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GALLICANISME


à) Le pape peut-il errer dans ses définitions sur les causes concernant lu foi et les mœurs ? Théorie gallicane contre l’infaillibilité pontificale. — a. Préliminaires de la thèse. —- Tournély déblaie d’abord le terrain : tout le monde est d’accord pour nier l’infaillibilité du pape comme docteur privé ; la controverse n’a de sens que quand il s’agit du pontife parlant comme pontife, personne publique, pasteur et chef de tous les fidèles, docteur de toute l'Église,

Encore ici notre auteur croit-il nécessaire de distinguer trois cas : le pontife prononce seul, de son propre mouvement, sans consulter les cardinaux, ni les évêques, sans délibération préalable, ni examen, ni discussion diligente : alors, de l’aveu de Bellarmin, qui cependant estime le cas chimérique et écarté par une providence spéciale de Dieu, le pape pourrait se tromper. Sa condition, dit Tournély, ne saurait être meilleure que celle de l'Église universelle elle-même à qui le Christ n’a promis le privilège de l’infaillibilité que si elle prend tous les moyens de l’industrie humaine, suivant la volonté du Christ lui-même, pour connaître et défendre la vérité, t. ii, p. 121. — Le pontife prononce avec le concile : tous les catholiques s’accordent à dire que sa sentence est infaillible ; mais on se divise quand il faut déterminer précisément à qui revient le privilège : est-ce au pape, qui le communique au concile ; est-ce au concile tout entier, pape et évêques réunis en un seul corps ; est-ce au pape d’une part et de l’autre au concile, tous deux également infaillibles même s’ils n'étaient pas unis ensemble ? — Le pontife prononce hors du concile, mais avec ses conseillers ordinaires, après examen diligent, avec toutes les précautions humainement désirables ; dans ce troisième cas, peut-il se tromper ?

Ici on n’est plus du tout d’accord : les uns affirment l’infaillibilité du pape pourvu qu’il parle ex cathedra ; ils assurent que c’est une vérité de foi ; d’autres, tenant la même opinion sur le privilège de l’inerrance, n’osent pas le proposer comme contenu dans le dépôt de la révélation ; d’autres doutent de son exactitude ; d’autres la nient résolument.

D’ailleurs, continue Tournély, on est loin de s’entendre sur le sens des mots ex cathedra : pour les uns, le pape ne parle ex cathedra qu’au sein du concile général ; pour les autres, quand il définit le sens de l'Écriture ou de la tradition, ou bien quand il instruit tous les fidèles, ou encore quand il al’intention d’imposer à tous les chrétiens un acte de foi ; d’autres disent : il est infaillible quand, s’adressant à l'Église entière, il lui enseigne une doctrine concernant la foi ou les mœurs. La divergence n’est pas moindre quand il s’agit de déterminer à quels signes on reconnaît que le pape a parlé comme pasteur et docteur, à toute l'Église, sur une doctrine concernant la foi et les mœurs, avec l’intention d’obliger à la croire et après examen diligent.

Et quand on suppose tous ces doutes levés, il en reste encore un, et c’est l’objet propre de la controverse entre gallicans et ultramontains : Unde repetenda sit firmitas Ma ac certiludo plena sententias pontificis ex cathedra loquenlis : an ex consensu et approbalionc Ecclesiæ, an ex privilegio divinitus romano pontifici collato ?

Tournély, et avec lui la plupart des gallicans, admettraient volontiers la formule : le pape parlant ex cathedra est infaillible, si parler ex cathedra n'était pas autre chose que parler du consentement et avec l’approbation de l'Église : encore pourrait-on longtemps discuter sur la manière dont ce consentement doit être fourni ; faut-il qu’il soit absolument universel, exprès, antécédent, ou au contraire seulement dominant, tacite, conséquent, etc. ?

Tournély écarte enfin la thèse de Launoy et de

Bossuet sur l’infaillibilité du siège romain et la faillibilité de l’homme qui l’occupe. Il ne dissimule pas que les textes accumulés par l'érudition de l’historien et de l'évêque semblent assigner au siège de Pierre une indéleclibililé doctrinale indéniable, mais il nie qu’on puisse concilier cet aveu avec « la Déclaration du clergé de France, de laquelle il ne nous est pas permis de nous écarter. » . Il s’en tient donc à la formule de 1682, et c’est celle dont il défend l’exactitude.

b. Thèse gallicane contre l’infaillibilité personnelle du pape. — « Quoique le pape ait la part principale dans les questions de foi et que ses décrets regardent toutes les Églises et chaque Église en particulier, son jugement n’est pourtant pas irréformable, à moins que le consentement de l'Église n’intervienne. » Et l’auteur appuie cette déclaration d’un commentaire remarquable pour enlever, d’une part, aux jansénistes le prétexte de s’autoriser de cette doctrine pour contredire les décisions émanées du pape seul, et, de l’autre, aux ultramontains l’avantage qu’ils pouvaient tirer — et qu’ils tirent en effet — de l’obligation reconnue par tout chrétien et par toute Église d’obéir à ces définitions romaines. « Quoi qu’il en soit (de la théorie), voici ce qui est certain et hors de contestation parmi les catholiques : au pontife romain, dans les choses qui concernent la religion appartient la part principale, à lui, abstraction faite même de la question de savoir s’il peut ou non errer, il faut toujours religieusement obéir tant que l'Église ne contredit pas à ses définitions et ne réclame pas contre elles. Cette obéissance due par tous n’est pas exigée par un privilège d’infaillibilité, mais simplement par la suprême puissance spirituelle dont il jouit sur tous les chrétiens. Nous l’avons déjà fait observer, jusqu’ici jamais aucun hérétique n’a refusé d’obéir aux papes ou aux évêques sous prétexte qu’ils n'étaient pas infaillibles, ils ont donné d’autres raisons de leur méchante opiniâtreté, mais point celle-là. »

Tournély propose cinq chefs d’argumentation relatifs à cette proposition en laquelle se résume tout son système : « C’est à l'Église entière, et prise en commun que Jésus-Christ a attribué le privilège de l’inerrance, et non pas au seul Pierre ou à quelque autre homme. »

a. Preuves de la thèse gallicane. — Comme d’habitude, la preuve scripturaire vient en tête, mais elle est sommairement expédiée : c’est contre l'Église que les portes de l’enfer ne prévaudront pas, Matth., xvi, 18 ; c’est avec tous les apôtres et leurs successeurs que Jésus-Christ promet d'être jusqu'à la consommation des siècles, xxviii, 20 ; c’est pour tous qu’il demandera au Père d’envoyer l’Esprit, c’est en tous que cet Esprit demeurera, c’est tous qu’il instruira. Joa., xiv, 16 ; xvi, 13. C’est l'Église que Paul appelle la colonne et l'étai de la vérité. I Tim., ni, 15. Tout cela prouve une infaillibilité collective et non personnelle. La formule du premier concile n’est pas : Visum est Petro et nobis, mais Visum est Spirilui Sancto et nobis, d’où la conclusion : Sententia igitur concilii Ecclesiam universalem reprœsentaniis est ipsamei sententia Spiritus Sancli a quo in Ecclesiam directe et immédiate derivatur infallibilitas judicii ac doctrinæ in causis fidei et morum.

Tournély écarte cependant l’accusation d’erreur portée contre Pierre à propos des reproches que lui fit saint Paul et réprouve avec la faculté de Paris (15 décembre 1617) la 35e proposition insolente de Marc-Antoine de Dominis sur ce sujet.

(3. Le second groupe de preuves est tiré de la pratique des conciles : ils sont nécessaires pour trancher les controverses religieuses ; ils reprennent et examinent à nouveau les décrets des pontifes romains ;