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HUGUES DE SAINT-VICTOR

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col. 203-288 ; cf. De scicram. ler/is natiinilis et scriplse, col. 21-2-4, les questions délicates qui se posent au sujet (le l'état de nos pieniiers parents. Passons sur ce qu’il dit de la condition du genre humain si Adam n’avait pas péché ; ce sont là de ces curiosités théologiques », dont souriait Brunetièrc et que Hugues juj^e de la sorte, c. xi, col. 270 : licet aliqiiando cum curiosiUde qua’runtur, uliliter lamen sciuntur si cum discreliuiie disiiitiantur. Dans un bon chapitre initial, col. 263-264 ; cf. 1. 1, part. 11, c. iv, col. 208. notre auteur enseigne que l’homme fut créé pour une fin surnaturelle, ul cum illins boni quod ipse (Dci(s) eral et quo ipse brcdus crat pniiicipem /aceret. 1^'honinie était donc fait pour deux vies, l’une inférieure, l’autre supérieure, la première dans l’ordre de la nature, la seconde dans celui de la grâce : bona inferioris vilw ex natain sunt, bona vero supcrioris vila : ex gratin, c. xxxii, col. 283. Il ne posséda pas de suite la vie supérieure : il <lut s’en rendre digne |'ar son obéissance au créateur et la recevoir à titre de récompense, c. i, vi. xxvii-xxvTii, col. 264, 267-268, 280-281. Voit t. i, col. 373. D’autre part, la vie inférieure ne lui fut pas donnée avec les seuls biens naturels, mais avec ce que la théologie appelle les dons de la nature intégre. Ces dons sont l'œuvre de la grâce créatrice : grtilia creatrix primum nalunv conditse queedam bona inseruit. c. XVII, col. 273. Cf. A. INIignon, Les origines de la scolastique, t. ii, p. 15 (il y modifie son exposé du t. i, p. 2.57, où il avait identifié la gratia creatrix avec la grâce sanctinante"). Sur deux de ces dons : l’immortalité et l’impassibilité, il s’e.xprime excellemment, c. xvni, col. 275-276 ; cf. c. xxx, xxxiii, col. 282-283, 284, sur les délices du paradis terrestre. Quant à l’immunité de la concupiscence, il l’indique équivalemment, soit en excluant la concupiscence de la génération, c. xxiii, col.277.soitendisantque l’homme qui. après la chute, peut pécher et ne peut pas ne pas pécher, passe peccare quia libertatem hnbet sine gratia confirmante, non passe non peccare quia infirmitaiem habet sine gratia adjuoanie, avait, avant la chute, une aide divine pour résister toujours à l’entraînement du mal, c. xvi, col. 272-273. Cf. encore 1. 1, part. VII, c. xix-xx, col. 295-296. Le don préternaturel de la science est affirmé dans une formule heureuse, c. xii, col. 270 : Sicut, quantum pertinei ad perfectionem slaturæ et eelatis luimnni corporis, primum hominem perjectum credimus factum, itu quoque, quantum ad animam, cognilionem verilaiis et scientiam, eam dumtuxat quie primie perfectioni congrua fuit, perjectam mox conditum accepisse credimus. Mais plus d’un théologien ferait des réserves sur deux opinions de Hugues : d’abord, on s’en souvient, il attribue à Adam la connaissance de Dieu per preesentictm contemplationis ; ensuite, tout en déclarant qu’Adam connut en général et debitum obedienliae suse erga svperiorem (Dieu) et debitum providenliæ suse erga in/eriorem (sa postérité), il croit tout à fait probable qu’Adam n’eut pas dès le principe la connaissance des maux qui le frapperaient et. après lui, sa postérité, s’il désobéissait à Dieu, et celle des biens cju’il aurait s’il était fidèle, c. xv, col. 272. En somme, sur les dons prétcrnaturels, Hugues a le suffisant, ou peu s’en faut.

Sur les dons strictement surnaturels il est moins explicite, moins net. On a noté que les Pères grecs, quand ils traitent du surnaturel, mettent en relief l'élément divin qui est en nous et la présence spéciale de Dieu dans l'âme, pendant que les Pères latins se préoccupent surtout de la perfection morale. Cf. J.-V. Bainvel, Nature et surnaturel, Paris, 1903, p. 74-75. Disciple des Pères latins, Hugues n’envisage pas directement la transformation en Dieu par la grâce/ dès ici-bas, mais les vertus surnaturelles qui donnent

droit à la rétribution surnaturelle. Elles sont le fruit de la grâce salvatrice, gratia salvalrix, ou réparatrice. gratia reparulrix, c. xvii, col. 273, 274. Alors que la nature, même enrichie des dons de la grâce créatrice ou dons de la nature intègre, ne peut mériter audessus de la nature, viriutes quas gralia reparatrix nutnra' sui>eraddita format, quia in mcrito aliquid supra nulurum uccipiunt, in prsemio et supra naturaw remunerari dignæ sunt, ut quihus amor Dei causa est in opère præsentiu Dei pnemium sit in retributione, col. 274. Les vertus surnaturelles ont-elles existé en.dam avant sa chute'.' Hugues n’ose répondre allirmativement : de illis autem uirtutibus quæ voluntate bona ex amore divino mota perficiuntur, niliil lamen temere eirca ipsas, quantum ad primum illum statum pertinet, definire volumus, prseeipue cum de opère charitatis illius nullum sive ex auctoritate sive ex ratione argumentum ccrlum habeamus. Auraient-elles existé en lui s’il n’avait pas désobéi ? Sans doute, car la grâce salvatrice et bona quæ natura primum corrupta perdidil restaurai et quæ imperjecta nondum accepii aspirât, col. 273. Ces biens que la grâce salvatrice confère, Adam les aurait reçus à la condition d’obéir perscvéramment, comme les reçoivent tous ceux qui bénéficient du salut du Christ. Et que sont ces biens ? C’est une éléva'.ion de la nature, supra naturam. Son terme est la présence, la possession de Dieu, ut… priesenlia Dei prasmium sit in retributione. Celui qui le réalise, c’est le Saint-Esprit, Spiritus Sanclus est arlifex. L’artiste fabrique d’abord l’instrument, puis s’en sert. De même le Saint-Esprit produit non pas uniquement une bonne opération passagère, mais quelque cliose de permanent, un état de bonté, jn his virtutibus quæ per gratiam reparatricem sunt primum Spiritus Sanclus bonam voluntatem aspirât ut sit. Enuile il se sert d’elle pour agir, primum operaluream, dcinde operatur per eam, il agit avec elle, en telle sorte que l’action surnaturelle soit du Saint-Esprit et non de la volonté de l’homme, tamen opus bonum ex Spiritu est qui operatur non ex voluntate hominis per quam operatur, in ipsa quidem est bonum sed ex ipsa non est. Ne voilà-t-il pas une esquisse de l'état surnaturel avec la grâce habituelle et les grâces actuelles ? Hugues s’attarde ai-problème de la chute. De sacramentis, t. I, part. VII, col. 287-306 ; cf. De sacramentis legis naturalis et scriptæ. col. 24-27. Sa doctrine sur le péché d’Adam sera reproduite par Pierre Lombard et les docteurs scolastiques, « qui se sont, pour ainsi dire, contentés de résumer les pages si intéressantes de notre auteur ». A. Mignon, Les origines de la scolastique, t. ii, p. 21. LTne de ses thèses pourtant a été abandonnée, malgré la faveur qu’elle obtint dans l'école franciscaine, cf. J. Turmel. Le dogme du péché originel après saint Augustin, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, Paris. 1902, t. iiv p. 315-318 ; c’est celle qui fait le péché d’Adam moindre que celui d’Eve, parce qu’il mangea du fruit défendu tantnm ne mulieris animum, quæ sibi per af/cclum dilectionis sociala fueral, eius petilioni et voluntati resislendo, contristaret, c. x, col. 291. Considéré dans la postérité d’Adam, le péché originel soulève des questions très difficiles. De originali peccato, dit Hugues, c. xxv, col. 297-298, mullæ ac difficiles oboriuntur quæstiones, quæ utrum credendo meliu< ! quam discutiendo, si lamen discussionem admittunt quæ plénum solutionem habcre non possunt, Iraclentur ignora, c. xxv, col. 297-298. Égaré par sa théorie sur l’absence des vertus surnaturelles et de la grâce sanctifiante dans Adam avant la chute, Hugues ne saurait mettre l’essence du péché originel dans la privation de la grâce sanctiliante ; il la place dans l’ignorance de l’esprit et dans la concupiscence de la chair : si ergo quæritur qnid sit originale peccatnm in nobis.