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FOI


il est en lui-même ; on ne peut donc, de ce qui se passe dans la vision, conclure à ce qui se passe dans la foi. » Sum. tlieol., IMI*, q. i, a. 2, ad 3° m. Ainsi la révélation céleste diffère de la révélation terrestre objet de notre foi ; la première, du reste, n’est pas un témoignage comme la seconde. Ces lignes écrites, nous avons retrouvé une semblable critique de ce passage de dom Lefebvre chez le professeur Bartmann, de Paderborn, Lehrbuch der Dogmatik, Fribourg-en-Brisgau, 1911, Introduction, c. ii, § 10, n. 2, p. 56.

La foi chrétienne ne traite donc pas toute formule en simple accessoire plus ou moins utile, mais elle adhère à certains énoncés, comme à son objet propre et direct, parce qu’ils sont révélés ; et Pie X a condamné cette théorie symboliste et moderniste : « Le croyant ne doit point adhérer précisément à la formule, en tant que formule, mais en user purement pour atteindre à la vérité absolue, que la formule… fait effort pour exprimer, sans y parvenir jamais… Le croyant doit employer ces formules dans la mesure où elles peuvent lui servir, » etc. Encyclique Pascendi, édit. des Questions actuelles, p. 27 ; Denzinger, n. 2087. Erreur des plus graves, soit en elle-même, soit à cause de ses conséquences, qui sont la fausse évolution et le mépris des dogmes : « Ainsi est ouverte la voie à la variation substantielle des dogmes. Étant donné le caractère si précaire et si instable des formules dogmatiques, on comprend à merveille que les modernistes les aient en si mince estime, s’ils ne les méprisent ouvertement. » Op. « '/., p.l7 ; Denzinger, n. 2079, 2080. Ces passages de l’encyclique visent spécialement M. Loisy, qui avait écrit : « Le fidèle adhère d’intention à la vérité pleine et absolue que figure la formule imparfaite et relative. Adhérer à la formule comme telle, d’un assentiment de foi divine, serait adhérer à ses imperfections inévitables, la proclamer imperfectible et adéquate, bien qu’elle soit inadéquate et imparfaite. » Autour d’un petit livre, 1904, p. 206. Il ajoute, après l’encyclique : « "Va-t-on maintenant enseigner que l’on doit croire à la formule comme telle, en la tenant pour la perfection de la vérité même, en sorte que celui qui en entend la signilication verbale participe directement et pleinement à la science de Dieu ? » Simples réflexions sur l’encyclique, 1908, p. 177. On voit ici que M. Loisy n’avait pas l’idée de ce qu’est « l’assentiment de foi divine » , dont il parlait. S’il avait compris ce terme théologique, s’il avait réfléchi que c’est pour les catholiques un assentiment intellectuel basé sur un témoignage de Dieu, il aurait vu que, tout témoignage se faisant par manière d'énoncé, c’est à cet énoncé comme tel qu’adhèrent ceux qui croient sur la parole du témoin ; ils y adhèrent, c’est-à-dire ils le tiennent pour vrai, sans pour cela prétendre « participer directement et pleinement à la science de Dieu. » Quand on ne connaît que par témoignage, on ne participe jamais que partiellement et indirectement à la science et à l’expérience personnelle du témoin. Un savant célèbre atteste qu’il a fait telle expérience, répétée dans différentes conditions, et qu’il est arrivé à une loi physique exprimée par telle formule ; le public adhère à la formule sans prétendre par là « participer directement et pleinement à la science » de celui dont l’autorité, sans autre preuve, lui fait admettre cette formule, cet énoncé ; et il sait bien que la science humaine est perfectible, que là même où elle est sans erreur elle n’est pas sans lacunes, que ses formules les plus vraies sont « inadéquates » parce qu’elles ne disent pas tout sur la réalité ; et nous en disons autant des énoncés de la révélation, tout en adhérant à leur vérité. Qu’est-ce enfin que cette « adhésion d’intention » donnée par M. Loisy « à la vérité pleine et absolue que figure la formule, » à la « réalité de l’objet » qui reste inconnais sable, sinon un bon vouloir, un acte d’adoration, la « consécration à Dieu » de M. Ménégoz et de ses « fidéistes » , ce vague sentiment par où le modernisme rejoint le protestantisme libéral, et qui, nous l’avons vii, n’est la « foi » ni d’après l'Écriture et les Pères, ni même d’après M. Loisy, qui défend les modernistes d’avoir dit que la foi est purement une émotion, une affection. Voir col. 106.

5e conséquence : les énoncés de la révélation n’ont pas pour caractère essentiel de se réduire à des règles de conduite (comme l’a pensé M. Le Roy, voir Dogme, t. iv, col. 1586). La révélation est un témoignage de Dieu. Parmi les objets que Dieu peut nous attester, il y a sans doute ses volontés souveraines, les préceptes qu’il nous impose, et dans ce cas l'énoncé révélé prend le caractère d’une règle pratique. Mais le témoignage, de sa nature, ne consiste pas à n’attester que des volontés et des préceptes ; le témoignage humain porte même le plus souvent sur des faits qui n’ont rien de commun avec un précepte, ou sur des doctrines spéculatives dont témoignent les savants, et que le public accepte sur leur parole ; de même la révélation chrétienne, outre les préceptes, contient des faits et des doctrines qu’on ne peut, sans la violence d’une exégèse intolérable, transformer en règles pratiques. Par exemple, l'énoncé catégorique : « Jésus est réellement présent dans l’eucharistie » ne peut se réduire à cette règle : « Agissez comme si Jésus était réellement présent dans l’eucharistie. » D’ailleurs V auctoritas Dei revelantis, motif de la foi, ne signifie pas l’autorité du supérieur qui donne des ordres, mais l’autorité du témoin, et par suite la foi n’est pas une simple obéissance de volonté et d’action, mais une croyance. Voir col. 116. Aussi l'Église a-t-elle condamné la proposition suivante : « Les dogmes de la foi sont à retenir seulement dans leur sens pratique, c’est-à-dire comme règle obligatoire de conduite, non comme règle de croyance. » Décret Lamenlabili, prop. 26, DenzingerBannwart, n. 2026.

Le caractère abstrait de certains énoncés révélés, des formules dogmatiques de l'Église qui viennent les préciser et de l'étude théologique qui semble encore les refroidir et les dessécher, ne les empêchent pas d’avoir une influence salutaire et nécessaire sur la vie religieuse du chrétien. « La science théologique, dit Newman, étant l’exercice de l’intellect sur les credenda de la révélation, est dans la nature, est excellente et nécessaire, bien qu’elle ne tende pas directement à la dévotion. Elle est dans la nature, parce que l’intelligence est une de nos plus hautes facultés : excellente, parce que c’est notre devoir de développer nos facultés avec plénitude ; nécessaire, parce que, si nous n’appliquons pas à la vérité révélée notre intellect avec justesse, d’autres y exerceront le leur de travers, » etc. Grammar of assent, Londres, 1895,. I re partie, c. v, § 3, p. 147. La valeur des énoncés dogmatiques abstraits pour atteindre le réel, leur utilité même pour la vie chrétienne et la dévotion, est bien développée contre le modernisme par le P. Chossat, voir Dieu, t. iv, col. 815 sq. ; par le P. de Poulpiquet, Le dogme, Paris, 1912, c. i, p. 27 sq. Diverses objections modernistes contre la part que fait l'Église aux énoncés et aux dogmes ont été réfutées à l’art. Dogme, t. iv, col. 1591-1596.

6e conséquence : les énoncés de la révélation sont immuables ; ils ne peuvent, par l’effet du développement des idées ou par l’action des savants, subir une telle évolution qu’ils arrivent à nier ce qu’ils affirmaient. La révélation est un témoignage de Dieu. Or personne ne peut faire varier le témoignage même faillible d’un autre, ni surtout le faire passer de l’affirmative à la négative. Que dirait-on d’un greffier de tribunal, qui changerait le contenu d’une dépo-