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HUGUES DE SAINT-VICTOR


à goûter. Et les arrhes de tes liançailles, dit riiomiue à son âme, consistent en cela principalement que celui qui se donnera plus tard pour être vu et possédé perpétuellement par toi se laisse goûter quelquefois pour que tu apprennes combien il est doux. Simiil etiani intérim de abscntia ejus consoleris qiiando ejus visitatione ne deficias incessanter reficeris », col. 970. Cette idée est reprise dans le De amore iponsi ad sponsam, P. L., t. clxxvi, col. 987-994. Hugues, pour qui le Cantique des cantiques est le livre de la contemplation : in Proverbiis Salomon quasi medilando inccssit, in Ecclesiaste ad primum gradnm contemplaiionis (la contemplation acquise) ascendit, in Canlicis canticorum ad supremum (la contemplation infuse) se translulii. In Ecclesiasten, homil. i, col. 11 7 ; cf. Eruditio didascalica, t. IV, c. viii, col. 783, où il commente quelques versets sur les noces entre Dieu et l’âme : sponsus est Deus, sponsa est anima, col. 987.

La contemplation se termine à l’amour, in alfeclum lerminatur, dira saint Thomas, Sum. IheoL, lia nis^ q. cLxxx, a. 3, ad 3°™. Hugues en dit autant dans une belle page des homélies sur l’Ecclésiaste, col. 117-118 : Novissime auiem, postquam assidua veritalis contemplaHone cor penelratum fuerit et ad ipsum summæ vcritatis fonlem medullitus loto animæ af/ectu intraveril, tune in idipsum dulcedinis quasi totum ignitum, ft in ignm amoris conversum, ab omni strepitu et perturbatione pacalissimum requiescit. Apogée des ctats mystiques, l’amour est aussi la grande vertu des états ordinaires de la vie chrétienne. Hugues en a trailé souvent. Le De sacramentis, t. II, part. XIII, c. vi-xii, col. 528-550, consacre à ce magnifique sujet une étude pénétrante, malheureusement déparée par quelques notions inexactes. Il développe fortement la thèse de saint Augustin, voir 1. 1, col. 2437-2438, que l’amour désintéressé, loin d’exclure le motif de la récompense en tant qu’elle est Dieu même, le comprend dans son désir, c. vii, col. 531-534 ; cf. Bossuet, Instruction sur les états d’oraison, traité I, Additions et corrections, n. VIII, dans Œuyres, édit. Lâchât, Paris, 1864, t. xvni, p. 670-673 ; mais il en arrive à tout ramener à l’amour de concupiscence : quid est diligere nisi concupisccre et habere vellc, et possidere et jrui ? col. 534, et à ne pas tenir compte de l’amour de bienveillance, qui consiste à aimer Dieu pour Dieu même. Cf. P. Rousselot, Pour l’histoire du problème de l’amour au moijen âge, dans les Beitràge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters, t. vi, cahier 6, Munster, 1908. Le De substantia dilectionis et charitale ordinata, P. L., t. clxxvi, col. 15-18, reflète la même doctrine. Le De laude charitatis, P. L., t. clxxvi, col. 971-976, est un admirable panégyrique de la bonne, de la chère charité, o bona churitas. o cara charitas, col.dlG. Un passage, col. 975, a des chances d’avoir suggéré à Pierre Lombard sa thèse erronée sur l’identité entre la charité et le Saint-Esprit ; il est susceptible d’être bien entendu. L’amour loué par Hugues n’est pas exclusivement cehiides états mystiques ; certains traits, tels que celui-ci, col. 976 : sempcr cor sursum liabct et desiderium in superna eleoatum, conviennent à la charité qui est unie à la contemplation. Dans le commentaire sur la Hiérarchie céleste, t. VI, c. vii, col. 1034-1044, Hugues balbutie, avec un sentiment d’admiration vive — si rgo quod sentio dicam, primum hoc fateor quod verba’ludivi aut non Iwmini dicta aut non dicta ab homine (il s’agit d’un texte du pseudo-Denys, col. 1036) — les merveilles de l’amour atteignant sa perfection, et ajoute à sa louange qu’il peut aller plus loin que la connaissance : Plus cnim diligitur quam intclligitur, ri inlral dilectio et appropinqual ubi scientia joris est, col. 1038.

//I. PLACEDE nuaVESDASS L’HISTOIRE DELA THÉO lo aiE. — 1 o Ses sources. — 1. Les sources du De sacra meniis et des autres écrits sûrs. — Hugues sut-il l’hébreu et le grec ? Il compare volontiers le texte de la Vulgate à l’original hébraïque, par exemple, Adnotationes clucidatoriæ in Pentaleuchon, c. vii, P. L. t. cLxxv, col. 37, 45, 59, 60, 61, etc. ; sans doute il le fait d’après les écrits de saint Jérôme. De même il multiplie les étymologies grecques, par exemple, Eruditio didascalica, t. IV, c. xvi, col. 788-790 ; il pouvait les prendre dans les glossaires qui offraient une érudition toute prête. Toutefois, dans son commentaire sur le pseudo-Denys, t. IV, c. m. col. 994, il corrige la traduction de Jean Scot Ériugène d’un ton qui invite à supposer chez lui la connaissance directe du grec.

La nomenclature des écrivains de l’antiquité — où les noms fabuleux se mêlent à ceu.x de l’histoire — de Y Eruditio didascalica, t. III, c. ii, col. 765-767, est vraisemblablement empruntée aux Éliimologies d’Isidore de Séville ou à des ouvrages semblables. Hugues cite Virgile. Horace, Juvénal, Perse, Lucain, Térence, Cicéron, Sénèque, etc. Il dit, ErwUlio didascalica, t. III, c. ii, col. 767, que Platon primas logicam rationalem apud Grœcos instiluit, quam postea Aristoteles discipulus ejus ampliavit, per/ecit et in artem redegit. Mais rien ne prouve que les rares écrits de Platon et d’Aristole alors répandus aient été en ses mains, ni ceux de Plotin et de son école ; il semble n’avoir connu Aristote qii’.^ travers Boèce, et Platon et les néo-platoniciens qu’à travers saint Augustin et le pseudo— Aréopagit e.

Les citations expresses des Pères n’abondent pas sous sa plume, sauf dans un chapitre sur la Trinité, et dans les traités du mariage et des fins dernières du De sacramentis. Mais il est nourri de leur substance et, tout en restant personnel, ilutilise.sansles alléguer, leurs pensées, voire leurs expressions. Il mentionne, parmi les Pères, Eruditio didascalica, t. IV, c. ii, col. 779 ; De Scripturis et scriptoribus sacris prænotadunculsp, p. VI. P. /, ., t. r.i.xxv, col. 15, Jérôme, Augustin, Grégoire (évidemment Grégoire le Grand), Ambroise, Isidore, Origène, Bède, et, dans une seconde liste plus complète, plus livresque, Eruditio didascalica, c. xiv, col. 786-787, avec ces mêmes Pères, Athanase, Hilaire, Basile, Grégoire le Thaumaturge, Grégoire de Nazianze, Théophile d’Alexandrie, Jean Chrysostome, Cyrille d’Alexandrie, Léon pape, Procuhis, Isidore de Séville, Cyprien, Orose, Sédulius, Prudence, Ju’eiicus, Arator, Rufin, Gélase, Denys l’Aréopagite, Ensèbe de Césaréc et Cassiodore. Saint Augustin est son auteur préféré : omnium sludia Auguslinus ingénia vel scientia sua vieil, col. 786 ; il s’en pénétra si parfaitement qu’il fut appelé c( un second Augustin », cf. Thomas de Gantimpré, Bonum universnle de proprietalibus apum, 1. H, c. XVI, Douai, 1597, p. 174 ; Denys le Chartreux, Opéra omnia. Tournai, 1902, t. xv, p. 78 ; mais il est un disciple de saint Augustin.< à la manière de saint Anselme, c’est-à-dire qu’il demande au docteur d’Hippone moins des solutions toutes faites que la méthode pour penser par soi-même ». T. de Hégnon, É/urfes de théologie positive sur la sainte Trinité, t. ii, p. 19. Pour rexplication morale de l’ficrilure, son maître est le pape saint Grégoire : bealissimi Gregorii singularitcr scripta amplcxanda cxistimo quw, quia mihi prie cœleris dulcia et eetcrnæ viise amorc plrna vi.’^a sunt, nolo silentio prœterirc. Eruditio didascalica, t. V, c. vii, col. 794. De saint.lérôme il vante justement la traduction de la Bible, Eruditio didascalica, I. IV, c. v, col. 781 ; De Scripturis prxnolatiunculir, c. ix, col. 17-18, et il acccpte le jugement sur Un tin en des termes qui montrent le grand cas qu’il fait de son autorité : quoniani n. Illeronijmus in aliquihus cum de arbilrii libertate nolavit, illa sentire debemus quæ et Hierontjmus, Eruditio didascalica, t. IV, c. xiv, col. 787 : il le suit ordi niCT. DF, THfioL. CATHOL,

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