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GENÈSE


nostris velociter. Liber hebraic. quæsl. in Gen., P. L., t. xxiii, col. 943. Rupert de Deutz voit dans cette descendance le Christ lui-même. In Gen., 1. III, c. xx, P. L., t. clxxvii, col. 306.

S’appuyant sur ces interprétations et les dépassant, plusieurs exégètes modernes ont entendu la « descendance » de la femme d’un « rejeton » unique, le Messie. Lorsque y 1 a le sens collectif, le pronom qui s’y rapporte se met régulièrement au pluriel, ainsi qu’on le constate, Gen., xv, 13 ; xvii, 8, 9, etc. A cette règle on n’a trouvé que trois exceptions. Gen., xvi, 10 ; xvii, 17 ; xxiv, 60. Or le pronom est ici au singulier. Le nom désigne donc un rejeton spécial, déterminé, comme ailleurs, Gen., iv, 25 ; II Reg., vii, 12, 13 ; I Par., xvii, 11, 12. C’est donc lui (ou sa mère par lui) qui écrasera la tête du serpent infernal, tandis que celui-ci cherchera à le mordre au talon. La victoire définitive a été remportée sur le diable par le fils de la femme, le Messie, quand celui-ci, par sa mort sur la croix, brisa réellement la tête du serpent infernal. Joa., xii, 31 ; Col., ii, 15 ; I Joa., iii, 8. Mais le serpent, en faisant mourir le Messie par ses suppôts, lui mordait le talon. Cette blessure, quoique mortelle, n’empêcha pas la victoire, puisque la mort de Jésus-Christ fut suivie de la résurrection. Le Christ ressuscité fut donc le vainqueur du démon pour le salut de l’humanité. Calmet, Commentaire littéral sur la Genèse, 3e édit., Paris, 1724, t. i, p. 39-40 ; Patrizi, Biblicarum qusestionum deeas, Rome, 1877, p. 47-53 ; De N-n, hoc est de immaculala Maria Virgine a Deo prædicta, Rome, 1853 ; C. Passaglia, De immaculalo Deiparse conceptu, Rome, 1853, t. ii, p. 812-954 ; Mgr Gilly, Précis d’introduction, Nîmes, 1867, t. ii, p. 345-356 ; Mgr Lamy, Comment, in librum Gcneseos, Malines, 1883, t. ii, p. 235-236 ; Science catholique, 15 février 1887, p. 145-147 ; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12e édit., Paris, 1906, t. i, p. 567-571 ; Fillion, La sainte Bible, Paris, 1888, t. i, p. 32 ; C. Trochon, Introduction générale aux prophètes, Paris, 1883, p. lxviii-lxx ; E. Mangenot, Les prophéties messianiques. Le protévangile, dans Le prêtre, Arras, 18941895, t. vi, p. 802-808 ; J.-B. Terrien, La mère de Dieu et la mère des hommes, Paris, s. d. (1902), t. i, p. 26-49 ; II. Bremer, Die unbejleckte Empjangnis und die ersle Propheziung der Erlôsung, dans Theolog.-praklisch Quartalschrift, 1904, p. 762 sq. ; M. Flunk, Das Protocvangelium (Gen., iii, 15) und seine Beziehung zum Dogma der unbefleckter Empjangnis Maria, dans Zeitschri/t fur kalholische Théologie, Inspruck, 1904, p. 641-671 ; G. Arendt, De Protoevangelii habiludinc ad immaculatam Deiparæ conceptionem analgsis theologica, Rome, 1905 ; S. Protin, Le protévangile et l’immaculée conception, dans la Revue auguslinienne, Paris, 1904, t. v, p. 449-460 ; G. Hoberg, Die Genesis, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1908, p. 49-51 ; M. Hetzenauer, Commentarius in librum Genesis, Graz et Vienne, 1910, p. 75-82 ; Willems, Das Proloevangclium, dans Pastor bonus, 1911, t. xxiii. p. 129-137 ; I. Rinieri, La donna del Protoevangelo, Disquisizionc letlcrale inlorno al v. 15 ( Gen., ; //), dans Scuola cattolica, 1912, t. xxi, p. 160-169, 358-365 ; L. Murillo, op. cit., p. 298-309. Pour tous ces commentateurs et d’autres encore, le protévangile est messianique au sens littéral.

Cependant, pour d’autres exégètes catholiques, il ne l’est qu’au sens spirituel. La prophétie divine vise directement Eve et sa descendance, qui sont des figures prophétiques du Messie et de sa mère, vainqueurs du démon. Corneille de la Pierre, Comment, in Gen., Lyon, 1732, p. 66-67 ; Hengstenberg (protestant), Christologie des A. T., Berlin, 1829, t. i, p. 26-46 ; Reinke, Beitrage zur Erklàrung des A. T., Giessen, 1857, t. ii, p. 272 sq. ; J. Corluy, Spicilegium dogmalico-biblicum, Gand, 1884, t. i, p. 347-372 ;

card. Meignan, De V Éden à Moïse, Paris, 1895, p. 165192 ; Crelier, La Genèse, Paris, 1889, p. 54-56 ; F. de Hummelauer, Comment, in Genesim, Paris, 1895, p. 159-167 ; W. Engelkemper, Das Proloevangclium, dans Biblische Zeilschri/l, 1910, t. viii, p. 351371 ; G. Schmidt, La révélation et les données actuelles de la science, trad. Lemonnyer, Paris, 1914, p. 5661. Finalement, je me range aujourd’hui à cette interprétation spirituelle.

Quoi qu’il en soit, le trait initial du portrait prophétique du Messie est qu’il sera un fils d’Eve, un descendant de la femme coupable (quoique fils d’une mère dont la conception aura été immaculée), un membre de cette humanité qu’il arrachera définitivement à l’empire du démon. Cf. Dictionnaire de la Bible de M. Vigouroux, t. v, col. 111-113.

II. La bénédiction de Sem, ix, 26, 27. — Le déluge terminé, Noé cultiva la terre et planta la vigne. Ayant bu du viii, dont il ignorait sans doute les efïets, il fut surpris par l’ivresse et il se découvrit dans sa tente. Un de ses fils, Cham, se moqua de son père, mais plus respectueux, les deux autres fils de Noé, Sem et Japhet, marchant à reculons, couvrirent d’un manteau la nudité de leur père. Celui-ci, à son réveil, ayant appris la conduite si différente de ses fils, et la prenant pour base de l’avenir de leur race, prédit cet avenir. Il maudit Cham, le coupable, dans la personne de son fils Chanaan, et prédit qu’il serait le dernier des esclaves et l’esclave de ses frères, ix, 20-25. Les fils respectueux, Sem et Japhet, reçurent, au contraire, une bénédiction. Celle qui fut portée pour Sem est exprimée à l’optatif, comme un souhait. On s’attendrait à ce que Sem lui-même ait été béni, comme Chanaan avait été maudit directement. Or, au lieu de bénir son fils, Noé bénit Dieu : « Béni soit Jéhovah, l'Élohim de Sem ! Que Chanaan soit son esclave 1° Jéhovah, l'être suprême, voir t. iv, col. 956-957, le Dieu de la révélation, de la grâce et du salut, est dit l'Élohim de Sem. C’est la première fois que Dieu est nommé l'Élohim d’un homme, et cet honneur a échu à Sem. Plus tard, Jéhovah se nommera lui-même l'Élohim d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Gen., xxviii, 13 ; Exod., iii, 6. Cette dénomination exprime les rapports tout spéciaux de Jéhovah avec ces patriarches, dont il est l'Élohim : il est leur Dieu, celui de leur famille ; il a contracté avec eux et avec leur postérité une alliance perpétuelle ; il leur a promis à eux-mêmes et à leurs descendants des bénédictions particulières d’ordre à la fois temporel et spirituel. Ces bénédictions ne sont qu’une conséquence de celle qui est adressée indirectement par Noé à son fils Sem. Si donc Jéhovah est dit l'Élohim de Sem, cela signifie qu’il aura comme apanage d’avoir, lui et sa race, des relations spéciales avec Jéhovah, qui sera son Élohim ou son Dieu. La véritable religion à l'égard du vrai Dieu, Jéhovah, se conservera donc toujours dans la race de Sem. C’est de cette race que viendra le salut, promis à l’humanité pécheresse ; c’est d’elle que naîtra le rédempteur, qui triomphera définitivement du serpent infernal. Tel est le sort de la postérité de Sem dans l’ordre religieux et spirituel. Théodoret, Quæsl. in Gen., q. lviii, P. G., t. lxxx, col. 164. Dans l’ordre temporel et politique, Chanaan sera son esclave. La bénédiction spirituelle est la première. Cf. Dictionnaire de la Bible, t. v, col. 113-114.

Japhet, au contraire, reçoit d’abord une bénédiction temporelle, exprimée dans le texte hébreu par une belle paronomase : Qu’Hlohim (et non plus Jéhovah) dilate Japhet, dont le nom signifie : « dilatant Noé ajoute : « Qu’il habite dans les tentes de Sem ! » Quelques commentateurs pensent qu'Élohim est encore le sujet de cette phrase, de sorte que Noé