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HUGUES DE SAINT-VICTOR


D’autres, maintenant à Hugues l’attribution du De saaamenlis et de la Summa sententiarum, ont soutenu l’antériorité du De sacramentis. Tels, après B. Hauréau, Les œuvres de Hugues de Saint-Victor, p. 67-75 ; A. Mignon. Les origines de la scolasiique, t. I, p. 32 ; J. Kilgenstein, Die Goticslchre des Hugo von SI. Viktornebsleinercinleilenden Unlersuchungiïber Hugos Leben und seine hervorragendsten Werkc, Wurzbourg, 1898, p. 22-25 ; U. Baltus, Dieu d’après Hugues de Saint-Victor, dans la Revue bénédictine, Maredsous, 1898, t. XV, p. 214 (ne se prononce pas directement sur l’antériorité de la Somme, mais accepte les conclusions de Kilgenstein) ; F. Picavet, Esguisse gêné raie et comparée des philosnphies médiévales, Paris, 1905, t. XII, p. 203 : R. de Chefdebien, dan. la Revue augustinicnne, Paris, 1908, t. xii, p. 52U-56U ; M. GraLmann, Die Geschich'.e dcr scholastischen Méthode, t. ii, p. 290-297 ; A. Hofmeister, dans A’eues Arehiv, Hanovre, 1912, t. XXXVII, p. 649.

.insi deux questions se posent. Hugues de SaintVictor est-il l’auteur de la Summa sententiaruml La Summa est-elle postérieure ou antérieure au De sacramentis’l

La question d’authenticité.

Écartons, d’abord,

des arguments sans valeur. On a argué des ressemblances entre le De særamentis et la Somme pour conclure à un auteur unique. Cf. B. Hauréau, Les œuvres de Hugues de Saint-Victor, p. 73. Cette considération ne porte pas ; c'était une habitude, au moyen âge, de copier sans scrupule, et sans éprouver le besoin d’en avertir, tout ce qui paraissait utile. On a allégué un passage des Quæstiones et dccisiones in Epistotas D. Pauli, q. lvi. P. L., t. clxxv, col. 524, où l’auteur, à l’occasion d’une difficulté sur le mariage, renvoie à deux écrits précédents, in Sacra nwntis enim et Sententiis majorum hsec diligenHiis prose piimur ; or la solution annoncée se rencontrerait dans le De sacramentis, 1 H part. XI, c. vii-viii, P. L., l. clxxvi, col. 494-496, et dans la Summa sententiarum, tr. VH, c. IV, col. 157. Répondons à cela qu’il n’est pas sur que ce chapitre de la Summa coïncide avec le renvoi des Quæstiones ; en tout cas. ni cette partie de la Summa (elle est de Gautier (le IMortagne), ni les Qu.-Bs^/o/ies ne sont de Hugues, et donc l’argument est en dehors de la question. On a allégué encore un passage de Jean de Salisburj', Metalogicus (antérieur à 1161), t. IV, c. XIII, P. L., t. cxcix, col. 924, qui cite, en la prêtant à maître Hugues — < maître Hugues » tout court désignait presque toujours Hugues de Saint-Victor : cf. A. M. Gietl, Die Sentenzen Rolands, p. xxxvii — une définition de la foi qui se lit dans la Summa sententiarum, t. I, c. i, P. L., t. clxxvi, col. 43, et qui diffère de celle du De sacramentis, t. I, part XX, c. ii. col. 330. On ne peut rien en conclure, car la définition de la Summa se rencontre aussi dans le De sacramentis legis naturalis et script.v, P. L., t. clxxvi, col. 35, el Jean de Salisburv a pu se référer à cet ouvrage. Contre l’attribution de la Somme au victorin, on a dit que la courte carrière scientifique de Hugues ne laisse pas assez de temps, entre l’achèvement du De særamentis et la date de sa mort, pour la composition de la Somme. Ceux qui mettent le De sacramentis avant la Somme répondront que l’année de l’achèvement du De sncramentis n’est pas connue, et que l’exemple d’un saint Thomas, d’un Duns Scot, etc., montre ce que réalisaient en peu de temps les grands docteurs du moyen âge.

Dans son article de VArchio, H. Denifle faisait valoir, pour contester la Somme à Hugues, l’anonymat de la plupart des manuscrits anciens et un texte de Robert de Melun, contemporain de Hugues. Mais ce texte est si peu explicite cDntre Hugues qu’on y a iiv au contraire, un arRument <le plus en.sa faveur, cf.

R. de Chefdebien, Revue (uigustinienne, t. xii, p. 545546, et que G. Robert, défavorable à la paternité de Hugues, estime, Les écoles et l’enseignement de ta théologie pendant la première moitié du.MIe siècle, p. 221, que, s’il n’est pas pour elle, il n’est pas contre elle. Quoi qu’il en soit de Robert de Melun, cinq écrits de la seconde moitié du xii'e siècle ou de la première moitié du xiii'^ ont été signalés par A. M. Gietl, Die Sentenzen Rolands, p. xxxv-xxxviii, et par P. Fournier, Annales de l’université de Grenoble, t. x, p. 173, qui attribuent la Somme à Hugues : l’un est un recueil de questions canoniques rédigé entre 1154 et 1179 ; l’autre, le Liber de vera ppilosophia, que P. Fournieravait d’abord été porté à croire de Joachim deFlon(voir t. VI, col. 1356), a été composé peu après 1180. Cf. P. Fournier, Éludes sur Joachim de Flore, p. 57. Ces tèmoignagss méritent considération. N’y aurait-il pas, dans la Somme elle-même, de quoi les infirmer ? On l’a prétendu, en s’appuyant sur deux passages. Le premier, tr. I, c. iii, P. L., t. clxxvi, col. 46, traitant de la nécessité de la foi, expose une opinion, quidam dicunt, qui est celle d’Abélard ; mais, poursuit l’auteur, d’autres à qui nous donnons notre assentiment, alii quibus magis asscntimus, ont une opinion différente, et il expose cette opinion, qui est celle du De sacramentis, t. I, part. X, c. vi, col. 336339. N’est-ce pas laisser entendre qu’il n’est point l’auteur du De sacramentis '1 Pas nécessairement : si d’autres que lui sont de cet avis, il se range simplement à leur manière de voir sans rappeler qu’il l’avait fait déjà. Voici qui est plus sérieux. Au sujet de l.i reviviscence des péchés pardonnes quand on tombe dans le péché mortel, la Somme, tr. VI, c. xiii. col. 150151, se sépare de certains, quidam, qui soutiennent cette reviviscence et la prouvent par la parabole di ; serviteur, Matth., xviii, et adhère à certains autres. alii quibus magis videtur assenliendum, qui excluent cette reviviscence. La thèse que la Summa adopte est celle d’Abélard ; la thèse de ceux qui n’ont pas son assentiment est développée dans le De sacramentis et prouvée par la parabole du serviteur, I. H, part. XIV. c. IX, col. 576. Sans regarder cet arguiuent comme « décisif » avec G. Robert, Les écoles et l’enseignement de la théologie pendant la première moitié du.y//e siècle, p. 236 : cf. P. Clæys Douiiacrt, Revue d’histoire ecclésiastique, t. X, p. 284-285 — à la rigueur, Hugues pouvait s’en tenir à ce genre de rétractalion qui consiste à passer sous silence une ancienne adhésion à une opinion maintenant abandoimée et à prendre nettement)iarti pour l’opinion nouvelle — nous le tenons pour très grave. Lin autre passage de la Sumnu, où l’autorité de Gilbert de la Porrèc est invoquée, tr. 1. c. XII, col. 64, fournit un argument non moins sérieux. Cela est en désaccord avec les habitudes de I lugues, qui ne nomme jamais les écrivains contemporains ou récents. Kn outre, avant la date de la mort de Hugues, Gilbert n’avait guère attiré l’attention, cl ses ouvrages étaient peu connus, en supposant quc la plupart aient été déjà écrits. U est bien improbable que son autorité se soit imposée à Hugues. Que si la Summa est postéiicure à Hugues, rinraiscmblance disparaît ; dans ce cas, l’auteur est à ajouter à la liste de ces « porrélains » qui se rattachèrent à Gilbert de la Porrée sans adhérer à ses erreurs. Voir t. vi, col. 1355. 1^'absence de la Somme de V Hidiculum des œuvres recueillies par les soins de (jilduin (elle n’est pas désignée par les Sententiir (ie mentionne V Indiculum, t. II, n. 1. 19, 45 ; cf. J. de Ghellinck, Recherches de science religieuse, t. i, p. 385, 387-388, 393), n’est guère moins significptive. Quelques-uns des opéra minora de Hugues pouvaient échapper au collecteur ; il est difficile de concevoir qu’on ait perdu la trace d’une œuvre de ce prix.