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GENÈSE

’ir,

désigné par la formule : « fils d’Israël » . L’auteur emploie des noms spéciaux pour désigner les localités, et il distingue les mois par leurs numéros d’ordre. 11 recourt souvent aux mêmes formules : ainsi, dans le récit de la création, il répète constamment les mêmes mots et les mêmes tournures. Il multiplie les titres et les conclusions par exemple, les tôledôt ; il commence’et finit ses énumérations par les mêmes termes. L’exécution des ordres de Dieu est exprimée dans des phrases analogues à celle-ci : « Noô fit tout ce que Dieu lui avait commandé, » vi, 22. La langue de l’écrivain est pauvre en images et abstraite. Il y a cependant de belles pages, par exemple, le récit de la création, et l’auteur sait décrire une scène pittoresque des mœurs patriarcales, par exemple, l’achat du champ de la sépulture de Sara à Hébron, xxiii. On le date au plus tôt de la fin de la captivité des Juifs à Babylone. Voir Lévitique. Cf. E. Mangenot, op. cit., p. 131-179 ; Dictionnaire de la Bible de M. Vigouroux, t. v, col. 93-96.

Si le livre actuel de la Genèse est une compilation tardive d’une partie de ces trois documents, qui sont d’époques différentes, mais dont le plus ancien est de beaucoup postérieur à Moïse, il ne peut être l’œuvre du législateur d’Israël, et sa rédaction définitive, comme celle du Pentateuque entier, sinon de l’Hexateuque, serait au plus tôt de peu antérieure à Esdras, si même elle ne lui a pas été postérieure. Sa valeur historique serait bien mélangée, puisqu’on y trouverait combinées des traditions populaires récentes et divergentes, sinon même légendaires et mythiques.

IV. Authenticité mosaïque. — Moïse, qui a été un personnage réel et le législateur des Hébreux, voir t. v, col. 1749-1753, est tenu par les Juifs et par les chrétiens pour l’auteur de la Genèse, comme il l’est de l’Exode, voir ibid., col. 1753-1560, et du Deutéronome. Voir t. iv, col. 654-661. Nous revendiquons l’authenticité mosaïque de la Genèse.

Nature.

Nous ne prétendons pas toutefois

que Moïse a écrit lui-même le livre de la Genèse, de la première à la dernière ligne. Depuis le XIe siècle de notre ère au moins, des savants juifs et chrétiens ont admis que quelques additions avaient été faites à l’œuvre primitive ; des modifications y avaient été introduites, comme gloses ou explications de termes difficiles ou changements de termes anciens en termes plus récents ; enfin, au cours des siècles, des fautes de transcription de la part de copistes inattentifs ou maladroits y ont pénétré et y sont demeurées. D’autre part, Moïse a pu se servir de secrétaires, qui travaillaient sous ses ordres, sa surveillance et sous sa responsabilité, par conséquent en son nom, et l’aidaient à recueillir et à ordonner les documents et à rédiger son texte. Enfin, écrivant sur des époques anciennes et parlant d’événements dont il n’avait pas été le témoin, Moïse a été obligé de consulter la tradition orale de sa nation et de compulser même, s’il y en avait déjà, des documents écrits, listes généalogiques, récits, poèmes et chants, etc., qu’il a utilisés et insérés même ou fait insérer dans la trame de son livre. Ces principes, admis par les exégètes catholiques, ont été approuvés, le 27 juin 1906, par la Commission biblique et par Pie X. Voir Denzinger-Bannwart, Enchiridion, 11e édit., n. 1998 sq. Ces circonstances expliquent donc pour une part au moins les divergences de style constatées, si plusieurs mains ont travaillé à l’œuvre commune, et les indices d’une époque postérieure à Moïse, si on a fait à son écrit des additions ou des modifications plus ou moins considérables et si les copistes y ont introduit des fautes plus ou moins nombreuses de transcription. Le nombre des additions et des modifications, quoique relativement peu considérable, au sentiment de la Commission biblique,

n’est pas fixé, et puisque le principe est légitime, il peut être étendu autant que l’exigera une étude critique, à la fois savante et prudente. Cf. G. Hoberg, Ueber négative und positive I’entateuchkritik, dans les Biblische Sludien, Fribourg-en-Brisgau, 1901, t. vi, fasc. 1 et 2, p. 7-9 ; Moses und der Penialcuch, Fribourgen-Brisgau, 1905, p. 47-69 ; E. Mangenot, art. Pentateuque, dans le Dictionnaire de. la Bible de M. Vigouroux, l. v, col. 61-64 ; L’authenticité mosaïque du Pentateuque, p. 313-323.

Bien plus, comme l’Écriture sainte et la tradition catholique, tout en affirmant l’authenticité substantielle du Pentateuque, n’en déterminent pas toutes les conditions et ne disent pas comment Moïse a composé ses cinq livres ni dans quelle mesure le texte actuel reproduit l’œuvre originale dans sa forme extérieure et dans les détails non essentiels, le P. Brucker a cru légitime de penser que Moïse aurait rédigé et publié séparément plusieurs écrits, ayant chacun son objet et son unité propres, dans le genre des documents que les critiques croient reconnaître à la base du Pentateuque actuel. Il se pourrait aussi que ces trois ou quatre écrits, rédigés sous la direction de Moïse, aient longtemps existé séparément, et il n’est pas interdit de retarder leur fusion complète et définitive jusqu’à l’exil des Juifs à Babylone ou jusqu’au temps d’Esdras. C’est dans l’intervalle qu’ils auraient subi diversement les modifications accidentelles qu’on y remarque, le rajeunissement de la langue, devenue archaïque, et les adaptations à d’autres époques. Mais les récits de l’histoire patriarcale et des origines du peuple d’Israël auraient eu, moins que l’œuvre législative, besoin d’une adaptation spéciale et se seraient mieux conservés. L’Église et la critique biblique, Paris, s. d. (1908), p. 141-149. M. Touzard s’est autorisé de cette interprétation large dans une note de La religion d’Israël, dans le recueil : Où en est l’histoire des religions ? Paris, 1911, t. ii, p. 23. Rien, au point de vue de l’orthodoxie, ne paraît s’opposer à cette hypothèse, puisqu’elle maintient l’authenticité substantielle du Pentateuque, comme œuvre de Moïse. Elle donne aussi satisfaction à une notable partie des observations constatées par les critiques en faveur de la distinction des documents, qui seraient à la base du Pentateuque actuel. Pour la part de modifications et d’adaptations reconnues, elle explique les données relevées au sujet des dates tardives et diverses de ces documents séparés, celles-ci s’appliquant aux éditions successives des documents. De cette sorte, elle permet de concilier les exigences légitimes de la critique du Pentateuque avec la doctrine traditionnelle de son authenticité mosaïque substantielle.

Preuves.

1. Témoignages bibliques. — On ne

lit nulle part dans la Bible que Moïse est l’auteur de la Genèse. Il n’a pas mis son nom dans le titre de son livre. Rien même, dans le livre, n’indique son origine mosaïque. Les preuves d’activité littéraire de Moïse, qu’on relève dans l’Exode, voir t. v, col. 1753-1755, et dans le. Deutéronome, voir t. iv, col. 654-655, permettent, dans une certaine mesure, de conclure que le chef et le législateur du peuple juif a eu une part personnelle dans la composition du livre de la Genèse, qui sert comme d’introduction aux livres du milieu, dont le Deutéronome est la répétition et le complément. Quand les livres historiques et prophétiques de la Bible parlent de la « loi » de Moïse, les anciens commentateurs et quelques modernes encore les ont entendus et les entendent du Pentateuque entier, voir, par exemple, Clair, Le livre de Josué, Paris, 1883, ]). 20-21, 54, 85 ; G. Hoberg, Ueber der Ursprung des Pentateuchs, dans Biblische Zeitschrijt, 1906, t. iv, p. 338-340 ; Moses und Pentateuch, p. 17-35 ; M. Hetzenauer, Introductio in librum Genesis, p. 27-35, mais