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HOSPITALIERS


aux besoins de sa vie, à l’entretien des églises, à la réception des étrangers et au soulagement des pauvres. Le tiers au moins de la fortune ecclésiastique était donc réservé à l’hospitalité et à l’assistance. L’Occident eut, quoique en nombre moins considérable, ses xenodochia, affectés aux pauvres, aux malades et aux pèlerins. Il y en eut à Rome, à Ljon, à Autun et ailleurs. Les rois mérovingiens fondèrent ces deux derniers. Mais, en général, l'établissement hospitalier était une simple dépendance de la maison épiscopale ou de l’abbaye. Les choses se passèrent ainsi sous les Carolingiens. L'Église se présente au seuil du moyen âge avec le monopole des œuvres hospitalières, qui sera universellement respecté.

Hospitaliers monastiques.

Les monastères

d’Orient et d’Occident furent considérés dès le ve siècle comme établissements hospitaliers. Tous devaient s’occuper des pauvres et recevoir les étrangers. Quelques-uns, dont le nombre devint assez grand, ajoutèrent à cette première forme de l’hospitalité le soin des malades ; nous connaissons mieux durant cette longue période l’hospitalité monastique que celle exercée par le clergé séculier. Les moines orientaux avaient reçu de saint Basile, de saint Grégoire de Nazianze et de saint Jean Chrysostome des leçons et des exemples qu’ils mirent en pratique, La plupart des hospices de Constantinople étaient une dépendance de monastères ou avaient des moines ou des moniales pour les desservir. Cette hospitalité et assistance monastiques furent en honneur à Antioche, à Césarée, en Palestine et en Egypte.

Saint Benoît a consacré dans sa règle cette tradition religieuse, en organisant autour de son monastère la réception des hôtes et le soulagement des pauvres, de hospitibiis suscip tendis ; depuis lors, l’hôtellerie fut l’un des services importants de l’abbaye. Elle était composée de manière à pourvoir aux diverses formes de l’hospitalité. Les communautés de clercs, régulières ou non, adoptèrent la même ligne de conduite. Placés auprès des sanctuaires fréquentés par de nombreux pèlerins ou encore le long des vallées que traversaient les fleuves ou les cours d’eau connus, ou dans le voisinage des anciennes voies romaines, les monastères offraient un gîte aux voyageurs et aux pèlerins, à une époque où les hôtelleries n'étaient pas devenues une institution commerciale. Chacun trouvait auprès des moines ce qu’il lui fallait pour réparer ses forces et continuer sa route. Les habitants des îles de la Grande-Bretagne, connus alors sous le nom de Bretons ou de Scots, qui étaient de grands voyageurs, fondèrent des monastères pour les héberger sur les routes qui menaient à Rome ou en Orient. Les riches abbayes fondées dans les contrées voisines des Alpes échelonnèrent le long des vallées et des cols ouverts aux passagers des prieurés, sur lesquels pesait la charge de l’hôtellerie. Les fondations de ces prieuréshospices par les bénédictins et les chanoines réguliers se multiplièrent sur les chemins que suivaient les pèlerins de Saint-Jacques de Galice, des deux côtés des Pyrénées occidentales. Le soin des pauvres incombait pratiquement aux moines, qui leur réservaient la dîme de leurs revenus. Fréquemment ces pauvres habitaient le voisinage de l’abbaye ; les basiliques monastiques ou canoniales des villes avaient leurs pauvres inscrits ou mairicularii. Outre les pauvres, il y avait les vieillards et les infirmes, qui trouvaient place dans les hospices monastiques. Nous ne donnons pas de noms, car il nous faudrait citer tous les grands monastères. Les renseignements nous manquent sur le fonctionnement de ces services hospitaliers monastiques. C’est en vain qu’on y chercherait les traces d’une organisation proprement dite, chaque maison faisait comme elle pouvait. Les initiatives locales pouvaient

aller fort loin ; par exemple, certaines abbayes du viie siècle pratiquèrent sur une assez grande échelle le rachat des captifs ; ce fut le cas de Jumièges.

3° Ordres hospitaliers. Moyen âge. — Au xe siècle et pendant la période qui suivit, les services hospitaliers continuèrent comme avant les invasions normandes. Ils relevaient de l'Église. Les évêques et le clergé séculier, les abbayes monastiques ou canoniales en avaient la charge. Un changement se fit à l'époque des croisades : elles amenèrent la fondation d’ordres religieux voués spécialement à l’hospitalité. Le premier fut celui de Saint-Jean de Jérusalem, fondé à Jérusalem pour le service d’un hospice destiné aux pèlerins (1125-1153). Raimond du Puis lui donna une constitution appuyée sur la règle de saint Augustin. Il servit de modèle à l’ordre hospitalier teutonique, qui se rattache à l’ordre de Cîteaux, à l’ordre du Saint-Esprit, fondé par Gui de Montpellier à la fin du xiie siècle, à l’ordre de Saint-Antoine, fondé en Dauphiné pour soulager les victimes du mal des ardents (1095). L’ordre de SaintJacques du Haut-Pas de Lucques eut un établissement à Paris ; celui de Saint-Jacques de l'Épéeen Espagne avait pour mission d’assister les pèlerins de Compostelle ; celui de Roncevaux, les Frères de la Charité Notre-Dame, les religieux du Saint-Bernard, fondés par saint Bernard de Menthon pour assister les voyageurs dans les passages difficiles des Alpes (1051), l’ordre de Saint-Lazare, voué plus spécialement au soin des lépreux ; celui de la Merci, fondé par saint Pierre Nolasque (1223) et celui de la Trinité. fondé par saint Jean de Matha et saint Félix de Valois (1200). Ces deux derniers ordres étaient plus particulièrement voués au rachat des captifs ; les trinitaires eurent toujours des hôpitaux. Ces religieux hospitaliers multiplièrent leurs fondations dans toute l’Europe chrétienne. La plupart des ordres militaires débutèrent ainsi.

Cette période est surtout caractérisée par la fondation de nombreux hôpitaux dans les villes et les campagnes sous le nom générique de maisons-Dieu ou hôtels-Dieu. Leurs origines sont fort obscures, mais on les rencontre en très grand nombre au xiii » siècle un peu partout. Leur établissement était dû aux évêques, aux monastères, à des familles riches, à des communautés urbaines. Les fondateurs exerçaient un droit de patronat. On y rendait aux pauvres, aux malades, aux voyageurs tous les services de l’hospitalité chrétienne. Ces hospices ruraux étaient souvent à proximité des routes. Il y avait entre ces établissements une grande inégalité de ressources. Leur fortune consistait en terres, que chacun faisait valoir ou administrait. La mesure des revenus fixait celle de la charité. Les services intérieurs étaient remplis par une communauté de frères et de sœurs, attachés à chaque maison et dont le nombre variait avec son importance. Le maître de l’hôpital en avait la direction. Ces maisons jouissaient de leur autonomie, mais dans chaque diocèse elles étaient sous le gouvernement épiscopal. L'évêque donnait aux religieux et religieuses les statuts qu’ils devaient observer. M. Le Grand, qui en a publié un recueil, dit que cette promulgation de statuts se fit à la fin du règne de Philippe-Auguste et sous celui de saint Louis. Les évêques du nord de la France réunis en concile à Paris (1212) en avaient donné l’ordre, qui fut renouvelé au concile de Rouen. L’hôtel-Dieu de Montdidier reçut les siens de l'évêque d’Amiens (1217) ; ils se rattachent à la règle de saint Augustin et on y reconnaît une influence des statuts de Saint-Jean de Jérusalem. Les statuts de l’hôtelDieu de Paris (1212-1221) présentent une grande analogie avec ceux de Montdidier. Ces règlements, avec ceux de Saint-Julien de Cambrai, servirent de type dans la région. Ceux de l’Hôpital-Comtesse à Lille,