, et la Hbre prédication, la prédication laïque, les conduit à l’allranchissement total de la discipline ecclésiastique, à l’antisacerdotalisme sur toute la Ugne. En ce qui regarde les humiliés, nous apprenons de Burchard d’Ursperg que, non contents de prêcher, ils rejettent toute autorité des prélats, entendent les confessions et usuipent le ministère sacerdotal. Le même chroniqueur nous montre en germe, chez eux, la distinction entre parfaits et croyants qui exista de tout temps chez les cathares et fut tardive chez les vaudois : illi quippe, rudis et illitcrati cum essent, operibus manibus instabani et preedicabanl, accipienles nccessaria a suis credentibas.

Le grand pape Innocent III s’occupa, avec beaucoup de tact, avec un mélange de fermeté et de mansuétude apostoliques, en donnant satisfaction à ce que leurs revendications religieuses avaient de légitime, de ramener les dissidents à la foi catholique. Il y réussit partiellement. Deux groupes de vaudois, qui avaient pour chefs l’un Durand de Huesca (1206). l’autre Bernard Primus (1210), rentrèrent dans l’obéissance de l’ÉgUse, reçurent une règle du pape et formèrent des ordres nouveaux, dont le premier prit le nom de pauvres catholiques. De même, parmi les humiliés, il y eut un mouvement de retour vers Rome. Ceux qui jurèrent d’obéir ù l’Église, et qui s’ap))Uquèrent, dans l’orthodoxie, à servir Dieu in luimilitatc cordis et corporis, abandonnèrent le nom d’humiliés, devenu suspect ; mais le peuple le leur conserva malgré eux, à ce C]ue nous apprend une bulle d’Innocent III datée du 6 décembre 1199, P. L., t. ccxiv, col. 789, et ce nom finit par se maintenir, àigage de toute suspicion d’hérésie, dans les documents ecclésiastiques. Ils constituèrent les trois ordres dont nous avons parlé. Ce sont eux que nous dépeignent Jacques de Vitry et Humberl de Romans. Jacques de Vitrj’note que « les frères, tant clercs que laïques lettrés, ont du pape le pouvoir de prêcher non seulement dans leur congrégation, mais encore sur les places— des villes, et dans les églises des séculiers, avec le consentement des évêques. » Ils font, ajoute-t-il, beaucoup de conversions, et attirent à leur ordre nombre de convertis, dont les uns servent Dieu dans le siècle (ce sont les tertiaires), pendant que les autres, souvent des prêtres et des clercs, entrent dans les monastères qui se multiplient. Ils sont devenus si terribles au.x hérétiques et les confondent si bien en public que ceux-ci n’osent plus paraître devant eux et que beaucoup, reconnaissant leur erreur, sont revenus au Christ et se sont joints aux hunfiliés. Ces hérétiques sont les patarins, patroni (c’est-à-dire les cathares), précise Jacques de Vitry, dans son 7/i.s/orja occK/( : n<n/is ; dans sa lettre de 1216, il représente les humiliés comme les seuls, dans cette ville de Milan que fovea est Iierelicorum, à résister aux hérétiques, et, (lit-il. les honunes malicieux et séculiers appellent jiatarins, patroni, ces hommes saints et ces femmes refigieuses, qui sont parfaits et stables dans la foi et dont les œuvres sont efficaces. »

Les humiliés hétérodoxes, eux, se détachent définitivement de l’ÉgUse. La fraction rebelle sent le besoin de s’unir avec des dissidents qui aient des principes semblables aux siens, principes qu’elle est amenée à formuler de façon distincte maintenant qu’elle s’est séparée <lu gros du mouvement. Ces princii )es se ramèiient à la libre prédication des laïques, indépendamment de l’autorité et du contrôle des prélats, et à la paurclé absolue qui permet seulement de vivre au jour le jour du travail des mains ou de l’aumône. C’était là tout le valdisme primitif. Peu-