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Snell, Essai sur la foi dans le catholicisme et le protestantisme, 1911, p. 62, chez qui l’on trouvera déplus amples détails sur cette école protestante.

2. Sens du mol chez les catholiques.

Ainsi employé par les protestants contemporains dans un sens dont nous ne nous occuperons plus, le mot « fidéisme » se rencontre dès la première moitié du xixe siècle chez les catholiques dans un sens absolument opposé. C’est chez eux un mot pris en mauvaise part, et dont nulle école ne s’est vantée. Ceux qui se glorifiaient du nom de traditionalistes n’ont jamais revendiqué celui de lidéistes, quoique plusieurs d’entre eux l’aient mérité, et que leurs adversaires le leur aient donné. — Le « fidéisme » peut être défini comme tendance, ou comme système. Au premier point de vue, c’est « une tendance à donner trop peu à la raison, trop à la foi ou à la croyance. » J.-V. Bainvel, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique de M. d’Alès, 1911, t. ii, col. 57. Au second, c’est un système qui met la « foi » à la base de toute notre connaissance, ou du moins de toute notre connaissance religieuse. Si cette « foi » est l’acte théologal expliqué dans cet article, c’est alors proprement le « fidéisme » dont nous voulons nous occuper.

Disons toutefois, en passant, qu’en un certain sens on pourrait appeler « fidéistes » les philosophes qui font reposer toute la connaissance humaine sur la « foi » , entendant par là tout autre chose que la foi théologale. Les uns, comme Jacobi, Herder et autres philosophes allemands, réagissant contre le subjectivisme de Kant, ou les philosophes écossais réagissant contre l’idéalisme, de Berkeley et le scepticisme de Hume, ont appelé « foi » l’adhésion immédiate à certaines vérités premières de la raison comme ayant une valeur objective, bien qu’elles ne puissent se démontrer. Voir Franck, Dictionnaire des sciences philosophiques, 2e édit., 1875, art. Foi, p. 543. Ils ont beaucoup de vrai : mais ce qu’ils appellent « foi » est l'évidence, si confuse soit-elle, de la valeur de notre raison ; et ils ont tort de la décrire comme une force aveugle, qui est ce qu’il y a de plus anti-intellectuel, et de rabaisser ainsi le fondement de la certitude, cette perfection de notre intelligence. Voir Certitude, t. ii, col. 2159, 2160. D’autres ont fait reposer toute la connaissance sur la foi au témoignage du genre humain (Lamennais) ; le système est mauvais, mais il emploie le mot « foi » avec plus de propriété et de précision. D’autres enfin ont fait reposer la connaissance morale et religieuse sur la « foi » , entendant par là une conviction sans valeur objective, mais qui joue un rôle utile, ainsi Kant, Hamilton. Voir Croyance, t. iii, col. 2365.

Pour nous, qui ne nous occupons ici que de la théologie, le « fidéisme » est le système qui veut mettre à la base et au début de toute notre connaissance religieuse la foi, au sens Ihéologique du mot : en d’autres termes, le système qui n’admet pas qu’on prouve d’abord les préambules de la foi par la raison naturelle, et qu’ainsi la raison conduise l’homme à la foi. On voit comment le fidéisme se rattache à la question présente des actes intellectuels qui doivent précéder la foi. Il vaut la peine qu’on y insiste, et n’est pas une erreur d’un autre âge, une erreur entièrement périmée. Aujourd’hui même, comme le remarque M. Bainvel, » il y a, chez nombre de catholiques en vue, une défiance de la raison et un réveil des tendances fidéistes. Il serait long d’en chercher les causes. Mais le fait est visible. » Loc. cit., col. 58.

Avant tout, il faut bien délimiter cette erreur. Ce n’est pas être fidéiste que de faire jouer un rôle à la grâce dans la connaissance des préambules de la foi, si l’on entend par « grâce » un secours subjectif, qui aide à connaître, mais sans constituer pour l’intelli gence un objet. Voir Dieu, t. iv, col. 860-862. Quand même on exagérerait le rôle d’une telle grâce dans la crédibilité (nous traiterons de ce rôle, col. 237 sq.), cette exagération ne supprimerait pas l’usage de la raison avant la foi, elle ne suppléerait pas les objets que doit voir alors la raison humaine, les motifs de crédibilité, la logique des preuves. Être fidéiste, c’est vouloir exclure cette preuve rationnelle des préambules de la foi, soit en la remplaçant par un coup de volonté, ce que nous avons déjà réfuté, voir col. 172, soit, plus ordinairement, en la remplaçant par le motif intellectuel de la foi divine, par l’autorité de la révélation, secours objectif. On comprendra mieux cette forme plus ordinaire du fidéisme, en examinant tout de suite si elle est raisonnable, ce qui nous la fera exposer en détail.

Les principaux préambules de la foi, c’est l’existence de Dieu, son autorité, c’est-à-dire sa science et sa véracité ; c’est encore le fait qu’il a parlé, qu’il a révélé telle et telle doctrine. Puisque ces préambules ne sont pas des vérités immédiatement évidentes, ils ont besoin d’une preuve, d’un moyen terme qui nous mette en communication avec eux. « Mais, dit le fidéisme, pourquoi ce moyen terme ne serait-il pas tout simplement le motif même de la foi divine ? J’admettrais un dogme, la Trinité, par exemple, à cause de l’autorité de Dieu ; et remontant plus haut sans sortir du motif de la foi, j’admettrais l’autorité de Dieu parce qu’il nous l’a révélée, voir, par exemple, Rom., ni, 4. Ainsi, l’on fonderait la foi sur la foi ; le fondement serait le plus solide de tous, et le procédé logique serait homogène et très simple. » Contre ce procédé nous donnons les raisons suivantes : « ) On veut que l’autorité de Dieu, motif de notre foi à la Trinité, soit prouvée par l’autorité de Dieu révélant son autorité même. L’autorité de Dieu jouerait donc ici un double rôle, actif et passif : elle se prouverait elle-même. Ou bien nous sommes en face d’un cercle vicieux ou d’une pétition de principe, a prouvé par a, procédé déraisonnable : ou bien, si on veut l'éviter, il faut que l’autorité de Dieu, prise activement, après s'être prouvée elle-même, devienne à son tour logiquement passive, par rapport à autrechose qui la prouvera. Que sera cette autre chose ? Sera-ce encore l’autorité de Dieu, intervenant dans un nouveau rôle actif ? Mais nous pourrons recommencer ici et toujours la même difficulté ; et si l’on garde la même solution (a prouvé par a' prouvé par a"…) nous allons à l’infini, autre procédé déraisonnable. Sera-ce une preuve rationnelle de l’autorité divine et du fait de la révélation, dernier point d’appui où l’on s’arrêtera enfin ? Je le veux bien, mais alors on abandonne le fidéisme, qui condamne ce genre de preuve, et l’on fait en quelque sorte reposer la foi sur la raison. Quoi qu’on choisisse, la position du fidéisme n’est pas tenable. Voilà l’argument décisif contre lui. Voir Franzelin, De tradilionc et Scriplura, 2e édit., Rome, 1875, Appendix de habitudinc rationis humunæ ad divinam fidem, c. ni, n. 1, p. 595. Cf. Certitude, t. ii, col. 2159.

b) La foi divine étant essentiellement une connaissance médiate, elle ne sera raisonnable, d’après la nature de l’esprit humain, que si elle se ramène en définitive à des connaissances immédiates, qui sont pour l’homme les principes évidents de la raison et les faits d’expérience : sans quoi elle restera en suspens, elle cherchera indéfiniment, sans le trouver, un premier point d’appui, l’anneau fixe d’où doit pendre toute la chaîne.

c) Les fidèles appliquent naturellement à la foi divine le même procédé qu’ils suivent pour la foi à un témoignage humain, et les Pères autorisent ce rapprochement. Voir col. 110. Or, quand un témoin nous