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tuition immédiate de ces vérités. De là une certaine captivité de l’esprit, car la pente naturelle de l’intelligence humaine est vers l’intuition autant que possible, ou du moins vers les raisons intrinsèques des choses, et elle n’aime pas à être emprisonnée dans la seule affirmation d’un maître, fût-ce Dieu. IICor., x, 5. Pourquoi Dieu a-t-il voulu exiger de nous une telle foi ? L’apôtre, aux endroits cités, en suggère trois raisons principales, qui achèvent de montrer clairement sa pensée sur le motif de la foi chrétienne : a) Il y a dans une telle foi une sorte d' « obéissance » de l’esprit, un hommage rendu au maître divin. II Cor., x, 5 ; cf. Rom., i, 5 ; xvi, 25. Quand nous croyons sur] la seule parole de quelqu’un, surtout une chose difficile à croire, nous honorons d’un hommage très spécial sa science et sa véracité. Aussi l’apôtre, comparant la foi chrétienne aux anciens sacrifices, parle-t-il du « sacrifice et de la liturgie de la foi, » ryj 6-jda x.où Xecroupi -îx -r, ; 7tî<TTêwç. Phil., il, 17. Ce culte spécial, où l’intelligence s’immole sous l’influence de la volonté, était bien dû à la raison suprême, au créateur de toutes nos facultés. Cf. concile du Vatican, sess. III, c. ni, Denzinger, n. 1789. — b) A cette raison fondamentale, saint Paul joint une raison contingente et d’ordre historique. Par leur faute, les sages du monde, les philosophes païens, si célèbres qu’ils soient, n’ont pas su trouver Dieu. Cette banqueroute de la philosophie a été pour Dieu l’occasion de mépriser une science orgueilleuse et dévoyée, et de fonder le salut des âmes sur une autre espèce de connaissance, plus humble. I Cor., i, 21 ; iii, 18 sq. ; cf. Rom., i, 18-22. — c) Si la foi chrétienne a pour objet des mystères, dont la raison philosophique ne peut ni démontrer l’existence, ni comprendre l’essence (même après révélation), la foi chrétienne ne peut être ni une intuition ni une démonstration philosophique, ce qui enlèverait à ces vérités leur caractère mystérieux : elle ne peut être qu’une connaissance extrinsèque, appuyée sur le témoignage de Dieu, qui nous livre le fait (par exemple, l’incarnation) sans nous en expliquer le mode intime, et en laissant ainsi la vérité enveloppée d’ombre. Or, la foi chrétienne a pour objet des mystères : Nous prêchons, dit saint Paul, une sagesse de Dieu qui est dans le mystère, qui est cachée… qu’aucun des princes de ce monde n’a connue, » etc. I Cor., ii, 7-9. Ces secrets de Dieu, appartenant aux profondeurs de sa vie intime ou de ses décrets miséricordieux, échappaient à notre raison beaucoup plus que ne lui échappent les secrets des autres hommes. Pour les faire connaître à l’humanité, il fallait donc que Dieu les communiquât luimême, ce qu’il a bien voulu faire : Dieu nous a révélé (ces mystères) par son Esprit ; car l’Esprit pénètre tout, même les profondeurs de Dieu… Nous en parlons, non avec les paroles qu’enseigne la sagesse humaine, niais avec celles qu’enseigne l’Esprit, » 10-13. Cf. Mallli., xi, 27 ; Joa., i, 18. En vertu de ce raisonnement, on peut dire que le motif essentiel de la foi est implicitement indiqué dans la définition quidonne l'Épltre aux Hébreux, xi, 1, par le fait que la foi y est ippelée » une conviction des choses que l’on ne voit [las, c’est-à-dire des choses que l’on ne peut voir,

comme l’entendent plusieurs Pères,

Enfin, quand saint Paul Veut donner un grand exemple de |, i foi qui Justifie, il choisit Abraham et nous le montre croyant à Dieu, sur la parole de Dieu,

credidit Abraham Deo, voila donc bien le motif essentiel de la foi.

4° Le mol if de la foi ( lirz 1rs Pires. Il est à regret 1er que h l’i lui et les Thoinassin n’aient pas poussé

lusqu'è la question de la foi leurs magistrales études de théologie positive sur les Pères. Nous avons essayé

d’y suppléer SOii par l'étude directe des sources, soit

en glananl ça et là chez les théologiens et dans plu sieurs ouvrages modernes, comme nous l’avons déjà fait, col. 78 sq. Les citations des Pères ont en outre l’avantage de nous familiariser avec leur style, de nous montrer en quel sens ils opposaient la foi et la raison » , etc.

1. L’idée que les Pères se faisaient du motif de la foi apparaît déjà dans le rapprochement qu’ils établissent entre la foi divine et ce que l’on a souvent appelé la foi humaine, c’est-à-dire le fait indispensable de s’en rapporter à autrui sur quantité de choses que l’on ne peut vérifier soi-même. On peut dire que ce rapprochement est un lieu commun de l’enseignemer.t patristique.

Dès le iie siècle nous le trouvons, par exemple, dans saint Théophile d’Antioche ; il y fait ressortir cet élément de confiance présupposé par la croyance sur parole, voir plus haut, col. 109 : « Tu ne crois pas à la résurrection des morts… Ignores-tu que la foi marche avant toutes choses ?… Quel malade pourra guérir, si d’abord il ne se confie pas à un médecin ? Quel art, quelle science pourra-t-on apprendre, si d’abord on ne se confie pas à un enseignement, si l’on ne croit pas à un maître ?… Et tu ne veux pas te fier à la parole de Dieu, qui t’a donné tant de gages ? » Ad Autol., 1. I, n. 8, P. G., t. vi, col. 1036.

Clément d’Alexandrie dit que la foi est un assentiment à un témoignage imposant ; que la voix de Dieu, auteur des Écritures, y sert de démonstration. Voir les textes à l’art. Clément d’Alexandrie, t. iii, col. 189. Il dit qu'à la parole de Dieu, jetée aux hommes par les apôtres, doit répondre en nous la foi, pour que cette parole produise son effet utile : « De même que le jeu de paume ne dépend pas seulement de celui qui jette la balle avec art, mais encore de celui qui la reçoit avec eurythmie. » Slrom., II, c. vi, P. G., t. viii, col. 960. Enfin il rapproche la foi chrétienne de la croyance des pythagoriciens à la parole du maître : « Tandis que les disciples de Pythagore, sans réclamer les démonstrations philosophiques de ses doctrines, basaient leur croyance sur ce seul mot : Le maître l’a dit, aOxb ; e ?a, et regardaient ce mot comme une preuve suffisante de l’enseignement reçu, pour des amis de la vérité ne serait-il pas absurde de se méfier d’un maître bien autrement digne de foi, le Sauveur notre Dieu, et d’exiger qu’il prouve ce qu’il affirme ? » Slrom., II, c. v, P. G., t. viii, col. 957. Cette comparaison avec les pythagoriciens sera reprise par saint Jean Chrysostome, In I Tim., homil. i, n. 3, P. G., t. lxii, col. 507, et par Théodoret, Grsec. affect. curatio, homil. i, De fl.de, P. G., t. i.xxxiit, col. 805.

F.ncore au n c siècle, le païen Celse témoigne à sa façon du concept de la foi chez les chrétiens d’alors : « Il en est parmi eux qui, ne voulant pas appliquer la raison aux choses qu’ils croient, ont cette maxime à la bouche : N’examine pas, mais crois ; la foi te sauvera, i Origènc, Conl. Ccls., 1. I, n. 9. P. G., t. xi, col. 672. Origène, qui nous a conservé ce passage de Celse. montre ensuite que cette foi simple est seule raison nable, puisqu’il est impossible à la grande majorité des hommes de laisser les affaires de la vie pour s’adonner aux loisirs de la philosophie, i C’est, dit-il, la méthode donnée par.lésus à tous les peuples, el la

seule qui soit pratique. 1 demandez à cette multitude de croyants, sortis du crime et de la boue, s’ils n’ont pas mieux fait de transformer leur vie par la foi aux châtiments de Dieu et aux récompenses divines,

sans chercher les raisons des choses - plutôt que

d’avoir méprisé la foi simple et retardé Indéfiniment

le changement de leurs muni-, sous prétexte de se

livrer ; ï de savantes recherches sur ces questions, méthode qui sans doute les aurait laissés presque tous dans une détestable Vie. i El après RVOir donné celle

merveilleuse transformation des mœurs païennes