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HUGUES DE SAINT —VICTOR


et les œuvres de IIukucs : du uioins accordera-t-on que celles-ci ont coiUribué à créer uu milieu propice à l’cclosion du De imilulionv Christi. L’auteur de la Vie de sainte Lydwiue, Jean Hrugmau, pour décrire les charismes de Lydwine, ne trouve rien de mieux à citer qu’un passage de Hugues, Ada sanctorum, 3e édit., Paris, 1865, aprilis t. ii, p. 281 : le livre De tribus diœlis qu’il allègue, et que D. Papebroch n’a pas réussi à découvrir, p. 283, n’est autre que le Dr tribut rf/fèiis, devenu le 1. VII de l’Eruditio didascalUa. et ce passage se lit, c. xxvi, col. 835-830. Gersoii, héritier de la tradition mystique du moyen âge, a pour guides préférés saint Bonaventure et Alexandre de Halès et, par de la le xiiie siècle, Richard de Saint-Victor et Hugues. Nous avons constaté déjà qu’il associe le maître et le disciple dans une louange commune ; dans le De mijstica Iheologin spcculativa, consider. xxi. Opéra, Paris, 1606, t. iii, col. 209, il reproduit, sur la notion de la contemplation, vencrabitem Rirardiim qui hanc materiain elucidauil iisquc nd lundamentam, magistrum suuin Huqnncm inscrutur, . Cf. Traclaiiim de medilaiione, consider. xii ; TracL de simpUftcationi’cordis, not. xv ; Tract, de oculo, t. iii, col. 308, 377, 400, etc. Et voici qu’à son toi ; r, détendant L’ornement des nices spirituelles de Ruj sljroecl’; contre les critiques de Gerson, Jean de Shoenahaven invoque le témoignage de Hugues pour justifier le mariage mj’stique entre l’Époux et l’épouse qu’est l’âme. De/ensio, dans Gerson, Opéra, t. i, col. 470. I.c « docteur extaticpie », Denys le Chartreux, Commentaria in librum De cselesti hierarchia, c. vii, a. 32, dans Opéra omnia, Tournai, 1902, t. xv, p. 78, prend avec chaleur le parti de Hugues, que Gerson in experientia et snpore. mtjsticæ theologiiv adnumeral B. Bernardo et quibusdnm aliis sanctis et cpii a exposé catliolicc. ne valde reverenter le livre de Denys, (^, f. V Index analijticiis, p. 718. Saint Antonin, Cronica, III pars historialis, tit. XVIII, c. I, Bâle, 1491, fol. l-7a, loue magnifiquement Hugues et donm— des extraits de ses œuvres.

L’iiilluence de Hugues persista au delà du luojen âge. C’est ce dont témoignent six éditions de ses œuvres complètes qui jjarurent de 1518 à 1048, des éditions partielles et des traductions de VExpositio in régulant B. Augustini et du.Suliloquiam de arrlia animæ.

Jugement sur Hugues.

Hugues est un des

grands noms du moyeu âge, d’abord à cause de l’influence qu’il a exercée tant par ses œuvres que par ses disciples immédiats, comme Richaril de Saint-Victor, ou médiats, comme Pierre Lombard. S’il n’a pas créé la méthode scolastiqiic et si les principaux perfectionnements de cette méthode sont dus à Abélard, voir t. I, col. 54, il a tracé une synthèse dogmatique plus complètement et surtout plus orthodoxement qu’Abélard. Grâce à lui, ce qui devenait une intrusion de la philosophie dans la théologie fut ramené à une application sage et féconde des données de la raison aux vérités de la foi, et entre les deux alnis qui sévissaient : un conservatisme hostile à toute idée nouvelle et un rationalisme plus ou moins conscient qui entraînait aux nouveautés téméraires, il fraya la voie droite où s’engagea le moyen âge à sa suite. Cf. T. de Régnon, Éludes de théologie positiiw sur la sainte Trinité, t. II, Théories scolasliqucs. Paris, 1892, p. 22-53.

L’influence ue livre pas la mesure de la valeur d’un homme. Le succès de Pierre I, ombard l’emporta sur celui de Hugues, et cependant Pierre Lombard, qui fut un compilateur remarquable, n’est qu’un esprit ordinaire, dénué de toute originalité. Hugues, lui, est un esprit éminent. N’iiisistons pas su ; le caractère encyclopédique de son savoir : ce Irait lui est commun avec la plupart des illustres scolastiques. Ne lui demandons i)0 : i plus ni perfection suprême toujours impossible ni une iierfection ((ue la date où

il écrivait ne comportait pns : il a des lacunes, des erreurs, il se répète, il lui arrive d’être long, diffus, quelqne peu subtil ; l’ordre, qui ne lui manque guère dans le développement d’une question, fait défaut quand il s’agit de disposer l’ensemble ; le goût n’est pas impeccable, et il va sans dire que ses connaissances historiques, géographiques, scientifiques, grammaticales, etc., sont de son temps. Par exemple, il admet la génération spontanée, De arca Noe morali, t. I, c. iii, . P. L., t. cLxxvi, col. 028 ; il affirme bravement, Eruditio didascalica, 1. H, c. xxvi : panis dictus est vet quasi ponis quia omnibus mensis apponitur, vet a græco -àv, quod est omne, quia nullum convivium bonum sine pane ducitur, vet quod pascat, cf. S. Isidore de Séville, Etijm., t. XX, c. ii, P. L., t. lxxxii, col. 708 ; ou bien il attache une signification mystérieuse aux noms, cf. Erudilio didascalica. t. VI, c. iii, col. 800, et aux nombres, cf. De arca Noe morali, t. III, c. xv, col. 002. Mais il a, « plus que ses contemporains, scruté le contenu et la méthode des sciences sacrées. L’exposé, d’ordre historique, s’appuie sur l’Écriture ; les Pères n’interviennent que rarement sous la forme de citations expresses ; mais c’est à leur pensée que s’alimente la plume du victorin, et, dit J. de Ghellinck, Le mouvement théologique du xiie siècle, p. 133, les amples développements qu’elle nous fournit nous présentent tout l’enchaînement de nos dogmes et leur défense rationnelle dans une suite de considérations judicieuses et fermes, larges et prudentes, souvent profondes, voire même hardies : malgré son humble modestie, cet esprit vigoureux ose regarder en face tous les problèmes anciens et nouveaux. »

Hugues est un latiniste estimable. Sa phrase a la netteté, le naturel, souvent le rythme, parfois la rime, qu’on rencontre dans divers écrits du moyen âge, tels que ceux de Richard de Saint-Victor, cf. Histoire littéraire de la France, 2e édit., Paris, 1869, t. xiii, p. 488, ou le De imitatione Christi. A ce dernier point de vue, l’étude du Soliloquium de arrha animse serait particulièrement intéressante : tantôt nous avons des sortes d’hémistiches rimes, tantôt, semblet-il, des strophes entières dont on se demande si elles se déroulent au hasard ou selon des règles qui nous échappent. Les antithèses et les jeux de mots à la saint Augustin, sans abonder à l’excès, ne sont pas inconnus à notre auteur ; parlant de l’arche mystique, de la cellule de l’âme, il dit. De arca Noe morali, t. IV, c. IX, col. 679 : Quæ est ergo hœc arca de qua tam mulla dicuntur ?… Numquid putas est labyrinthus ? Non labyrinthus, nec labor intus, sed requies intus. Il a des procédés de style, des trouvailles d’expression, qui font que de telle formule de lui on croirait qu’elle est de saint Augustin ; A. Mignon, Les origines de la seolastique, t. i, p. 130-131, cite en exemple ce bref chapitre sur l’immutabilité divine, De sacramentis, t. I, part. III, c. XII, col. 220-221 : Et ascendit (ratio) et transit et probat quoniam ita est et quoniam variari et mutari non potest Dcus omnino, non enim augeri potest qui immensus est, nec minui qui unus est, nec loco mutari qui ubique est, nec temporc qui letcrnus est. nec cognitione qui sapicntissimus est, nec ajlectu qui optimus est. Mieux encore, il a de saint Augustin le charme, le je ne sais quoi qui rayonne, qui réchauffe, qui pénètre, qui s’empare de toute l’âme, et qui explique, autant peut-être que les ressemblances doctrinales, l’appellation de’second Augustin » qui lui fut décernée. On a puldié. parmi les Opusrula subdititia de saint Augustin, divers traités composés avec des morceaux d’Augustin, de saint Anselme, de saint Bernard, du moine de Saint— Victor ; celui-ci n’a pas trop à souflrir d’un pareil voisinage. Et ne sont-elles pas augustiniennes d’accent, n’expriment-elles pas l’ardeur pour le vrai et l’enthousiasme pour le bien qui