Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/113

Cette page n’a pas encore été corrigée
211
212
HUGUES D’AMIENS


Sur Dieu, sur la trinilé, sur rincarualion, sur la chute des ano(s et lelle de l’hominc, rien de l^icn remarquable.

La question de la < ; ràie et du libre arbitre, discutéidans le !  ! et le 111"^ l vrc des Dialogues, est soigneusement traité-.'. « Ie libre arbitre, dit Hugues, P. J., t. cxcii, col. 1168, est une faculté en vertu de laquelle l’intelligence raisonnable a le pouvoir d’exécuter ce qu’elle juge (ben). Ce jugement n’ist véritab’enienl libre que lorsque la créature fait ce qu’elle croit devoir faire. Or elle le lait lorsqu’elle aime son créateur et, connaissant sa volonté, l’exécute sans égard pour sa volonté propre. Que si elle dédaigne d’obéir à cette volonté, qu’elle juge pourtant devoir être uniquement suivie, elle contredit son propre jugement et pei’d justement par sa transgression la liberté de bien juger. Cette liberté perdue, elle est à bon droit livrée au vice. Ainsi, perdant son libre arbitre, elle demeure captive dans les liens du péché. Car elle ne peut aucunement recouvrer elle-même la liberté qu’elle a perdue par sa faute ; celui qui la lui avait donnée est seul capable de la lui rendre. » Avis à ceux qui prétendent que « le libre arbitre a été donné par Dieu pour le bien comme pour le mal. Il est sûr qu’on le perd en pécliaiit, el, une fois perdu, on ne le recouvre que par la grâce. Du reste, comme il est prouvé que le mal n’est rien en soi et que le bien seul est quelque chose, commeni pourrait-on démontrer que le libre arbitre a été donné tout à la fois pour quelque chose et pour rien ? »

En somme, le libre arbitre n’agit pour le bien cjue sous l’action de la grâce. Cette grâce, c’est Dieu qui la donne. Mais Dieu ne la donne pas également à tous. De là le problème ('e la prédestination. Pourquoi Dieu, dont la charité s'étend à toutes les créaturi s, préfèret-il certaines personnes, qu’il préserve du mal, qu’il orne de vertus et qu’il rend éternellement heureuses dans l’autre vie, tandis qu’il laisse les autres croupir dans le crime et les réserve pour être un jour les funestes objets de ses vengeances éternelles ? Dialog.. t. ii, loc. cit., col. 1155 sq. Hugues répond, ibid.. Dieu n’est que charité. Si la créature raisonnable a été douée du libre arbitre, c’est « afin de connaître son créateur et, en le connaissant, de l’aimer comme elle doit le faire. Le créateur exige cette dette de sa créLlure. Si elle remplit soigneusement ce devoir, elle mérite d'être bienheureuse, en conlemplant pleinement celui par qui elle a été créée. L’impie ne remplit pas ce devoir d’amour ; il méprise l’ordre établi par la justice : manquant de justice, il court audevant de la misère. En vertu de la souveraine justice, qui est Dieu, toute volonté désordonnée est à ellemême son châtiment. Car Dieu est le créateur ; il n’abandonne pas le pécheur ; il le rappelle et le corrige ; il le flagelle pour le corriger et, quand il ne se corrige pas, il l’abandonne, afin qu’il apprenne par les tourments combien est juste la peine qu’il subit pour avoir, lui créature, méprisé son créateur et pour n’avoir pas aimé, lui tant aimé, le Dieu qui l’aimait tant… C’est le châtiment qui fait comprendre aux damnés combien il est juste que la peine soit la part de ceux qui n’aiment pas, comme il est ju ; te que la béatitude soit la récompense de ceux qui aiment… »

Ainsi, n’est damné que celui qui se damne. Les hérétiques de la Bretagne se demandaient : A quoi sert l'Église ? « L'Église, dit Hugues, Contra liœreticos, t. III, loc. cit.. col. 1297-1298, sert à sauver les âmes. Elle est l'échelle de Jacob que Dieu a dressée de la terre jusqu’au ciel, et par où les anges montent et descendent. Elle est la maison de Dieu et la porte du ciel. C’est un lieu où Dieu réside, non pas comme partout ailleurs, mais comme dans un lieu de grâce, où il est pieustment cherché, trouve, aimé. C’est la maison de Dieu, terrible pmu-les impies, les schismatiques, les

héiétiques. C’est la maison de Dieu pour tous ceux qui ont trouvé une nouvelle naissance dans les sacrements, qui ont été ornés de la grâce septiforme du Saint-Esprit, qui ont été rassasiés de l’unique pain céleste. »

Hugues explique dans les Dialogues, ]. II, c. viii, 19, loc. cit., col. 1160 sq., les sept dons du Saint-Esprit, puis, t. V, C.i sq., col. 1193 sq., les suites dupéchéetles sacrements qui en sont le remède.

La doctrine de l'Église sur le baptême des enfants scandalisait particulièrement les hérétiques. Hugues répond à leurs objections dans le Contra iiæreticos, t. I, c. XI, col. 1206 sq. Ils alléguaient ce passage de l'Évangile : « Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, r. Marc, XVI, 16. Or, disaient-ils, les enfants ne croient pas ; donc le bapti’me ne leur sert de rien. Hugues répond que ce passage ne regarde que les adultes. Pourtant, ajoute-t-il, ce n’est pas à eux seuls, mais à tous les hommes en général, que le baptême est nécessaire, suivant ces autres paroles de l'Évangile : Si quelqu’un n’est pas rené de l’eau et de l’Esprit Saint, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. » Joa., III, 5. « Voilà, poursuit-il, une loi qui n’excepte personne, pas même l’enfant d’un jour. Disons donc que l’on n’exige des enfants que la grâce et non les œuvres, la grâce de la sanctification qui vient du baptême et non les œuvres méritoires qui se font par le choix de la volonté. Cette grâce leur est conférée sans qu’ils s’en aperçoivent. Car de même qu’ils ignorent le péché qu’ils tiennent originairement de notre premier père, ainsi ils reçoivent de JésusChrist, par la voie des sacrements, la grâce qu’ils ne connaissent pas. Et comme les enfants ne sont pas excusés du péché (originel) pour l’ignorer, de même ils ne sont pas exclus de la grâce pour ne pas la connaître. » Et plus loin, c. xii, col. 1268-1269, l’auteur fait remarquer que la foi de l'Église catholique supplée à la foi qui manque aux enfants ; elle devient pour ainsi dire leur propre foi.

On lira dans Dialogues, I. V, c. xiv sq., loc. cit., col. 1209 sq., ce qu’il pense du sacrement de l’autel et dans Contra heereticos, t. II, c. ii sq., col. 1276 sq., ce qu’il dit des sept degrés de l’ordre.

Au t. V, c. XI, des Dialogues, col. 1204, il avait à répondre à cette question : « Que faut-il penser des ministres sacrés suspens, exctmmuniés ou déposés ? Lorsqu’ils montent à l’autel, opèrent-ils réellement le corps du Christ ? Et ceux à qui ils imposent les mains reçoivent-ils les dons du Saint-Esprit ? »

Hugues soutient nettement 'a négative. C’est le Christ, dit-il, qui agit par l'ÉglioC lorsqu’elle donne le pouvoir d’ordre et c’est encore le Christ qui retire ce pouvoir quand l'Église le retire. « Si donc celui que le Christ a, par l'Église, destitué de son office en le déposant ou en l’excommuniant, a la présomption d’administrer les sacrements, lui qui n’est plus ministre, il n’opère rien » : Quem itaque Ciiristus per Ecclesiam deponendo et e.vcommunicando destituit ab officia, si in sacramentis ministrare presumit, qui jam ministcr non est, nitiil facit.

Cette proposition fit scandale et le prieur de SaintMartin-des-Champs en avertit Hugues, qui lui répondit par la lettre que Migne a publiée à la suite du VL' livre des Dialogues, loc. cit., col. 1227-1230. Hugues ne retire rien de ce au’il a avancé. Il justifie son sentiment par saint ^latthicu, xvi, 19 : Quodcumquc ligaveris super terram, erit ligafum et in cselis, etc., et par quelques autres textes, tirés du droit canon ou d’auteurs inconnus, par exemple : Quod conficit schismaticus corpus Christi non est, ou encore : Extra catholicam Ecclesiam non est locus veri sacrifîcii. Aussi bien l’opinion contraire n’aurait-elle pas des suites effroyables ? « Si les consécrations opérées nar les schismatiques et les hérétiques étaient efficaces.