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HUGUES DE SAINT-VICTOR


mettent à ijliilosopher de suite, méprisant les humijles travaux préparatoires qu’ils jugent indignes d’eux et qui, avec leurs prétentions, ne sont que des ânes. Noli contemnere minima hœc ; paulalim deficiunt qui minima conlemnunl… Scio quosdam esse qui sialim philosophari volunl… Quorum scientia formæ asini similis est, I. VI, c. iii, col. 799. A cette occasion, Hugues rappelle l’ardeur de savoir qui le consuma dès sa jeunesse et qui n’est pas amoindrie. Omnia disce, videbis postea niliil esse supcrfluum. Coarclala scientia jucunda non est, col. 800-801. Cf. t. III, c. viii, col. 770 : Nescire siqnidem infirmitatis est, scienliam vero deieslari pravæ voluntatis, et toute la linale du t. III, c. viiiXX, col. 770-778, sur les dispositions intellectuelles et morales requises pour étudier avec Iruit. Philosophie, science, raison, de tout cela, loin d’en être l’adversaire, Hugues de Saint-Victor est l’admirateur convaincu et éclairé. Le mot : Rerum incorrupta Veritas ex ratiocinatione non potest inveniri, est allégué à tort par Ueberweg-Heinze, Grundriss der Geschichte der Philosophie, t. ii, p. 223, en preuve de son hostilité pour la raison ; ainsi que le prouve le contexte, Erudilio didascalica, t. III, c. xii, P. L., t. CLxxvi, col. 749, où il fait partie d’un développement sur la nécessité de la logique, il signifie seulement qu’on ne peut atteindre à la vérité qu’en raisonnant bien. Cf. M. Grabmann, Die Gcschielite der scliolastischen Méthode, t. ii, p. 239-241.

Le théologien.

 Dans les Miscellanea pujjliés

parmi les œuvres de Hugues, 1. V. tit. civ, P. L., l. CLxxvii, col. 804, est marquée la différence entre le logicien et le théologien. Logicus prias intelligit quam credat, iheologus vero prias crédit, posl intdligit, juxta itlud : Crédite et intelligctis, licet, sceundum quosdam. intellectus debeal præcedere fidem. Ad hoc etiam ul lides nctu habeaiur de aliquo, primum oportet scire quod ipsum sit, secundo credere, tertio inlclligcrc quod ipsum sit, quod plene erit in patria. Qu’il soit ou non de Hugues, ce texte définit heureusement le théologien qu’il fut. Pas plus qu’avec la philosophie il ne confond la théologie avec la mystique. Le philosophe se sert de la raison seule, le mystique arrive à la connaissance par la contemplation surnaturelle seule ; le théologien part de la foi, mais il applique aux <lonnées de la foi les données de la raison et travaille à comprendre ce qu’il croit autant que la chose est possible sur cette terre en a'.tendant la pleine intelligence du ciel.

Un passage important du De sucramentis, t. I, part. III, c. XXX, P. L., t. clxxvi, col. 231-232, contient une théorie des rapports de la foi et de la raison dont on a dit justement qu’elle « ne serait approuvée ni des rationalistes ni des traditionalistes, » mais qu’elle « donne satisfaction à une sage philosophie et à la théologie la plus orthodoxe », A. Mignon, Les origines de la scolastique, t. ir, p. 96 : « Autres sont les alTirmations qui viennent de la raison, ex ratione, autres celles qui sdnt selon la raison, secundnm rationem, autres celles qui sont au-dessus de la raison, supra ralionem, autres celles qui sont contre la raison, ronlrn ridionem. Procéflant de la raison, elles sont nécessaires ; selon la raison, elles sont iirohahles ; audessus de la raison., admirables ; contre la raison, incroyables. Les deux extrêmes sont tout à fait incompatibles avec la foi ; car ce qui vient de la r.ùson est entièrement connu et ne peut être cru, et pareillement ce qui est contre la raison ne i)cut cire cru

« l’aucune façon, puiscpie la raison > ri^pugnc et n'>

peut jamais acquiescer. Donc cela seulement jjeul comporter la foi qui est selon la raison ou au-dessus

« le la raison. Dans le premier genre, la foi est aidée

par la raison et la raison est perfectionnée par la foi, fides radonr adjuvatiir et ratio fidr perficitur, parce

que ce que Ion croit est conforme à la raison, et, si la raison ne comprend pas la vérité de ce qui est afhrmé, du moins elle ne s’oppose point à ce cja’on y ajoute foi, quorum veriiatem si ratio non eomprehendit fidei tamen illorum non coniradicit. Dans les choses qui sont au-dessus de la raison, la foi n’est aidée p ; uaucune raison, non adjuvatur fides ratione ulla, car la raison ne saisit pas ce que la foi admet, et cependant il y a quelque chose qui avertit la raison de vénérer la foi qu’elle ne comprend point, (.7 tamen est aliqnid quo ratio udmonetur venerari fidem quam non comprelicndit. Par conséquent tout ce qui a été dit (sur Dieu) suiant la raison a été digne d’approbation pour la raison, probabilia raiioni, et elle y a acquiescé spontanément : mais tout ce qui a été dit au-dessus de la raison nous a été livre par la rCvéla' tion divine et la raison n’y a eu aucune part, qux vero supra rationcm fuerant ex divina reoclalione prodita sunt et non operata est in eis ratio. » Vraiment il y a tout dans cette analyse : la nécessité de la foi pour la connaissance des vérités surnaturelles, la supériorité de la foi qui atteint des vérités inaccessibles à la raison, les services qu’elle rend à la raison en lui présentant des vérités qui ne jaillissent pastle la raison, mais que la raison, les tenant de la foi, trouve conformes à ses lumières, et aussi les services que, tout en s’inclinant devant les vérités surnaturelles qu’elle n’alleint pas, la raison rend à la foi en montrant que ce qui est cru n’est pas opposé à la raison, et même que certaines vérités, qui sont l’objet de la foi, sont dignes d'être approuvées par la raison.

Le De sucramentis est la mise en (t-nvre de ces idées fécondes. Selon la mélhode d’enseignement d’alors, c’est une introduclion à l'étude des Écritures. Cum igitur de prima ernditione sarri cloquii. quie in historica constat lectione, compendiosuni rotumen prias dictas.' : em, hoc nunc ad secundam crudilionem, qus : in allegoria est, introducendis præparavi, écril-il, prol., P. L., t. CLXXVI, col. 183-184 ; il l’a composé à l’usage de ceux qui aboi dent l’intcrprétalion allégorique, ou, en d’autres termes, qui étudient la Bible au point de vue docirinal. Comme V Introdmiio ad titeologiam qu' Abélard définissait, prol., P. L., t. clxxviii, col. 979 :

« une somme de l’enseignement thénlngiquc „^ c’est,

mais dans une ligne orthodoxe, une somme de théologie, hanc quasi brcuem quamdam suinmam omnium, prol., col. 183-184. Le pian avait été esquissé dans un chapitre de V Erudilio didascalica. I. VI, c. iv, col. 802-80.'), où il avait fortement allinné la nécessité de suire la règle de la foi. Cf. G. Robert, Les écoles et l’enseignement de la théologie pendant la première moitié du XII e siècle, p. 140-14(). Il revient volontiers sur ce caractère iiiipéralif de la foi. Fides ergo, dit-il. De sucramentis, 1, I, part. N, c. ii, (ol. 330, necessaria est quu credantur quæ non videntur… Non enim aliud argumentum majus de illis dubitantibus projerre possumus quam quod illa quie creduntur fide ratione non comprehenduntnr. Il subordonne toutes les sciences à la science divine, ; » une foi droite et à des actions boniies, prol., c. VI, col. IS."). Mais il estime « pie, cette foi, la spéculation rationnelle doit contribuer à la nourrir et à la fortifier. Rendre raison de sa foi est « une espèce de mot d’ordre » qui circule alors. Une version fautfve d’un verset de I Pet., iii, 15, est la devise apologétique conrantc. Là où saint Pierre a dit : Parât i sempef ad saiisjætionem omni poscenli vos ralionem de ea quæ in ixihis est spe, on lil :, /< c</ </(/ « in vobis e.sl fide. (^ela commence par saint Anselme, Car Deus homo, 1. I. c. I, /'. /, ., t. CLviir, col. Mi, ifui garde spe, mais rexpli<iuc uniquement des choses de la foi. Cela continue par Abejard, qui niei. 7'/)'i//i » f/ia christiana, I. III, P. L., t. cxxvii, col. 1217 : de ut quæ in vobis est fide et spe, et Episl., .m, col. 355, de ea quæ in