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GENÈSE

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Ainsi les targums ou paraphrases ehaldaïques de la Genèse ont presque partout substitué Jéhovah à Élohim et n’ont gardé ce dernier nom que lorsque le sens l’exigeait. Il est juste d’ajouter qu’ils ont peu d’importance pour la constitution du texte original. La version des Septante a, sous ce rapport, une plus grande valeur. Or, les premiers traducteurs de la Bible hébraïque ont lu fréquemment Jéhovah Élohim en des passages où les autres témoins n’ont que l’un des deux noms, par exemple, iv, 6, 9, 15, 26 ; v, 29 ; vi, 3, 5, 8, 12, 13, 22 ; vii, 1, 5, 9, 16 ; viii, 15, 21 ; ix, 12 ; xxiv, 40 ; xxix, 31 ; xxx, 30. On ne peut donc pas suivre aveuglément le texte massorétique comme s’il n’avait pu être altéré, et il est nécessaire de le comparer avec les autres témoins du texte de la Genèse avant de conclure si un passage est élohiste ou jéhoviste parce qu’il reproduit le nom d’Élohim ou de Jéhovah. Cf. F. de Hummelauer, Commmtarius in Genesim, p. 5-6 ; J. Dahse, Textkritische Malerialen zur Hexateuchfrage. I. Die Gottestamentder Genesis, in-8°, Giessen, 1913 ; J. Skinner, The divine names in Genesis, dans Exposilor, avril 1913, p. 289-313. Le psaume xiii n’est-il pas jéhoviste, alors que le psaume lii, qui lui est identique, est élohiste ? Il y a deux recensions du même cantique. La seconde considération est que les noms d’Élohim et de Jéhovah ne sont pas les seuls noms divins, employés dans la Genèse. On y lit d’autres noms divins : ’Adonaï, usité quand le discours s’adresse directement soit à Élohim soit à Jéhovah, xv, 2, 8 ; xviii, 3, 27, 30, 32 ; xix, 18 ; ’El’Elyôn, ’El’Olâm, ’El Saddaï, ’Êlro’î, etc. Voir t. iv, col. 951-953. Le nom seul d’Élohim ou de Jéhovah n’est donc pas un critère sûr pour déterminer les passages élohistes et jéhovistes. F. Vigouroux, Manuel biblique, t. i, p. 451-452. Aussi les critiques modernes ont-ils recouru à d’autres critères.

2. Les doubles récils.

En faveur de la pluralité des sources du Pentateuque, on a depuis longtemps fait valoir les doubles récits des mêmes événements, qui apparaissent combinés dans le texte actuel. Or, ils sont surtout nombreux dans la Genèse, et M. A. Schulz les a récemment étudiés d’une façon très complète dans une monographie : Doppelberichtc im Pentateuch, dans les Biblische Sludien, Fribourgen-Brisgau, 1908, t. xiii, fasc. 1. Il suffira de les indiquer sans les examiner en détail. M. Schulz relève deux récits de la création, Gen., i, 1-n, 4 a ; il, 4 fc-25 ; deux récits du déluge, combinés Gen., vi, 5-ix, 17 ; peut-être aussi deux récits de la tour de Babel, xi, 1-9 ; d’après Gen., xvii, 24, 25 ; xxi, 5, Ismaël avait quatorze ans à la naissance d’Isaac ; or, il ne paraît être qu’un enfant, Gen., xxi, 8, 14, 15, 18, 20, quand il est expulsé avec sa mère, alors qu’il avait dix-sept ans d’après le premier récit ; deux sources différentes ont fourni les données du récit actuel de la visite de Dieu ou de ses anges chez Abraham et Lot avant la ruine de Sodome, xviii, xxi ; deux documents sont aussi combinés dans l’histoire de Jacob, xxvii, 2-xxviii, 9 ; comme dans celle de Joseph, xxxvii, 25-30, 39 ; xxxix, 1-xli, 10 ; xlii, 7-xliii, 7 ; xlii, 25-35 ; xliii, 25 ; xlv, 9-xlvii, 12. Nous pourrions concéder à M. Schulz l’existence de ces doubles récits de la Genèse, qui prouverait seulement que Moïse a consulté des sources différentes et leur a emprunté ce qui lui convenait. Il n’y a là rien de contraire à l’authenticité mosaïque de la Genèse. Mais M. Schulz a forcé la note, en prétendant que ces récits étaient non seulement divergents, mais contraires l’un à l’autre sur certains points. Il a exagéré à plaisir les divergences pour en faire des contradictions. On ne comprend pas que Moïse, ou même un rédacteur quelconque qui lui serait de beaucoup

postérieur, n’aurait pas remarqué ces contradictions et ne les aurait pas fait disparaître dans sa combinaison des deux sources consultées. Il a utilisé des documents divergents, qui ne lui ont pas paru inconciliables, parce qu’ils ne l’étaient pas en effet, et il les a conciliés parfaitement dans une unique narration suffisamment cohérente, surtout si on tient compte de la manière de raconter propre aux Sémites et en particulier aux Hébreux. Son travail de rédaction, nous le reconnaissons, a laissé des traces de la diversité des documents utilisés, mais il n’a pas gardé d’indices de leur contradiction. Sous ce rapport, M. A. Allgeier a ramené à de justes proportions les doubles récits de la Genèse. Ueber Doppelberichte in der Genesis, Fribourg-en-Brisgau, 1911. Il y a des doublets dans la Genèse, c’est entendu ; mais cela prouve seulement que Moïse, ou ses secrétaires, ont consulté sur plusieurs événements de l’histoire primitive et de l’histoire patriarcale des traditions différentes ou même des documents écrits différents, rien de plus. Cf. G. Huvelin, Les doubles récils et la virile historique de la Genèse, dans les Études, 1910, t. cxxi, p. 163-186 ; Les doubles récits de la Genèse, 1912, t. cxxx, p. 79-84.

3. Différences de style.

Les passages élohistes et jéhovistes ayant été déterminés par l’emploi des différents noms divins, les critiques ont étudié leur vocabulaire et les caractères de leur style, et ils sont arrivés aux conclusions de diversité lexicographique et grammaticale que nous avons précédemment indiquées. Or, pour ne parler que de la Genèse, cette diversité d’expressions et de grammaire se rencontre surtout dans les doubles récits, dont nous venons de parler. Ces récits provenant de documents différents, il n’est pas étonnant qu’ils aient gardé des traces de leur origine première. Cela prouve seulement que, dans l’utilisation de ses sources, Moïse a conservé la forme elle-même des documents qu’il utilisait et qu’il leur a fait subir le moins possible de transformations de style.

Aucun de ces arguments ne prouve donc la multiplicité des auteurs qui auraient mis la main à la composition de la Genèse. Ils prouvent seulement, ce qui ne fait pas de difficulté, que Moïse a utilisé ou fait utiliser des sources différentes, orales ou écrites, et qu’il en a gardé les caractères propres, en [ne les modifiant qu’autant qu’il était nécessaire pour les combiner en un récit cohérent.

V. Doctrine.

Dogmatique et morale.

Dès

la première page de la Genèse, Dieu apparaît comme le tout-puissant créateur de toutes choses. Sur la notion de création dans la Genèse, voir t. iii, col. 20422046. Sur la création en six jours, voir Hexaméron ; sur la création, la condition et le péché d’Adam, voir t. i, col. 368-386 ; sur la création, la tentation et le péché d’Eve, voir t. v, col. 1640-1655. Dieu y apparaît aussi provident : pourvoyant à la conservation et à la propagation des espèces végétales, animales et humaine, i, 11, 12, 22, 28, à l’alimentation de l’homme, 29, 30 ; ii, 15, et au sort d’Adam et d’Eve après leur chute, iii, 21. Il impose à Adam des préceptes positifs, ii, 16, 17, et il punit leur violation, m, 14-19, 22-24. Il venge aussi le sang d’Abel, en punissant le fratricide Caïn, iv, 11, 12. Quand le mal fut répandu sur la terre, Dieu se repentit d’avoir créé l’homme ; il punit les coupables par une inondation universelle et ne sauva que le juste Noé avec sa famille, vi, 1-21. Il veilla à la conservation de Noé, vii, 16 ; vin, 1, 2, 15-17, lui fit des promesses, lui imposa des préceptes et renouvela alliance avec lui, viii, 21-ix, 17. Il s’occupa du sort de l’humanité postdiluvienne, confondit ses projets orgueilleux et la dispersa sur toute la terre, xi, 5-9. Il se choisit un