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HUGUES DE SAINT-VICTOR


M. Grabmaiin, Die Geschichte der schotastischen Méthode, t. II, p. 298-299. Sil fallait reconnaître là l’iiiilucnce de la division : //rfes, sacramentum, caritas, pourquoi ne pas songer à Hutiues, qui propose avec insistance cette division en trois éléments nécessaires au salut : tria sanc sunt qiiæ ab initia sire ante. aduentum Christi sive post ad salutem oblinendnm nceessaria fuerunt, i. e. fuies, sacramenta fidei et opéra bona. De særamentis, t. II, part. IX, c. viii, col. 328 ; cf. part. VIII, c. I, col. 305-306 ; De særamentis Icqis naturalis et scriplæ, col. 35? En tout cas, le plan de la Summa sententiarum, beaucoup plus cjue celui du De særamentis, se rapproche du plan de nos cours de théologie modernes : il est clair et losique, et il s’ouvre à propos par un traité de la foi qui est une sorte d’introduction aux thèses de la théologie spéciale.

Doctrinalement, et à prendre l’ensemble, la Summa sententiarum est en progrès sur le De særamentis. Voici les questions principales où ce perfectionnement s’atteste. La foi : les rapports de la vision avec la foi sont exp ! iqués, non pas à fond, mais avec une connaissance exacte des éléments du problème, tr. I, c. i, col. 44-43. Dieu un : la prescience divine dans ses relations avec les choses créées, tr. I, c. xii, col. 61 ; la prédestination et les diflicultés qu’elle soulève, c. XII, coi. 62-64 ; la volonté de Dieu et la permission du mal, c. xiii, col. 64-67, reçoivent des éclaircissements. Dieu trinc : la Somme adoucit les expressions du De særamentis sur la démonstration rationnelle de la Trinité et, après avoir dit nettement cin’il faut d’abord entendre les témoignages de l’autorilé, réduit le rôle de la raison à montrer certains exemplaires de la Trinité dans les œuvres de Dieu, qiurdani e.remplaria in his qii.T fada sunt, certains vestiiies de la Trinité dans l'àine, in seipsa potiiit humana mens vestigium Trinitiitis invenire, tr. I, c. vi, col. 50-51 ; sur le terme inyenitus appliqué au Père, sur l'égalité des personnes, l’application du mot < personne » aux trois réalités divines, sur les relations dans la Trinité et les opérations divines, des explications courtes mais précises sont données qu’on chercherait en vain dans le De særamentis. Les anges : sur l’excellence de Lucifer, le chef des rebelles, tr. II, c. iv, col. 83-84, la Somme a un chapitre qui manque dans le De særamentis : elle est plus complète de nrdiniim distinctinne. c. v, col. 85-87, et elle s’ins]>ire largement de saint Grégoire pape, alors que le De særamentis, I. I, part. V, c. XXX, xxxii, col. 260-261, 261-263, et le commentaire sur la Iliérareliie eéleste, !. V, c. vi-x, P. L., t. ri.xxv, col. 1027-1101. suivent le pseudoDenxs. L'état de l’homme primitif et la chute : la différence entre 1 état présent et l'état de l’homme avant le péché est exposée avec une supériorité évidente dans la Somme ; le libre arbitre y est mieux présenté, tr. III, c. viii-ix, col. 101-105, et la))résence des vertus surnaturelles, particulièrement de la charité, dans l’Ame d'.^dam avant la chute, y est afiinnéc clairement, tr. III, c. iiv ool. 100. Le Verbe incarné : dans un exposé morcelé, incohérent, contrarlirtoire, cf. P. Clacys-Houiiarrt, Revue d’histoire eeelésiastique, t. x, p. 716-717. la Somme reproduit l’erreur du De særamentis sur l’omnisciencc de l'âme dti Christ, mais refuse à bon droit de lui accorder la toute-puissance, tr. I, c. xvi, col. 71-72. Voir t. i, col. 53. Les sacrements : la doctrine sacramentaire de la Somme dépasse celle du Dr sneramentis : le point de départ est une notion meilleure du sacrement, dans laouelle l’eflicacité est considérée avec raison comme la spécifique qui différencie le signe sacramentel de tout autre siune. tr. IV, c. I, col. 117, snernmentiim vrro non soliim siç/nifieat sed rtiam conjert illud enjus est signiim vel sirjnipcatio ; de là plus de précision dans la distinction des

cléments du sacrement et de la plupart des points de la doctrine. Cf. P. Pourrai, La théologie særamentaire, p. 37-39, 62, 243, 245-246, 341-342. Le baptême : la Somme, tr. V, c. iii, col. 129. mitigé ce qui a été admis dans le De særamentis. t. II, part. VI, c. ii, col. 447. sur la validité du bap>ème conféré en nommant le Père seul, ou le Fils, ou le Saint-Esprit seuls, pourvu cpi’on croie aux trois personnes divines. La confirmation : la Somme ajoute au De særamentis cette formule parfaite, tr. VI, c. i, col. 138 : in baptismo datur Sfirilus ad remissionem, hic datiir ad robiir. L’eucharistie : le De særamentis, t. II, part. VIII, c. viii, col. 467-468, distingue fort bien, dans le sacrement unique de l’eucharistie, l’espèce visible, la vérité du corps, la vertu de la grâce spirituelle ; la Somme introduit, pour exprimer la même chose, une terminologie appelée à un brillant avenir, tr. VI, c. iii, col. 140 : Tria hic eonsidcrare oporlet, unumqnod est særamentum iantum, altcrum qiiod est sacramentum et res særamenti, terlium quod est res tantiim. La pénitence : nous avons sur la contrition deux chapitres, tr. VI, c. xi-xii, col. 147-150, vraiment précieux en dépit d’expressions ambiguës sur le rôle de la confession verbale précédée d’une contrition véritable : la Somme, tr. VI, c. xiii, col. 150-151. rejette la reviviscence, après une nouvelle chute, (les péchés pardonnes, admise énergiquement par le De særamentis. 1. 11, part. XIV, c. ix, col. 570578. Cf. P. Clacys-Bouiiært, Revue d’histoire ecclésiastique, l. X, p. 284-285. L’extrême-onction : sur la non-réitération de ce sacrement au cours d’une maladie, la Somme amorce la solution exacte, tr. VI, c. XV, col. 154 : sacramentum non esse iter(nidum, là où le De særamentis. t. II, part. XV, c. iii, col. 578-580, liatronne franchement la réitération ; niais les développements explicatifs de la Somme aboutissent, en dénaturant le sens des mots, à légitimer la réilération.

Tout n’est pas progrès dans la Summa sententiarum. Sans compter qu’on y découvre > une inoindre vigueur synthétique, même une certaine absence de synthèse, une moindre profondeur, et, comme corollaire, une moindre originalité », P. Cla : 'ys-B(, uiiacrt, Revue d’histoire ecclésiastique, t. x, p. 715 ; cf. p. 715719, sur un petit nombre de points elle marque un recul par rajiport au De særamentis. Plus complète sur les relations entre la vision et la foi, elle a subi fâcheusement l’influence d’Abélard en soutenant que la foi sans la charité n’est jias une vertu, tr. I. c. ii, col. 45, et en n’excluant de la foi ciue les choses non soumises aux sens, tr. I. c. i, col. 43 : fjdes est voluntaria eertitudo alisentium…, id est sensibus eor/ioris non subjæentium. cf. T. Heilz, Essai historique sur les rapports entre la plùlosophie et la joi, ]i. 19, 76 : il est vrai que, dans tout le c. ii. col. 44, il est dit tout court que pdes est solummodo deii^ quw non videntur, ce qui enlève à l’objet de la foi toute vision, tant intellectuelle que sensible, comme le fait explicitement le De særamentis, t. I, part. X, c. ii, col. 328..M)élard a déteint encore sur la doctrine de la filiation du Christ en tant qu’homme, voir 1. 1. col. 415 ; sur celle de la rédemplion, cf..1. Rivière. Le dogme de la rédemption, Paris, 1905, ]i. 342-343, 472, et sur celle du déni du pouvoir de consacrer validement cjuand on a été frappé de l’excommunication, tr. VI, c. ix, col. 146. Voir t. i, col. 53.

3° I.a mijstique. — Hugues n’a » as laissé, en matière de théologie ascétique ou mystique, un ouvrage de l’envergure du De særamentis. Vn des écrits qui s’y rapportent, un des plus ci n-idérablos par l'étendue, le commentaire sur la Hiérarchie réleste, a été qualifié jiar Vllistoire littéraire de la France, t. xii, p. 13, de livre informe et fastidieux…, dont l’inulilile va de pair avec la prolixité ». Ce jugement est trop dur.