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GENÈSE


Eusèbe de Césarée remarque, à propos d’Hérode, qu’il est le premier prince étranger qui ait régné en .luda et qu’ainsi s’est réalisée la prophétie de Jacob, rapportée par Moïse. Dans sa Démonstration évangèlique, 1. VIII, c. i, P. G., t. xxii, col. 572-596, il développe cette explication.. Il observe d’abord que les mots : ta àrcoxetfieva aÙTû du verset 10 dans la version des Septante désignent les promesses faites à Abraham, à Isaac et à Jacob. Les rois des Juifs sont issus de .luda et le Messie sortira de lui, quand il n’y aura plus de prince de sa race. Hérode a été le premier étranger qui ait gouverné la Judée. Juda lui-même n’a pas été adore par ses frères ; cette adoration concerne le Messie, son descendant. La comparaison avec le lion dépasse Juda. L’espérance des nations, c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ, né sous le règne d’Hérode, quand il n’y avait plus de prince de la tribu de Juda. Toute la prophétie lui convient : il a été adoré ; son nom a été annoncé ; il a triomphé de ses ennemis à sa passion. S’il est de la race de Juda, il a germé d’une vierge (d’après la version des Septante) ; il est mort et il est ressuscité. L’ànon représente le chœur des apôtres qui a été lié à la doctrine du Verbe de Dieu. Le Christ a lavé son vêtement à sa passion. Ses yeux et ses dents montrent la splendeur et la pureté de l’eucharistie.

Saint Éphrem applique les versets 8 et 9 à Juda. A propos du verset 10, il réfute ceux qui voient dans David celui qui doit venir ; ce n’est pas David, c’est Jésus, le fds de David, et il viendra quand il n’y aura plus de roi ni de prophète de la race de Juda. Il faut entendre très certainement cette prophétie du Fils de Dieu. L’Église, formée des gentils, l’attendra et il a lié cet ânon à la synagogue. Il est venu à Jérusalem monté sur un ânon ; il a lavé son corps dans son sang. Ses pensées étaient plus claires que le vin et sa doctrine plus pure que le lait. In Genesim, dans Opéra syriace et latine, Rome, 1737, t. i, p. 107-109.

Du fragment de Théodore de Mopsueste sur Gen., xlix, 11, 12, P. G., t. lxvi, col. 045, il résulte que cet exégète entendait du Messie la prophétie de Jacob : il parle de la passion de Notre-Seigneur et il y dit que Jésus recevra une nouvelle beauté après sa mort. Cf. L. Pirot, L’œuvre exégélique de Théodore de Mopsueste, Rome, 1913, p. 258-260.

Saint Jean Chrysostome déclare que cette bénédiction mystique présignifiait ce qui devait arriver au Christ : sa croix et sa sépulture. La nation juive avec son chef durera jusqu’à ce que vienne celui qui est l’espoir des gentils pour leur salut. In Genesim, homil. lxvii, n. 2, P. G., t. liv, col. 574.

Pour Théodoret, la bénédiction est portée, non pour Juda, mais pour sa tribu, qui est une tribu royale. La prophétie s’est très exactement réalisée dans le Christ : il est sorti de cette tribu ; sa mort a été formidable pour la mort et pour le diable ; il est fds de roi et fds de Dieu ; il s’est ressuscité ; le temps de son avènement est fixé, puisqu’il n’aura pas lieu tant qu’il y aura des rois, des princes, des prêtres et des prophètes chez les Juifs ; il se produira sous le règne d’un étranger ; le Christ est l’attente des nations, selon les promesses faites aux patriarches. Israël est sa vigne ; l’ànon représente les gentils indomptés. Les apôtres ont fait monter Jésus sur lui pour montrer qu’il les dompterait. C’est dans sa passion qu’il a lavé son vêtement, c’est-à-dire son corps, dans son sang. Cette passion a été salutaire : elle a procuré la joie des yeux. Les dents blanches indiquent la splendeur de la doctrine du Christ. Quæstioncs in Genesim, q. ex, P. G., t. lxxx, col. 217221.

Saint Cyrille d’Alexandrie voit, dans cette bénédiction, une prophétie de l’incarnation. C’est Jésus, sorti de la tribu de Juda, qui doit être célébré, loué

et adoré par tous les hommes, ses frères, comme leur créateur et leur seigneur, qui a triomphé de tous ses ennemis, qui, comme lion, est le Fils du Dieu toutpuissant, et, comme lionceau, le fils d’une vierge, quia été crucifié, niais s’est ressuscité lui-même. Le temps de sa venue est marqué par l’absence de rois, issus de Juda, en Judée : ce qui est arrivé du temps d’Hérode. Il était l’attente des nations, qu’il a liées par son amour à la synagogue. Sur la croix, il a été lavé dans son sang, et, malgré sa mort, il a été, comme Dieu, dans la joie, et il a toujours dit la vérité. Glaphyr. in Gen., 1. VII, P. G., t. lxix, col. 349-356.

Procope de Gaza serre davantage le sens littéral de l’oracle. Jacob loue son fils Juda, parce que de lui devaient sortir des rois et le Christ roi. Il annonce aussi le temps de la venue de celui qui était l’attente des gentils, quand le sceptre a cessé d’être tenu par la tribu de Juda. Cette tribu royale domina ses ennemis, parce qu’elle était forte comme un lion. Mais la prophétie convient aussi au Christ, que ses frères, les apôtres, ont loué, qui a chassé les démons, ses ennemis, par sa doctrine et ses miracles, et encore plus par sa mort sur la croix. Les Juifs aussi l’ont loué, et comme lion, il est roi et le Fils du tout-puissant. Il est encore fils d’une vierge ; il est mort volontairement et il s’est ressuscité lui-même. Par sa charité, représentée par la vigne, il a lié à la synagogue un peuple nouveau, celui des gentils. Il a monté une ânesse et son ânon, non pas comme les princes de ce monde, mais pour faire des deux peuples une seule nation fidèle sous son joug Ce peuple nouveau, il l’a lavé dans son sang au baptême et il l’a abreuvé du vin de son eucharistie. Il lui a dispensé une doctrine pure, et ses yeux étaient exempts de toute tache, n’ayant jamais été attirés par la convoitise. Comment, in Gen., P. G., t. lxxxvii. col. 493-502.

Pour Jacques d’Édesse, la bénédiction de Jacob à Juda s’applique surtout au Christ, qui est le fils de Juda par David et la vierge Marie, qui est un véritable Juda, puisqu’il a loué Dieu et a appris à ses frères à louer le Seigneur, qui est notre frère et que nous devons louer. Ses frères sont ceux qui croient à sa divinité et qui ont reçu l’adoption divine. Il a vaincu les anges apostats. C’est un roi puissant qui répand le carnage sur ses ennemis. Il est mort volontairement, mais son Père l’a ressuscité et lui-même a repris la vie par sa propre vertu. Il a été l’attente des nations et il est venu quand Juda n’a plus eu la principauté. Il est en lié à Jérusalem sur un ânon et il est mort pour nous sur la croix. Ses jugements sont justes et sa doctrine est pure. Jésus-Christ est donc le véritable Juda. In Genesim, dans S. Éphrem, Opéra sijriace et latine, Rome, 1737, t. i, p. 189-190.

Si de l’Orient nous passons à l’Occident, nous trouvons des explications semblables, et cela n’a rien d’étonnant, puisque les anciens écrivains latins, qui ont interprété la prophétie de Jacob, dépendent de saint Ilippolyte de Rome, qui, après saint Justin, a donné le ton aux exégètes. Nous profiterons, pour les exposer, de l’étude littéraire du P. H. Moretus : Les bénédictions des patriarches dans la littérature du VIe au viii ( siècle, Toulouse, 1910 (extrait du Bulletin de littérature ecclésiastique, 1909-1910). Le plus ancien commentaire latin de ces bénédictions est celui de Grégoire d’Elvire, si c’est bien à lui qu’il faut attribuer les Traciaius Origenis de libris S. S. Scriplurarum, édités par P. Eatiffol et A. Wilmart, Paris, 1900. Le Tractatus VI roule sur la prophétie de Jacob. Juda n’a mérité d’être loué ainsi par son père que parce que Jésus-Christ devait naître de sa tribu. Tous loueront aussi le Christ, né de Juda, parce qu’il sera le plus grand prophète d’Israël ; ses ennemis, qui seront vaincus au dernier jugement, les saints, qui