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GALLICANISME


pontificale, disait : « Il s’ensuivrait qu’en aucun cas l’Église universelle ne serait supérieure au pape. Or il est néanmoins constant par les saintes Écritures que l’Église universelle ne peut ni pécher, ni errer dans la foi, que le pape a été institué pour l’Église et non l’Église pour le pape, et qu’enfin le pape, considéré même comme tel, est membre de l’Église. Par quelle raison donc la partie ne serait-elle pas soumise au toul, celui qui peut pécher à celle qui est impeccable, celui qui peut faillir à celle qui est infaillible ? C’est aussi une maxime avouée d’Aristote et des anciens philosophes de la Grèce, qui ont écrit sur le gouvernement, que tout corps politique, lorsqu’il est bien ordonné, l’emporte sur le prince s’il est seul de son côté, et peut-être pourrait-on dire qu’on n’est obligé d’obéir aux ordonnances du prince qu’autant qu’elles sont fondées sur le droit divin ou sur l’autorité de toute la communauté. » Du Boulay, Hisloria universilalis Parisiensis, p. 35.

5. On trouvera à l’art. Gerson une étude sur la doctrine de ce grand docteur, comme à l’art. Pierre d’Ailly un résumé de celle du cardinal de Cambrai. Il suffira de rapporter ici, au sujet du premier, une phrase de son traité De auferibiliiate papæ : « Comme toute communauté politique, disait le chancelier de l’université de Paris, l’Église peut corriger son prince et, s’il est incorrigible, le destituer, c’est un droit essentiel à toute communauté, aucune loi ne peut l’en priver. » Et Pierre d’Ailly qui, en 1380, alors toul jeune bachelier, avait écrit en face du scandale du schisme tout récent : Quis in Pétri infirmilale Ecclesiæ firmilalem slabiliat ? et déclaré que l’autorité suprême ne pouvait pas être dans le pape, simple ministre de l’Église, mais bien dans le concile, s’arrêtait à une formule extrêmement intéressante et par son contenu et par la forme philosophique qu’elle présente, De auctoritale Ecclesiæ, part. III, c. i. Le -cardinal de Cambrai parle de la plénitude de puissance que possède l’Église : « Une chose, dit-il, peut être dans une autre de trois manières : fl) comme dans son sujet, ainsi la vertu dans l’âme, l’accident dans la substance ; b) comme dans son objet, ainsi dit-on qu’un effet est dans sa cause ou dans sa fin, car elle tend à sa fin comme à son objet final ; c) comme dans son exemplaire, ainsi la chose vue est dans le miroir, la doctrine dans un livre : elle y est représentativement. Or de la première manière, la plénitude de puissance est dans le pape comme dans le sujet qui la reçoit et l’exerce ministériellement ; de la seconde manière, dans l’Église universelle comme dans l’objet qui la contient causalement et finalement, et de la troisième manière, dans le concile général qui la représente en exemplaire et la dirige régulièrement. »

En langage moderne, nous dirions que la plénitude de puissance appartient à l’Église qui la délègue à un ministre — le pape — et qui règle elle-même par ses conciles la manière dont le pape doit l’administrer : elle est la cause, la fin, la règle du pouvoir qu’exerce l’homme établi, non point tant vicaire du Christ que vicaire de l’Église.

Bien que Tournély cite ce texte en preuve d’une de ses conclusions sur la constitution ecclésiastique, on voit que la formule de Pierre d’Ailly exprime un gallicanisme foncièrement différent.

6. C’était la doctrine hardie de quelques membres du concile qui réussit à éteindre le schisme. Voir Constance (Concile de) et Bale (Concile de).

7. De même on peut voir, à l’art. Almain, à quel système plus modéré s’était arrêtée l’université de Paris du début du xvie siècle. Le gallicanisme de cette époque, tel qu’au nom de l’Aima mater l’expose en 1512 Jacques Almain, se rapproche beaucoup du gallicanisme de Tournély et de Mgr Maret : Pierre et les

papes ont reçu leur pouvoir immédiatement du Christ, de même les autres apôtres et l’Église universelle. L’autorité du pontife romain, supérieure à celle de n’importe quel autre chrétien, est inférieure a celle de l’Eglise universelle, mère commune, maîtresse et juge de tous ses enfants. Le pape a la suprême autorité executive. S’il cherche diligemment la vérité, il n’est pas probable que Dieu le laisse errer dans son magistère, mais on n’est jamais assuré qu’il n’ait point péché par négligence.

8. Au contraire, le gallicanisme que Bicher, longtemps syndic de la faculté de théologie de Paris au début du siècle suivant, voulut instaurer àlaSorbonne, sous prétexte de revenir à l’ancienne doctrine de ce corps, est un système d’une tout autre nature. Toutes ses idées tiennent dans un opuscule in-4° de trente pages, paru anonyme en 1611 : De ccclesiaslica et politica potestate libcllus ; il ne cessera plus de commenter, d’éclaircir, et, malgré les rétractations imposées par force, de justifier ce manifeste. Pour lui, la juridiction ecclésiastique, … comprenant à la fois pouvoir de sanctifier les fidèles, de les instruire et de les gouverner, est dans le corps entier de l’Église, comme la puissance de voir est dans l’homme vivant ; mais aussi, comme la vue, elle ne peut s’exercer, pour le bénéfice du corps entier et sous sa dépendance, que par un organe approprié : la hiérarchie instituée par le Christ. Cette hiérarchie, VEcclesia sacerdolalis, est constituée par la communication à certains hommes du sacerdoce même du Sauveur : communication égale pour tous, de manière pourtant à ce que les uns succèdent aux apôtres (les évêques), les autres seulement aux soixante-douze disciples (les prêtres). Dans ces derniers une partie des pouvoirs inhérents à ce divin sacerdoce a été, par Jésus-Christ même, pour le bon ordre et hors le cas de nécessité, liée ou paralysée ; cependant quiconque participe au sacerdoce du Seigneur est juge nécessaire de la foi (au moins par consentement tacite aux enseignements épiscopaux) et conseiller nécessaire pour le règlement de la discipline. Dans les successeurs des apôtres, la puissance sacerdotale ne subit pas d’autre restriction que les limitations volontairement consenties par les évêques au bénéfice du pontife romain (chef secondaire, analogique, accidentel, ministériel, d’une Église dont Jésus-Christ est le seul chef essentiel), afin de mieux assurer l’unité ou la monarchie voulue par le’divin fondateur. La monarchie dans chaque diocèse, comme dans l’Église entière, est la forme de l’État, du principat (nous dirions aujourd’hui du pouvoir exécutif) ; au contraire, le gouvernement, regimen (pouvoir législatif) est aristocratique : il s’exerce par le synode dans l’Église locale, par le concile dans la chrétienté. L’Église, dit expressément Bicher, est constituée comme le royaume de Pologne « avec un pape et des évêques que choisit et ordonne l’Église sacerdotale prise collectivement et à qui elle transmet l’autorité. » Defensio libelli, etc., Cologne, 1701, t. ii, c. i, n. 1. Telle est, autant qu’on peut la dégager des formules abstruses et de la terminologie bizarre de Bicher, l’ecclésiologie imaginée par le restaurateur du gallicanisme. Certaines idées sont manifestement empruntées à Pierre d’Ailly, d’autres sont filles du cerveau étrange du syndic.

Son système, peu goûté en son temps, ne fut pas sans influence sur le Pelrus Aurclius de Jean Duvergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, et il eut beaucoup de vogue au xviiie siècle dans les milieux jansénistes ou apparentés au jansénisme (disciples de Fébronius et membres du pseudo-concile de Pistoie). Les théories sur le droit divin des curés, déjà défendues par Gerson, eurent alors des partisans déterminés.

9. Le gallicanisme de Pierre de Marca, le savant auteur de la Concordia sacerdolii et imperii, demeura un