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GALLICANISME

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primaire et interne, tandis que le pontife romain n’est pour elle qu’un fondement accidentel, externe, secondaire, ministériel, qui fonde l'Église seulement en tant qu’il adhère à l'édifice entier et lui est uni, comme il faut, pour en tirer sa propre fermeté. Ainsi l’enseigne fort bien le pape Sixte III dans sa xe lettre aux évùques d’Illyrie : « De même que le corps, dit-il, est « gouverné par la tête, la tête, si elle n’est soutenue par « le corps, perd sa fermeté, sa vigueur et la dignité « qu’elle possédait. » Il ne faut donc point presser la comparaison de la maison et du fondement…, si par fondement on n’entend pas le Christ lui-même… La fermeté de l'Église dépend du Christ, son auteur et instituteur, qui est toujours présent en elle et la dirige par sa perpétuelle influence. Vobiscum sum omnibus diebus. »

Pierre est bien le centre, dit ailleurs Tournély, même au point de vue doctrinal ; mais un point n’est centre que par relation avec la circonférence ; s’il s’en sépare, il n’est plus rien.

Aux textes patristiques et conciliaires qu’on lui oppose il répond, non sans quelque embarras, qu’ils constatent seulement le fait de l’inerrance ou actuelle, ou même habituelle de l'Église romaine, mais reconnaissent si peu son droit à l’infaillibilité que les synodes n’ont jamais hésité à examiner l’exactitude des jugements qu’elle avait rendus.

Tout ce développement est couronné par une dissertation en forme sur la supériorité des conciles à l'égard du pape.

C’est là qu’on trouve la réponse à la seconde question posée par les gallicans sur les relations du pape et de l'Église.

b) L’autorité du pape est-elle de telle nature qu’il n’ait pas de supérieur sur terre ? Théorie gallicane sur la supériorité des conciles. — a. « Une société qui ne reconnaît pas à sa tête un monarque absolu est supérieure, non seulement à ses membres inférieurs, mais encore à celui qui en occupe le principat. Ainsi en est-il de la république de Venise où le doge est supérieur à chaque magistrat et à chaque membre du sénat, mais est soumis et inférieur à toute la république… »

b. Celui qui a reçu du Christ l’autorité de lier et de délier, comme représentant de l'Église, dont il est le chef, le ministre principal et universel, reconnaît cette Église pour supérieure, car c’est en elle qu’est la source, la racine, l’origine et la plénitude de la puissance spirituelle conférée.

c. L’autorité que tous les catholiques regardent comme infaillible est supérieure à celle sur l’infaillibilité de laquelle on discute parmi ces mêmes catholiques : c’est la position même des choses dans le problème qui nous occupe ; le pape dont l’infaillibilité est contestée ne peut donc être le juge dernier et suprême des controverses de la foi, il reconnaît audessus de lui l’autorité de l'Église.

d. L’autorité du collège des apôtres s’est exercée même sur saint Pierre : le chef de l'Église fut envoyé en Samarie par ses collègues : Miserunt ad eos Pelrum et Joannem.

e. C’est enfin la pratique et même l’expresse doctrine des conciles : ils ont condamné des papes comme Vigile ; ils en ont déposé d’autres comme Grégoire XII, Benoît XIII et Jean XXIII ; ils ont proclamé (à Constance), et non pas par un décret de circonstance, mais en visant la foi et la réforme de l'Église, que le pape était soumis à leur juridiction et correction ; ils ont répété ces décrets dans des sessions du concile de Bâle antérieures à la dissolution légitime de ce synode et l’on ne peut opposer à ces décisions aucune décision ultérieure de concile qui soit d’un concile sûrement œcuménique, ou qui soit d’une teneur excluant la thèse gallicane de l’infaillibilité conjointe.

Tel est le gallicanisme des théologiens à la fin de l’ancien régime : la comparaison de sa constitution avec celle de la république de Venise est classique chez tous, elle est claire. Aussi pourrait-on dire que la formule exacte du système n’est pas tout à fait la définition de l'Église que Tournély emprunte à Bellarmin : l’assemblée des fidèles n’est pas une société monarchique tempérée d’aristocratie, ce serait plutôt une société aristocratique améliorée par un statut monarchique ; c’est une collectivité gouvernée, enseignée, sanctifiée par une aristocratie épiscopale, par des vicaires immédiats du Christ. Pour assurer l’unité des vues et des démarches de ces princes, pour suppléer à leurs négligences ou à leurs défaillances, à l’insuffisance de ce concile permanent, mais dispersé que forme l'épiscopat du monde entier auquel est confiée en bloc, in solidum, la charge de l'Église universelle, et à celle de ces conciles assemblés, mais intermittents, que sont les synodes provinciaux, nationaux et œcuméniques, Jésus-Christ a établi un évêque des évêques, le pape. Évêques et pape sont constitués par le Christ aussi immédiatement les uns qae l’autre, évêques et papes reçoivent directement leur juridiction, comme leur caractère sacerdotal et épiscopal, de celui qui est le seul prêtre éternel, le seul chef de l'Église, sans qu’on puisse dire, comme l’affirment certains épiscopaliens, que la juridiction supérieure du second soit constituée par les concessions volontaires à lui consenties par ses égaux en vue de sauvegarder l’unité, ni comme Laynez voulait le faire définir au concile de Trente, que la juridiction des premiers leur vienne du pontife romain.

Diveis systèmes gallicans.

Il ne saurait

être question de retracer ici, même brièvement, la genèse des théories gallicanes. On trouvera un essai sur l’histoire de ces doctrines (essai conçu au point de vue polémique pour établir un argument contre elles) dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, à l’art. Gcdlicanisme. On notera seulement quelques tentatives caractéristiques de systématisation d’une ecclésiologie gallicane.

Le gallicanisme des théologiens français n’est primitif dans l'Église de France, ni comme doctrine explicite, ni comme doctrine impliquée dans les principes et la constitution de cette Église. Ces théories sont des constructions factices imaginées pour justifier des résistances aux développements théoriques et pratiques de la primauté de Pierre. Nos institutions particulières ont été parfois bouleversées par des interventions pontificales, d’autres fois nos susceptibilités nationales, nées de très bonne heure, ont été alarmées par certaines démarches — redoutées ou accomplies — de quelques papes, d’autres fois encore nos pères ont voulu sauvegarder les intérêts matériels de leur clergé lésés par les conséquences fiscales de la centralisation romaine et de l’action mondiale du Saint-Siège. On commença par traiter d’abus les applications odieuses de principes incontestés, puis on excipa contre elles de privilèges consentis par les pontifes à notre Église nationale, à ses évêques et à nos souverains, ou bien on invoqua des coutumes ayant prescrit ; assez tard seulement on nia les principes eux-mêmes et on imagina diverses conceptions de la constitution ecclésiastique où le pape n’occupait point la place que lui assignent pourtant l'Écriture et la tradition.

On s'écarta d’autant plus facilement des principes traditionnels sur la matière : 1. que l’autorité pontificale avait été fortement battue en brèche par les polémistes césariens, au temps de la querelle des investitures ; leur influence est indéniable dans l’histoire du gallicanisme, celle des polémistes anglais n’est pas sans probabilité ; 2. que l’on rencontrait dans les