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Voir Tepe, Instiluiiones iheologicse, Paris, 189C, t. iii, p. 357.

3° Quelles sont les origines et les objections principales du fldéisme ? — Le fidéisme, qui suppose la vraie doctrine sur la nature et le motif de l’acte de foi, ne veut pas qu’on en prouve les préambules par la raison humaine. Mais la question des préambules et de leurs preuves ne se pose même pas pour tant de protestants modernes qui ont perdu la notion de la foi au témoignage de Dieu, et pour qui la « foi » est une intuition, ou même un sentiment. Ils ne sont donc pas fldéistes, à proprement parler, bien qu’ils aient des assertions semblables à celles du fidéisme, par exemple, Schleiermacher quand il dit : « Nous renonçons absolument à loute preuve de la vérité et de la nécessité de la religion chrétienne. » Cité par les théologiens du Vatican, Colleclio lacensis, t. vii, col. 528. Écartons donc tous ces piétistes, sentimentalistes, protestants libéraux, et enfin les modernistes, et ne considérons, dans la question du fidéisme, que des protestants conservateurs, des jansénistes, et des catholiques appartenant à l'école vaguement appelée « traditionaliste » . Et demandons-nous quels courants d’idées ont donné naissance à l’erreur que nous combattons chez eux.

1. Le principal de ces courants est un certain scepticisme, une défiance de la valeur de la raison et des preuves qu’elle peut fournir. Tandis que ce doute malsain est pour plusieurs « un oreiller commode » , d’autres qui en souffrent tâchent d’en sortir en se jetant tête baissée dans la foi, ils sont fldéistes. Mais 'omment des protestants conservateurs et des catholiques ont-ils pu arriver à douter de la valeur de la î aison, sinon dans tous les domaines, arts, sciences, etc., du moins dans celui de la morale et de la religion ? Par la fausse conception qu’ils se sont faite d’une doctrine révélée, celle du péché originel, dont ils se sont exagéré les ravages. Si nous suivons dans l’histoire des idées les principales apparitions du fldéisme, nous verrons qu’elles se rattachent le plus souvent à cette exagération.

Il en est ainsi des chefs de la Réforme. « Je dis que, soit dans l’homme, soit dans les dénions, les forces spirituelles ont été non seulement corrompues par le péché, mais complètement détruites, en sorte qu’il ne reste plus en eux qu’une raison dépravée, etc. Tout ce qui est dans notre volonté est mal, tout ce qui est dans notre intelligence est erreur. » Luther, Commentaire sur l' É pitre aux Galales, i, 55, voir Denifle, Luther et le luthéranisme, trad. Paquier, 1912, t.nr, p.G5. De là, chez beaucoup de protestants, la conviction que la raison est impuissante à prouver même l’existence de Dieu, ce premier préambule de la foi, cette vérité si accessible au genre humain. Voir Dieu (Connaissance naturelle de), t. iv, col. 765-767. De là, dans la doctrine de Luther, la « pure passivité » avec laquelle doit être reçue la grâce de Dieu en général et en particulier la foi « sans produire aucun acte d’intelligence ou de volonté. » Voir Denifle, loc. cit., p. 261-266. Cf. Expérience religieuse, col. 1787, 1788. De là, chez Calvin, la défiance de tous les arguments apologétkpues quand il s’agit de prouver le fait de la révélation : « Nos esprits ne font que flotter en doutes et scrupules, jusqu'à ce qu’ils soient illuminés. » Institution, 1. I, e. vii, n. 4, Genève, 1562, p. 27. « Ceux qui veulent prouver par arguments aux incrédules que l'Écriture est de Dieu, sont inconsidérés. Or cela ne se connaît que par foi. » Loc. cit., c. viii, n. 12, p. 35. Il fait cependant aux arguments une certaine place, mais après la foi.

Le jansénisme, tout en mitigeant la doctrine protestante sur les suites du péché originel, gardait encore là-dessus des idées fort exagérées. De là le fidéisme qui apparaît çà et là dans Pascal : « Qui blâmera donc

les chrétiens de ne pou voir rendre raison de leur créai ic<. eux qui professent une religion dont ils ne peuvent rendre raison ? » etc. Pensées, édit. îles Grands écrivains, t. ii, p. 145. Voir Dieu. t. i col. 803-806. On trouve cependant chez Pascal des assertions apologétiques qui ne sont pas d’un fidéiste. Sous l’influence du jansénisme, certaines exagérations de la doctrine de la chute apparaissent souvent dans notre littérature religieuse du xvii c siècle et du xviiie siècle.

Elles ont passé de là dans l'école traditionaliste, qui ne voyait rien de mieux à opposer au rationalisme moderne. Elles y ont produit chez plusieurs le fidéisme. Lamennais, par exemple, conclut de ses recherches « que la raison individuelle, abandonnée à elle-même, va nécessairement s'éteindre dans le scepticisme absolu… D’où il suit que la voie de raisonnement ou de discussion… n’est pas le moyen général offert aux hommes pour discerner avec certitude la vraie religion. » Essai sur l’indifférence, t. il, c. xix, dans Œuvres, 1836, t. il, p. 183 sq. « Il faut, dit-il ailleurs, que la vérité se donne elle-même à l’homme… Quand elle se donne, il la reçoit, voilà tout ce qu’il peut : encore faut-il qu’il la reçoive de confiance, sans exiger qu’elle montre ses titres ; car il n’est pas même en état de les vérifier. » Pensées diverses, dans Œuvres, t. vi, p. 411. Il sera question de Bautain et de Bonnetty à propos des documents de l'Église.

Nous n’avons pas à répondre ici aux exagérations du dogme de la chute, ni aux objections qu’elles peuvent fournir aux fldéistes. Voir Péché originel ; Révélation. Est-elle nécessaire depuis la chute, pour connaître les vérités morales et religieuses accessibles à la raison, et dans quel sens ?

Notons enfin que cette grande cause de fidéisme, le mépris sceptique de la raison, peut aujourd’hui provenir, chez un protestant ou même chez un catholique, non pas d’une exagération sur le péché originel, mais d’une philosophie subjcclivisic malheureusement adoptée ou insuffisamment abandonnée, par exemple, du kantisme ou de l’agnosticisme. Voir J.-V. Bainvel, et l’exemple de Brunetière qu’il donne, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1911, art. Foi, fidéisme, t. ii, p. 61, 62.

2. On arrive au fidéisme par un autre chemin : par exagération du principe d’autorité. On craindra de ne pas assez soumettre l’individu à Dieu ou à l'Église, de donner à la raison individuelle trop de contrôle et d’autonomie, enfin de rabaisser la foi en la faisant dépendre d’une raison faillible. C’est par cette voie que Gerbet est arrivé au fidéisme. Dans l’opuscule où il le défend, il n’est pas question du péché originel. Voir Des doctrines philosophiques sur la certitude, dans leurs rapports avec les fondements de la théologie, Gand, 1830. Nous critiquerons ses principaux arguments, soit parce que cette classe d’objections fldéistes n’est pas assez connue, soit parce que les explications qu’elle provoque sont importantes non seulement pour la controverse fidéiste, mais encore pour la controverse protestante.

i re objection. — Si l’acte de foi dépend d’actes préalables de la raison individuelle, par lesquels les préambules de la foi sont vérifiés et constatés, nous retombons dans le système protestant du jugement privé, du libre examen. Gerbet, op. cit., c. viii, p. 119 sq. — Réponse. — Qu’est-ce que le libre examen des protestants ? Il consiste à rejeter le magistère infaillible de l'Église, destiné à nous garder et à nous expliquer le contenu de la révélation ; en le rejetant, la raison individuelle assume la tâche immense de contrôler par elle-même quels sont les livres inspirés, dans quelle mesure ils le sont, quel est le sens exact même des passages difficiles, quel catalogue d'énoncés doit en être tiré pour être cru comme parole de Dieu. Nous