Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/111

Cette page n’a pas encore été corrigée
207
208
IILGUKS D’AMIEN ?


cliarilc, il a soin d’ajouter : « Ne pensez pas que je veuille rendre inutiles vos justes décrets ; ce que vous avez planté, nous ne saurions l’arracher. Si donc l’abbé de Saint-Wandriile persiste jusqu'à la prochaine îcte de la Pentecôte dans le refus qu’il fait de vous obéir, nous confirmerons par l’aulorlle apostolique la sentence équitable que vous aurez portée contre lui. » Pour que Iluf^ues ne puisse douter de la sincérité de ses sentiments, il lui recommande de se préparer au rôle de légat qui lui sera prochainement confié. Comme gage de son amitié, il lui en, oie sa propre élole : « Vous la porterez toujours, dit-il, comme un souvenir de notre affection. »

Alain finit-il par céder"? Cela n’est pas probable.

« Cet abbé, dit un historien de Saint-Wandrille, mettait

trop souvent aux prises Henri l"' et Hugues d’Amiens ; pour le bien de la paix, ses moines le privèrent de sa dignité. » Cod. Y 1 68, fol. 138, bibliothèque municipale de Rouen.

Le roi d’Angleterre ne garda pas rancune à l’archevêque de son attitude, d’ailleurs légitime. Pris d’un mal subit à Lyons-la-Forèt, le 26 novembre 1135, il le fd mander auprès de lui, et mourut dans ses bras, le 6 décembre. Robert de Torigny, Chronique, t. i, p. 194 ; Orderic Vital, /I. E., t. XIII, c. viii, P. L., t. CLXxxviii, col. 945 ; lettre de Hugues à Innocent II, dans Historiens des Gaules, t. xv, p. 694.

En raison même de l’importance de son siège aussi bien que pour sa valeur personnelle, Hugues devait être mêlé, durant son pontificat, aux affaires générales de l'Église et de l'État. C’est ainsi qu’on le voit prendre part au concile qu’Innocent II tint à Pise en maijuin 1135. Jaffé, Regesta, t. i, p. 865 ; Orderic Vital, H. E., t. XIII, c. VII. Le pape lui confia même le soin de régler certaines questions pendantes en France, notamment le différend qui s'était élevé entre rabbaye de la Chaise-Dieu et celle de Saint-Tibéry. Hugues se transporta à Montpellier, d’où il écrit à Innocent II pour lui rendre compte de sa mission. P. L., t. cxcii, col. 1134.

En août 1139, sa présence est attestée en Angleterre par Guillaume de Malmesbury. Le successeur de Henri I*', Etienne, s'était emparé des châteaux que plusieurs évêques de son royaume possédaient à la campagne. Pour justifier cette usurpation, il alléguait la raison d'État. La question fut débattue dans un synode tenu à Winchester. L’archevêque de Rouen soutint la cause du roi. « Si les évêques, dit-il, ont été privés de leurs châteaux, ce n’est que justice, car ils les ont bâtis contre les canons, qui ne leur permettent pas de posséder des places fortes. Et lors même qu’ils pourraient prouver par le droit canonique qu’il leur est permis d’avoir de ces sortes de maisons, les circonstances dans lesquelles se trouve le royaume, menacé de la guerre civile, autorisent Etienne à en prendre possession pour empêcher qu’elles ne tombent entre les mains de ses ennemis. » Guillaume de Malmesbury, Hist. nov., l.II, c. xx-xxvii, P. L., t. clxxix, col. 1410 sq.

Nous verrons plus loin que Hugues s’intéressait particulièrement aux questions de doctrine. Au synode de Paris de 1147, où comparut Gilbert de la Porrée, évêque de Poitiers, accusé de falsifier le dogme de la Trinité, l’archevêque de Rouen eut occasion d’intervenir dans le débat. Gilbert avait écrit que les trois personnes divines étaient tria singularia. Hugues soutint, au contraire, que Dieu devait être dit unum singularc, plutôt que tria singularia. Cette motion fit scandale, nous dit Othon de Frisingue, De gestis Frider., t. I, c. Li-Lii. On rappela que saint Hilaire, dans son livre De synodis, avait déclaré que, si duos deos dicere était une profanation, pareillement singularem et &olitarium dicere était un sacrilège. Après les explica tions de Gilbert, on finit par s’entendre. Mais l’alTaire fut reprise l’année suivante à Reims et définitivement réglée en jirésence de Hugues, qui ne jjaraît pas avoir pris part à la discussion. Vacandard, Vie de saint Bernard, t. ii, c. xxviii.

l’ne alTaire de non moindre importance, le divorce de Louis le Jeune, am^na l’archevêque de Rouen à Beaugency en 1152. Cette question disciplinaire était extrêmement délicate. Un empêchement de consanguinité, au troisièm'î ou quatriènu degré, nous dit l’abbé de Clairvaux, Epist., ccxxiv, rendait nul à l’origine le m iriage du roi de France avec Aliéner d’Aquitaine. Il y a tout lieu de croire que l’empêchemnt avait été le, 'é plus tard par le souverain pontife, (^f. Historia pontificalis, dans Monumenta Germanise historica, t. xx, p. 534. Mais la chose ne paraît pas avoir été considérée sous ce biais par l’assem’Mée de Beaugency. Et le divorce fut prononcé probablement contre le droit, à coup sûr pour le ma’heur de la France, qui devait perdre ainsi la Guyenne et le Poitou. Voir, sur la nullité ou la validité du m iriage, Vacandard, Le divorce de Louis le Jeune, dans la Revue des questions historiques, avril 1890, p. 408-432 ; Vii de saint Bernard, 1e édit., t. ii, p. 480, note 3.

Nous ne citerons plus d’autre intervention de Hugues dans les afïaires politico-religieuses, sauf sa présence dans l’assemblée tenue en 1160 à Neufinarché, par ordre du roi d'. gleterre, Henri II, pour faire reconnaître l’obédience du pape.Alexandre HI. Robert de Torigny, Chronique, 1. 1, p. 328. Le pape lui sut gré de cette démar he. Jalïé, Regesta, n. 10627.

S’il nous fallait écrire une vie complète de Hugues d’Amiens, nous aurions à m ?ntionner une infinité d’actes qui nous le montrent sur divers points de son diocèse, lequel s'étendait de Pontoise à la mjr ; en divers endroits de sa province, qui comprenait les diocèses d'Évreux, de Séez, d’Avranches, de Coutances, de Bayeux et de Lisieux ; ou mèin ? en diverses localités de la France, à Valence, où il règle un différend entre le comte de Toulouse et l’archevêquî de Narboniie ; à Nantes, où il assiste à une translation des reliques de saint Donatien et de saint Rogatien ; à Saint-Denis, où, lors de la dédicace de la nouvelle basilique construite par Suger, il consacre Iui-m}me l’une des chapelles, la chapelle Saint-Romain, etc. Pour tous ces détails, nous renvoyons ; T dom Pomm^raye, Histoire des archevêques de Rouen, ou encore à l’abbé Hébert, Hugues d' Amiens, dans la Revue des quesliom historiques, 1898, t. xx, p. 324-371.

Il est pourtant une institution que nous devons signaler ici, parce qu’elle ofi’re un caractère à la fois religieux et disciplinaire. Une association ou confrérie d’artisans s'étant fonnée à Chartres pour aider à la construction des tours de la cathédrale, les Normands se piquèrent d'émulation et formirent en divers endroits une association sem’jlable. Ils tiraient euxmêmes les chariots qui transportaient les matériaux nécessaires à la construction des édifices sacrés :

« Nos diocésains écrit Hugues, Epist. ad Theodor. episc.

Ambian., dans l'édition Delisle de la Chronique de Robert de Torigny, t. i, p. 238 ; cf. Pommoraye, lUstoire des curhevêqucs de Rouen, p. 331, nos diocésains ayant reçu notre bénédiction se sont rendus à Chartres pour y présenter leurs offrandes. Ils ont fait la même chose chez nous. Mais il est de règle qu’ils n’admettent en leur compagnie que des personnes qui préalablement se seront confessées, auront fait pénitence et se seront réconciliées avec leurs ennemis. Cela fait, les associés élisent entre eux un chef, sous la conduite duquel ils tirent eux-mêmes leurs charrettes avec silence et humilité, et présentent leurs offrandes en se donnant la discipline et en versant des larmes. » Robert de Torigny témoigne de l’existence de ces pieuses confré-