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peut le dire, mais non pas sa pensée ni son témoignage sur ces objets ; et quand nous concevons naturellement ces objets, par exemple, un idéal moral, ce n’est pas en passant par l’intermédiaire de la véracité divine et du témoignage divin, auquel nous ne pensons même pas. On peut appliquer à cette connaissance naturelle (et à plus forte raison) ce que nous avons dit de la science infuse : elle n’est pas une parole de Dieu et ne donne pas lieu à la foi. Voir col. 127. Si le cartésianisme a prétendu expliquer par le motif de la véracité divine la certitude fondamentale que nous avons de la valeur de notre raison, c’est un cercle vicieux, comme on s’accorde assez à le reconnaître ; et quand même on pourrait sans illogisme faire appel ici à la véracité divine, elle n’est pas le motif qui intervient pratiquement dans la certitude, comme on peut en faire l’expérience. Si saint Augustin, et après lui saint Thomas, Quæst. disp., De veritale, q. xi ; De magistro, a. 1, ont dit que Dieu, par le fait qu’il crée notre raison avec sa tendance à former les premiers principes, est un maître qui nous parle et nous enseigne, ce n’est là une « parole » qu’au sens large et figuré, puisqu’elle n’a pas pour objet direct de nous faire connaître la pensée de Dieu, et que, d’après saint Thomas lui-même, « parler à un autre, ce n’est pas autre chose que manifester le concept de son esprit à cet autre. » Sum. theol., I » , q. cvii, a. 1. Et quand ce serait une parole au sens propre, en tout cas ce ne serait pas un témoignage, où la véracité divine nous apparaisse et nous offre le motif de la foi ; et quand ce serait un enseignement proprement dit, en tout cas ce serait l’enseignement du maître qui amène l'élève à faire lui-même la démonstration intrinsèque et ainsi lui communique la science, et non pas l’enseignement du maître qui témoigne et fait purement appel à la foi. Voir col. 121. Pour la « voix de la conscience » , c’est, d’après l’explication scolastique, une conclusion par voie intrinsèque, spontanément et rapidement déduite de principes rationnels et de faits d’expérience, et non pas le résultat d’un témoignage. Que si vous préfériez l’expliquer par l’impératif catégorique de Kant, ce ne serait pas non plus le motif du témoignage divin qui lui donnerait sa force, puisque cet impératif fait abstraction de Dieu, et que l’existence de Dieu ne peut en être conclue que postérieurement, par un raisonnement de la « raison pratique » . Ainsi en serait-il de toute autre explication intuitionniste de la conscience morale : une intuition est l’opposé d’une croyance au témoignage.

2. Révélation universelle prise plutôt du côté objectif : l'être, l’absolu, l’infini qui apparaît à notre raison ; le spectacle de l’univers, qui conduit à son auteur. — Avoir l’idée de l'être en général, ce n’est pas avoir l’idée de Dieu ni connaître son existence et sa nature. Voir Ontologisme. Et quand ce serait connaître sa nature, ce serait la connaître immédiatement et intrinsèquement dans l’idée d'être ou d’infini, comme le veulent les ontologistes et non pas par la voie du témoignage, qui est médiate et extrinsèque. — Dans le spectacle de la nature se révèlent, avec l’existence de Dieu, ses attributs de sagesse, de grandeur, etc. Cf. Ps. xviii, 2. Mais ces œuvres de Dieu ne sont pas une parole proprement dite, qui puisse nous témoigner de sa pensée intime sur lui-même et ses attributs, en sorte qu’il y ait lieu à cette question : Le témoignage de Dieu est-il ici conforme à sa pensée ? question résolue par la véracité divine, motif de notre foi. Et pourquoi les étoiles, les plantes et autres œuvres de Dieu ne sont-elles pas proprement une parole ? Parce que leur fin principale n’est pas d'être un langage, de signifier la pensée de quelqu’un ; chacune a sa fin propre, très différente de cela. Et quoiqu’on puisse les prendre secondairement comme signes nous condui sant à Dieu, ce sont là signes naturels, qui conduisent à une chose et non à une pensée, et où la question de véracité ne peut se poser ; elle ne se pose réellement que dans les signes conventionnels tels que nos langues humaines, systèmes de signes destinés avant tout à signifier, dont la fin objective et normale est de faire connaître notre pensée, et qu’il arrive à l'être libre d’employer soit pour atteindre cette fin normale, soit au contraire pour tromper les autres sur sa propre pensée et indirectement sur les choses. « La véracité, qui est une vertu de la volonté, consiste en ce qu’on a l’intention d’employer des signes qui manifestent ce qu’on a dans l’esprit, comme le mensonge consiste dans l’intention d’employer des signes qui ne soient pas conformes à la pensée du menteur ; bref, la véracité et le mensonge supposent l’intention de choisir des signes pour manifester le vrai ou le faux ; enlevez cette intention de la volonté, vous détruisez la notion de véracité ou de mensonge. Voir S. Ihomas, Sum. theol., II a II æ, q. ex, a. 1. Or les seuls signes conventionnels, et non pas les signes naturels, ont la propriété de pouvoir être appliqués à volonté et par intention à signifier ou le vrai ou le faux… Si les signes naturels ne sont pas aptes par eux-mêmes à faire intervenir la véracité de Dieu ou auctoritas Dei revelanlis, concluons que l’assentiment qui s’y appuie n’est pas un assentiment de foi. » Wilmers, De fide divina, Ratisbonne, 1902, p. 77.

3. Révélation particulière : grands hommes, révélateurs de Dieu à l’humanité. — Ici, grâce à cet intermédiaire humain, nous avons des signes conventionnels, une parole, un enseignement, et nous pouvons avoir un témoignage : mais encore faut-il que ce témoignage soit divin et nous soit connu comme tel, puisque le motif spécifique de la foi n’est pas l’autorité d’un homme, mais celle de Dieu qui révèle. Pour crue le témoignage sorti des lèvres de l’homme nous arrive comme divin, il faut donc plusieurs conditions : que l’homme soit ici un simple agent de transmission ; que, par une intervention spéciale, Dieu lui fasse savoir ce qu’il doit promulguer en son nom, et veille ensuite à ce que la transmission soit fidèle ; enfin, que nous soyons avertis et assurés de cette intervention divine par des preuves certaines, de manière à pouvoir baser notre foi ferme sur la science et la véracité de Dieu même, sans cela pas de foi divine. Le Christ, d’ailleurs, prend soin de signaler toutes ces conditions dans l’enseignement qui sort de ses lèvres humaines. On entend l’homme, mais c’est Dieu qui parle par sa bouclie, Dieu qui a déterminé ce qu’il fallait dire au genre humain : « Ma doctrine n’est pas de moi, mais de celui qui m’a envoyé. » Joa., vii, 16. « Celui qui croit en moi, croit non pas en moi, mais en celui qui m’a envoyé… Car je n’ai point parlé de moi-même ; mais le Père, qui m’a envoyé, m’a prescrit lui-même ce que je dois dire et ce que je dois enseigner. » Joa., xii, 44, 49, 50. Et comment pouvons-nous savoir qu’il n’y a pas erreur dans la transmission ? A cause de l’assistance spéciale que Dieu donne à son envoyé pour cela : « Comme mon Père m’a enseigné, ainsi je parle. Et celui qui m’a envoyé est avec moi, et il ne m’a pas laissé seul. » Joa., viii, 28, 29 ; cꝟ. 16. « Dieu est avec quelqu’un, » lecution biblique pour exprimer une assistance divine spéciale et suivie d’un heureux succès. Enfin le Christ ne se contente pas d’affirmer tout cela, il le prouve par ses miracles, sans oublier le miracle moral de sa doctrine splendide et de sa sainteté. Joa., m, 2 ; v, 36 ; x, 37 ; xi, 42 ; Matth., xi, 2 sq.

Venons maintenant à ces grands hommes, dont le rationalisme a fait « les révélateurs de Dieu à l’humanité. » Les uns, comme Socrate ou Platon, ont eu sur la divinité un enseignement plus pur que leurs devanciers, et ont pu exercer sur la philosophie une heureuse