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GALLICANISME


Grégoire II, Nicolas I er, Clément V, par des textes formels, ou par l’exemple de leur conduite à l’égard des princes infidèles, hérétiques ou révoltés, rendent témoignage à l’exactitude de la doctrine gallicane.

c) Plus intéressante est l’étude des doctrines professées dans les différentes Églises et universités. Tournély s’attarde sur les déclarations de l’assemblée de Tours sous Louis XII (1510), de Chartres (1591) et les déclarations de l’université de Paris en 1594. Les souvenirs contraires du temps de la Ligue, thèses des docteurs et interventions des papes, sont pour lui erreurs insoutenables, et abus de pouvoir intolérables et du reste non tolérés et vains.

Il faut noter que nos théologiens invoquant le témoignage des Églises d’Allemagne et d’Angleterre n’hésitent pas à faire fonds sur les déclarations des chroniqueurs et des polémistes engagés dans le parti de l’empereur Henri IV ou sur l’attitude du peuple anglais (catholiques compris) et des nations étrangères à l’égard du roi Henri VIII et de la reine Elisabeth, malgré les sentences de Paul III (1538), de saint Pie V (1570), de Grégoire XIII et de Sixte V.

d) Enfin nos auteurs retournaient contre le pouvoir indirect sur le temporel des rois, que Bellarmin accorde à l’Église, les arguments mêmes dont ce théologien s’était servi pour lui dénier un pouvoir direct : silence de la tradition, invraisemblance et inconvenance d’une situation royale pire après la venue de Jésus-Christ qu’avant cette grande faveur faite à la terre, aveu que ce pouvoir indirect sur les rois ou sur les biens des particuliers habitant les villes que régissent des évêques n’appartient pas à ces prélats, nouveauté de la doctrine sur le pouvoir indirect, danger et absurdité de son application : elle suffirait à aliéner à l’Église l’esprit des princes catholiques, elle rend impossible la conversion des princes protestants décidés à ne pas subir cette diminuiio eapitis que prône Bellarmin.

Ainsi qu’on l’a vu plus haut, dans la réfutation des arguments de Bellarmin en faveur du pouvoir indirect, Tournély dénonce entre autres erreurs : a. le passage illégitime du pouvoir à la personne qui en est pourvue. La personne revêtue de la puissance temporelle est soumise à l’Église, sa puissance en est indépendante ; b. la confusion des plans où se meuvent les deux sociétés. De ce que la fin de la société spirituelle est dans un plan supérieur au plan où se trouve la fin de la société naturelle, il ne suit pas que la seconde fin soit subordonnée à la première, elles sont absolument distinctes, assure Tournély, et on ne peut les confondre que si l’on considère, non pas les sociétés comme telles, mais les personnes concrètes qui les incarnent et les dirigent ; c. la confusion du for externe et du for de la conscience. En conscience le prince temporel est tenu de favoriser l’Église ; mais l’Église n’a pas de moyen coercitif pour l’obliger à suivre sa conscience ; ’I. l’abus de comparaisons inexactes entre l’âme et le corps d’une part, l’Église et l’État de l’autre : cuire le lien conjugal que saint Paul permet de rompre en faveur de l’épouse convertie etc. ; c. l’exagération dans les conclusions qu’on tire du fait que l’Église est dite société parfaite. Pour la perfection d’une société spirituelle, dit Tournély, n’est pas requise la possession d’une puissance temporelle ; I. l’invention d’un ndu pacte tacite entre les princes chrétiens et il lise, etc.

La réfutation iments que les ultramontains

runtaient à l’histoire du moyen âge occupe bon nombre de pages dans l’ouvrage de Tournély : il est inutile de l’y suivie ; il sullit de signaler un des faits qui ont tenu longtemps une grande place dans les polémiques sur ce sujet : la réponse du pape Zacharie es de Pépin le Bref, quand il fui consulté PU eux sur la déposition du dernier roi mérovingien ;

WCT. Dl nu OL. cumul.

les gallicans avaient grande envie de nier le fait, pour bien attesté qu’il soit, Tournély ne se fait pas faute d’accumuler les raisonnements en ce sens ; puis ils se résignaient à l’admettre, mais en le déformant quelque peu, ainsi que l’avait fait Charles V. Les Grandes chroniques de Saint-Denis, racontant le changement de dynastie de 752, avaient écrit d’après les continuateurs de Frédégaire : « Et lors feu esteu a roy de France par Vautorilé de l’Eglyse de Rome… Pépin. » Le roi fit remplacer le mot sacrilège par celui-ci « par le conseil du pape de Rome… » C’est à cette atténuation que s’arrête Tournély. Il ne tenait pas compte d’un texte plus embarrassant encore qu’Hilduin avait inséré dans les Areopagilica et qui fut retrouvé dans un manuscrit de Grégoire de Tours datant du xe siècle : il émane d’un moine de Saint-Denis, témoin de l’onction royale de Pépin et de ses fils par le pape Etienne II. Le pape y défendit aux Francs, sous peine d’interdit et d’excommunication, d’élire jamais un prince qui fût d’une race autre que la race carolingienne I A cette date, on ne se cloutait pas chez nous que la puissance spirituelle n’avait aucune espèce d’autorité, même indirecte, sur les choses temporelles Monumenla Germaniie, Scriptorcs rerum merovingicarum, t. i, p. 465.

2° Noies sur l’histoire de la doctrine gallicane relative aux rapports de l’Église et de l’État. — La thèse gallicane sur l’indépendance absolue du temporel à l’égard de la puissance spirituelle, ébauchée peut-être dans certains écrits de l’époque carolingienne (lettre d’IIincmar de Reims au pape Hadrien II, au nom des seigneurs francs, P. L., t. cxxvi, col. 176-183), peu goûtée des théologiens fiançais contemporains des polémistes césariens du xr’siècle (Hildebert du Mans, Geoffroy de Vendôme, Honoré d’Autun soumettraient volontiers le pouvoir civil au pouvoir ecclésiastique, Yves de Chartres et Hugues de I-’Icurv sont pourtant un peu plus rapprochés « les gallicans postérieurs), n’apparaît guère qu’au xiire siècle dans certaines lettres de Philippe-Auguste. Les légistes de Philippe le Bel l’ont au contraire souvent proclamée, mais elle n’est pas imposée aux théologiens même à l’époque du grand schisme. A la fin du xv c siècle, Jacques Almain et Jean le Maire (Major) établissaient assez nettement la thèse de l’indépendance réciproque des deux pouvoirs, mais Almain ajoutait que le pape avait le droit de déposer un prince hérétique, ou qui refusait de rendre Justice à ses sujets ou les dépouillait de leurs biens ; ce théologien déniait cependant à l’Église, au moins comme privilège divin, tout droit de coercition qui ne fût pas spirituelle et toute autre propriété que celle des produits de l’autel ; toute autre juridiction et tout

autre domaine étaient, à son avis, concessions du pouvoir civil. Cf. Imbart de la four. Les origines de la Réforme, Paris. 1905-1909, t. i et n.

Les controverses au temps des guerres de religion ! les théories du roi anglais Jacques [", la réaction contre la Ligue, les attentats contre les rois île France ont

mis à la mode les théories contraires à celles de Bellarmin. Richer, fougueux ligueur retourné, dans

son fameux Libellus, proposa un système parfaite*

ment lié sur les rapports de l’Église et de l’État : il

tenait en quatre propositions ; 1. droil divin des rois ; 2. absolue Indépendance du temporel ;  : i. autorité purement spirituelle de l’Église ; la conduite des choses temporelles a totalement abruti l’Église, reddidi tam totam bruialem ; l. puissance du

prince sur ri glie comme prince temporel protecteur ci vengeur des canons, il a la suprême administra* lion de l’appel comme d’abu

si le parlement soutenait les thèses de Richer "ut m nus, i son système politique, nous le verrons plus

VI, — : (U