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HUMILIES

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p. 344-345 ; 5° le Chronicon aiwnymum Laudunnsc, dans les Monumenla Germaniæ historien. Scriptorcs, t. XXVI, p. 449 (va jusqu’en 1219 et s’occupe des humiliés à la date de 1178) ; 6° le Chronicon Urspergense, dans les Monumenla Germanise historica. Scriplores, t. XXIII, p. 376-377 (va jusqu’en 1229 ; l’auteur, Burchard de Biberach, t prévôt d’Ursperg en 1226, rédigea la partie qui s’arrête à 1216 ; il traite des humiliés entre 1184 et la fondation des frères prêcheurs ) ; 7° Jacques de Vitry, f en 1240, lettre de 1216 publiée par R. Rëhricht, Briefe des Jacobus de Vitriaco, dans la Zeitschrifl jûr Kirchengeschichie, Gotha, 1894, t. XIV, p. 102, et Hisloria occidentalis, c. xxviii. Douai, 1597, p. 334-337 ; cf. une bonne édition de la lettre de 1216 dans P. Sabatler, Spéculum perfcctionis seu sancti Francisci Assisiensis legenda antiquissima, Paris, 1898, p. 296-301 (le passage relatif aux humihes, p. 297-298) ; 8° Humbert de Romans, t 1277, Ad humilialos et Ad sorores de ordine humilialorum, dans Scrmones beali Umberti burgundi, inslituli preedicalorum, Venise, 1603, p. 36-37, 50.

Que nous apprennent ces documents ? Laissant de côté, pour le moment, Ja question de l’orthodoxie des humiliés, qui sera exposée à part, nous y constatons d’abord leur existence vers 1178. Cette date est fournie par l’anonyme de Laon, lequel dit qu’ils étaient en Lombardie, qu’ils vivaient avec leurs ramilles, du travail de leurs mains, qu’ils furent nommés humilies parce qu’ils se vêtaient simplement et excluaient de leur usage les habits teints, qui étaient alors considérés comme objets de luxe. Humliert de Romans complète l’explication de cette dénomination : bene dicuntur Immiliati, quia videlicct h.unilem i>itam Inboranlium ducunt, dit-il. Sermoncs, p. 37. Aucun texte ne fait allusion à une origine plus ancienne ; tous suggèrent qu’il n’y a pas lieu de remonter plus haut. Ajoutons que le drap gris ou couleur de cendre, bcrelino, qu’ils portaient les fit appeler parfois

« berrétins de la pénitence ». Cf. L. Zanoni, op.

cil., p. 57.

« Humilié » signifie, dans cette période primitive,

une personne qui se consacre à une vie parfaite de pauvreté et de labeur. Ceux qui portent ce nom se groupent en fraternités autonomes, qui vont s’élargissant et aboutiront peu à peu à trois ordres religieux distincts. Passablement chaotique, ce mouvement est d’abord ortliodoxe ; assez vite il dégénère. Les humiliés sollicitent l’approbation pontificale. Le pape, probablement Alexandre III, leur permet de suivre leur idéal religieux, mais leur interdit la prédication. Précisément ils se croyaient appelés au ministère de la prédication ; ils ne peuvent se résoudre à y renoncer. Lucius III les excommunie au concile de Vérone (1181), en compagnie des pauvres de Lyon et d’autres hérétiques. Innocent III s’attache à les ramener à 1 Éjjise. « Si l’on considère, dit A. Luchaire, Innocent III. Le concile de Lalran et la réforme de l’Église, Paris, 1908, p. 166, les rapports d’Innocent III avec la confrérie italienne des humiliés, on verra… combien il est injuste d’aflirmer que son âme n’était pas ouverte aux tentatives de régénération morale qui se produisaient chez ses contemporains. » Tous les humiliés ne répondirent pas aux avances du pape : il y eut, parmi eux, des hérétiques irréductibles. Mais il y en eut aussi, et leur nombre fut grand, qui entrèrent dans la voie de la pleine soumission à l’autorité ecclésiastique. Avec l’orientation doctrinale des humiliés se produisit définitivement, par les soins d’Innocent III, la segmentation en trois ordres. Les chroniques et les lettres des papes nous ont conservé les noms des représentants des humiliés ((ui reçurent une règle : ce furent, pour le tiers-ordre, Gui de la porte orientale de Milan, en 1199, et, pour le premier

et le second ordre, Jacques de Rondineto et Lanfranc de Lodi, en 1201. A la différence des trois ordres franciscains : religieux, rehgieuses, laïcpies, les trois ordres des humiliés comprenaient : le tiers-ordre, ceux et celles qui continuaient à vivre dans leurs familles ; le deuxième ordre, des frères et sœurs qui, tout en ayant une règle et vivant dans une maison commune, les hommes séparés des femmes, demeuraient laïques ; le premier ordre, des hommes et des femmes consacrés solennellement à Dieu, vrais religieux, vraies religieuses, et non pas seulement des prêtres, comme on l’a dit souvent. Ultérieurement il y eut des maisons habitées iiniquement par des humiliées. On a fréquemment affirmé que la règle du premier et du second ordre fui la règle bénédictine ; en réalité, elle fut une fusion d’éléments divers, où prédominèrent les règles de saint Benoît et de saint Augustin, ce qui exphque le titre de chanoines adopté par les membres du premier ordre. Cf. L. Zanoni, op. cit., p. 93112, et, p. 352-370, le texte de la règle avec l’indication de ses sources. Quant à la règle di tiers-ordre, bornons-nous à noter que l’appellaion <le « frères du tiers-ordre » fut à peu près exclusive au tiers-ordre des humiliés, tandis que les tertiaires franciscains étaient appelés « frères de la Pénitence » et le tiersordre franciscain « ordre de la Pénitence », et signalons, d’un mol, les ressemblances entre les règles des deux tiers-ordres. P. Sabatier, Régula antiqua fratrum et sororum de Pssnilentia, dans les Opuscules de critique historique, Paris. 1901. t. i. p. 16, estime qu’elles sont telles qu’il est bien difficile de ne pas admettre que le document franciscain « ait été en partie calqué sur cette règle des humihés ». Cf. P. Alphandéry, Les idées morales chez les hétérodoxes latins au début du xur siècle. Paris, 1903, p. 25-27, note. Il existe d’autres rajjports entre les humiliés et les frères mineurs, ce qui fait dire à P. Sabatier, op. cit., p. 15 :

« Peut-être a-ton jusqu’ici attribué une originalité

excessive au mouvement franciscain. » Non, l’on n’a pas exagéré ce qu’il y eut d’unique dans le mouvement franciscain ; mais il importe de tenir compte de ses similitudes avec les mouvements contemporains et antérieurs en faveur de la vie pauvre, et, en première ligne, avec celui des humiliés.

Les commencements du xiii<’siècle sont l’âge d’or des ordres religieux nouveaux. La diffusion des humiliés fut rn]iide dans la Haute-Italie, leur ferveur grande et leur action religieuse considérable. Cf., sur les saints et bienheureux de l’ordre, Tiraboschi, Vêlera humiliatorum monumenla, t. i, p. 193-257. Leur activité ne s’exerça pas seulement dans le domaine spirituel, mais aussi sur le terrain industriel el économique. Il n’est pas exact qu’il faille leur attribuer limportation et les progrès en Italie de l’industrie de la lait-e. Cette légende, qui traire un peu partout et qui se grelîe sur la légende de la captivité en Allemagne des nobles milanais c(ui auraient donné naissance à l’ordre et qui auraient ra])porté de l’exil l’art de la laine, est sans foiKlement. Cf. L. Zanoni, op. cit., p. 145-167. Ce qui est vrai, c’est que « les humiliés, s’ils ne sont pas la cause, mais plutôt un des fruits, du développement de l’art de la laine déjà considérable grâce au capital, représentent, dans la vie économique, une forme, la première, de résistance du prolétariat à l’indusliiallsme. » L. Zanoni, np. cit., p. 166. Ils s’élèvent, par la force de l’association, à la puissance de marchands capitalistes et ont une part notable dans révolution de la vie commerciale.

La direction de l’ordre avait appartenu, dans le principe, à quatre maisons sises dans quatre régions distinctes, à savoir Viboldone, Côme, Lodi, Pavie, dont chacune’tour de rôle exerçait le commandement pendant une année., partir de 1216, il y eut