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2. Plusieurs jugements spéculatifs doivent préparer ce jugement pratique. En effet (nous l’avons vu plus haut) pour que le motif spécifique de la foi entre en jeu, il faut que l’intelligence adhère d’abord à l’existence du vrai Dieu, à sa science et à sa véracité, puis au fait de la révélation chrétienne ; et, pour avoir le dogme chrétien dans le détail, il faudra qu’elle adhère à l'Église infaillible, ou qu’elle remplace par autre chose cette adhésion qui n’est pas nécessaire dans tous les cas. Voir col. 150 sq. Cette pluralité de jugements spéculatifs préalables vient de ce que le témoignage est un procédé intellectuel bien plus compliqué que la simple intuition : à plus forte raison quand il s’agit du témoignage divin donné autrefois, et appliqué par un autre témoignage, par exemple, celui de l'Église. Et puis ces jugements préparatoires à la foi ne sont pas immédiats, ni ne peuvent se faire par un simple coup de volonté, nous l’avons vu : il leur faut donc d’autres jugements, qui leur fournissent à eux-mêmes leurs preuves, leurs motifs intellectuels.

Laissant de côté pour le moment ce grand appareil des jugements spéculatifs de crédibilité, revenons à leur aboutissant, le jugement pratique. Lui aussi, soumis à l’analyse, s’est montré plus complexe qu’on ne l’avait cru peut-être : il a été d’abord dédoublé : Je peux prudemment croire ; je dois croire. » Le premier de ces deux jugements garde à un titre spécial le nom de jugement de crédibilité » , vu l'étymologie de ce mot. Pour le second, un théologien d’une subtilité excessive et aventureuse, Caramuel, lui a fabriqué un nom. « Il ne s’est pas contenté du terme de crédibilité, mais il a ajouté la credendilé ou nécessité de croire, » dit de lui Cardenas, Crisis theologica, Venise, 1700, p. 188. En effet, nous trouvons dans Caramuel « qu’on doit démontrer la crédibilité de la foi orthodoxe, et même sa credendilé, » et pour s’excuser de la nouveauté du terme, il ajoute que, « bien que les auteurs classiques n’aient pas tiré du participe en dus des noms abstraits, c’est maintenant nécessaire. > Theologia moralis fundamentalis, Lyon, 1676, 1. II, n. 2339, p. 688. A partir du xviie siècle, plusieurs théologiens ont adopté ce terme nouveau, et quelques-uns l’ont rendu un peu plus barbare, en disant, je ne sais pourquoi, " crédentité » . Il y en a même qui exigent ce jugement avant tout acte de foi. Mais le précepte positif de la foi n’obligeant pas pour chaque instant, pro semper, l’acte de foi est souvent de surérogation et non pas d’obligation ; alors il suflit bien de voir que cet que je vais faire est licite, permis par la prudence, honnête, louable, sans voir qu’il soil d’obligation. Caramuel lui-même dit qu’il faut démontrer « la crédendité de la foi orthodoxe, » prenant évidemment la foi au sens objectif, pour la vraie religion, la vraie révélation ; il ne dit pas qu’axant tout acte (le foi il faut se démontrer l’obligation, la nécessité de cri acte. On comprend donc pourquoi beaucoup de theologiens, quand ils énumèrent les actes absolument aires comme préparation à tout acte de loi, omettent ce jugement de crédendité.

Les |ugements pratiques, préparatoires à la foi, peuvent encore se multiplier par un autre côté, l »api es les principes posés plus haut, l’intelligence doit diriger

la volonté tant dans ce premier acte, ou la volonté se propose une fin a atteindre par l’acte de foi. que dans l' second, on elle Intervient de fait dans le domaine d( l’Intelligence et la pousse à croire. Voir col. 172.

C’est a la direction du second acte qu’appartiennent I' |ugi menta de crédibilité dont nous avons parlé. A la direction du premier répond un jugement préalable

sur l’honnêteté dl la fin que poursuit la volonté, et sur

l’utilité de l’acte de fui considéré comme moyen poui

atteindre cette Qn ; mais nous n’insisterons pas sur

orie de jugements, soit parce qu’elle com

pliquerait une question déjà bien complexe, soit parce qu’elle ressemble à ce qui se passe dans tous les « actes humains » et n’offre pas de difficulté qui soit spéciale à notre sujet. Le P. Gardeil, au contraire, a cru devoir surtout insister, dans son résumé de la genèse de l’acte de foi, sur cette partie commune à tous les actes humains. Voir Crédibilité, col. 2205, 2206, et La crédibilité et l’apologétique, 2e édit., 1912. p. 327 sq. Et coramj d’ailleurs, sur ce terrain de la genèse de l’acte humain, il tend à multiplier des actes qui ne sont pas tous communément admis comme nécessaires à cette genèse, et dont quelques-uns répondent à des vues systématiques seulement, son énumération a quelque chose d’un peu effrayant, et la clarté des tableaux synoptiques ne semble pas suffire à dissiper cette impression.

2° Qu’est-ce que le fidéisme ? Sa position csi-elle raisonnable ? — 1. Sens du mot chez les protestants contemporains. — Chez eux, le mot « fidéisme » a pris un sens spécial, sous la plume de M. Ménégoz. En 1879, dans un opuscule intitulé : Ré /levions sur V Évangile du salut, il disait leur fait aux deux grandes écoles du protestantisme, les orthodoxes et les libéraux. La foi luthérienne, c’est la confiance, « le don du cœur à Dieu. » Qu’en ont fait les orthodoxes ? « Tout en enseignant la justification par la foi, ces docteurs confondent, sous le nom de foi, deux choses bien distinctes ; le don du cœur à Dieu, et l’adhésion de l’esprit à la vérité révélée ; ils confondent la foi et la croyance, et ils arrivent ainsi à substituer au dogme du salut par la foi seule le dogme du salut par la foi et par les croyances. » Ménégoz, Publications diverses sur le fidéisme, Paris, 1900, p. 30. Il aurait pu se souvenir que Luther lui-même avait déjà équivoque pareillement sur le mot « foi » , comme le remarque M. 1 larnæk. Voir col. 77. Quant aux libéraux, M. Ménégoz. leur reproche d’avoir remplacé la foi luthérienne par la charité, et de défendre « la doctrine du salut par l’amour de Dieu et du prochain. » Voir col. 71. Il conclut : « En face de cette double erreur, nous posons le dogme du salut par la foi, indépendamment des croyances… Nous allumons le sola fîde dans toute sa teneur. Le sola, nous l’opposons aux orthodoxistes ; le fidi. nous l’opposons aux libéraux. » Op. cit., p. 33-31. « Celui qui consacre son âme à Dieu est sauvé, indépendamment de ses croyances. Voilà l'Évangile, la bonne nouvelle, qu’il faut annoncer à ces masses… rongées par le doute que la science moderne a jeté dans leur esprit… Qu’on leur prêche le soin fide. le pfièismc, si l’on veut l’appeler ainsi, dans sa divine ampleur, et l’on verra que cette doctrine trouvera un écho dans leur âme. » Op. cil., p. 36. Doctrine commode, en eilei : i l.a foi n’implique pas d’une manière absolue la croyance consciente à l’existence de Di p. 19. Mais alors à qui se consacre-ton ? A ce christia nisine-là, ne semble pas non plus nécessaire la croyance a l’existence de.lésus. Voir Expérience rbuqh usi. col. 1832, une citai ion de MénégOZ. Mais nous avons déjà suffisamment réfuté ces fausses définitions de la foi et cet ant Idogmal isme. Ce qu’il importait « le noter

ici, c’est le mol fidéisme employé pour la première

fois en ce sens, emploi qui depuis a fait foi tune.

l. MénégOZ ne pouvait s’arrêter en si bon chemin,

et il devait lancer un autre mot, en 1897, à l’apparl lion du livre d’Aug. Sabatier, Esquisse… Profondément ému, il signale sa rencontre avec M. Sabatier,

son ami et collègue. Ils étaient partis de points de vue différents, et ainsi l’un était arrivé au fidéisme l’autre a ce (prit appelle le symbolisme critique.

Mais, au fond, c’est la même chose, qu’on pi ut appelei le » sj mbolo fidéisme, Op. i '/.. p. 228. Bien des gens.

trouvant l’expiession un peu lourde, se content eut du

mot de fidéisme, comme le remarque M. l’abbt