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GALLICANISME


Christo institulum regimen Ecclesiee : c’est une conclusion : » Le gouvernement de l'Église n’est pas purement monarchique, niais il est le m prié d’aristocratie ; l’usage du pouvoir apostolique doit être modéré par les canons établis par l’Esprit de Dieu et consacrés par le respect du monde entier. » On reconnaît, au passage, des mots employés par Bossuet dans la Déclaration de 1682.

Trois parties dans cette conclusion, dit Tournély :

a) le régime de l'Église est vraiment monarchique ;

b) il n’est pas purement monarchique ; c) l’exercice du pouvoir apostolique est réglé par les canons auxquels il doit être soumis.

a) La première partie de la conclusion, celle qui affirme l’existence dans l'Église d’un chef possédant « un pouvoir universel de gouverner et de commander aux autres, » est une doctrine que la faculté de Paris a bien souvent réclamée comme sienne et, en particulier, lorsque Marc-Antoine de Dominis lui a attribué une conception purement aristocratique du gouvernement ecclésiastique. Parisiensium doctrina, avait osé affirmer cet auteur, cnucleate intellecta nihil discrepai a mea his libris tradila doctrina et ab ipsa veritale… Schola itaque Parisiensis et noslra est, et reipsa potestati sludel aristocraties, non monarchicæ : quare ex ejus quoque doctrina papatus nullo potest solido subsistere fundamenlo. A quoi la faculté de théologie, censurant cette proposition (la 9e de celles qu’elle condamna en 1617), oppose cette dénégation formelle : Merci est contra facullalem Parisiensium impostura, et Tournély appuie ce texte de deux témoignages de Gerson, Lib. de potestate ecclesiastica, consid. 10 et 11 : Gersonius… doccl potestatem ccclesiasticam in sua plenitudine esse formalilcr et subjective in solo romano pontificc quem appellat monarcham primum, et de Pierre d' Ailly, in tractatu de auclorilate Ècclesiæ quem in ipsa synodo Constantiensi scripsit. Part. III, c. i.

b) La seconde partie : le régime de l'Église n’est pas purement monarchique, mais tempéré d’aristocratie, serait, d’après Tournély, communément admise par tous les docteurs catholiques et il enregistre à ce sujet l’aveu de Bellarmin, De romano ponlifice, 1. I, c. v.

La formule est, en effet, acceptée de presque toutes les écoles catholiques, mais sous des mots identiques toutes ne mettent pas le même sens. Le sens gallican est déterminé par les arguments ici invoqués en sa faveur et par la troisième partie de la conclusion.

2 re série de preuves. — Tournély mit en ligne deux preuves scripturaires :

a. Le régime purement monarchique et absolu a été réprouvé par Jésus-Christ quand il a dit : Scilis quia principes gentium dominantur eorum et qui majores sunt potestatem exercent in eos. Non ita erit inler vos, etc., Matth., xx, 26 ; cf. Luc, xxii, 25, et il n’a jamais été employé par les apôtres. Saint Paul les appelle dispensatores mysteriorum Dei, I Cor., iv, 1, des économes à qui le domaine n’appartient point ; saint Pierre est tout aussi formel : Nequc dominantes in cleris. I Pet. v, 2.

b. La seconde preuve est plus carastéristique : c’est d’un commun conseil, et non par les ordres du seul saint Pierre, quoiqu’il possédât le primat, que les apôtres ont administré l'Église et tranché les controverses : ils étaient donc persuadés que l'Église ne devait pas être gouvernée et administrée par l’empire absolu d’un seul monarque. Ibid., p. 542. Notre docteur cite le choix entre saint Mathias et Joseph le Juste pour remplacer Judas, nequc Mis duobus sortes dédit S. Pelrus, sed a loto cœlu datas esse observai S. Lucas, Act., i, 23 ; la constitution des diacres : Et placuit sermo coram mulliludine, Act., vi, 2, 3-5 et 9, quæ sepicm ex discipulis constitua coram aposlolis, et il insiste particulièrement sur deux faits : le premier, que saint

Pierre doit rendre compte de sa conduite aux apôtres et aux frères quand il introduit les gentils dans l'Église ; le second, que la synodique de Jérusalem sur les observances qu’on doit imposer à ces mêmes gentils, n’est pas établie par l’autorité du seul Pierre, ni signée de son seul nom, c’est une décision et une lettre communes. Act., xv.

2e série de preuves. — Elle est empruntée au caractère divin de l’institution des évêques ; ils ont reçu du Christ le pouvoir de juger sur les matières concernant la foi et la religion, aussi bien en même temps que le pontife romain, qu’avant lui, ou après lui : le gouvernement de l'Église n’est donc pas remis aux seules mains de ce pontife, il n’est pas purement monarchique, mais bien partiellement aristocratique.

a. Que l’institution des évêques soit de droit divin, notre auteur ne s’attarde pas à le démontrer, il renvoie à son traité de l’Ordre, q. vi, a. 1, De divina episcoporum inslitutione, præeminentia et superioritale supra presbyleros, concl. 2°.

b. Au contraire, il s'étend longuement sur leur privilège inaliénable de juger les causes de foi : JésusChrist en a donné le pouvoir à ses apôtres, auxquels les évêques succèdent. Joa., viii, 21. Saint Jacques et ses confrères en ont usé au synode de Jérusalem : Ego judico non inquictari eos qui ex genlibus converluntur ad Dcum… Yisum est Spirilui Sanclo et nobis. Act., xv, 19, 28. Les évêques les ont toujours imités. Tournély rapporte les formules conciliaires : Ego N. conscnliens, judicans vel defmiens subscripsi, les termes dont se servirent les Pères de Chalcédoine dans leur lettre au pape saint Léon le Grand, écho des termes employés par les évêques réunis au concile d’Arles de 314, quand ils écrivaient au pape saint Sylvestre. Le pape Gélase II, en 1118, parlant des évêques de France, disait : Libenler acquiescimus fratrum noslrorum judicio, qui a Deo sunt judices in Ecclesia constitua et sine quibus hœc causa traclari non potest.

Ces juges (que Gélase semble regarder comme des juges nécessaires) n’ont pas besoin d’attendre la sentence du souverain pontife, ni de le consulter, ni de lui déférer l’affaire entière ; ils peuvent, dans leurs conciles particuliers, connaître des causes de la foi et les trancher : les exemples sont innombrables, depuis les condamnations portées contre Montan par les évêques des Gaules vers 177. que mentionne Eusèbe, II. E., 1. V, c. ni, jusqu'à nos jours : Priscillien (concile de Bordeaux, 485), Léporius (425), les semipélagiens (IIe concile d’Orange et concile de Valence, 529), Élipand et Félix (Francfort, 794), Godescale (Kiersy, 853), Bérenger (Paris, 1050), Abélard (Soissons, 1120, et Sens, 1140), Gilbert de la Porrée (Reims, 1148) ont été frappés par des conciles provinciaux.

Les papes ont reconnu ce droit de juger en demandant seulement qu’on leur fît une relalio de la cause (Innocent I er, Epist., ii, ad Viclricium Rothomagensem ; xxiv, ad concil. Carthaginense), en renvoyant ces causes au tribunal des évêques (Sirice dans la cause de Bonose, Alexandre III dans celle de Pierre Lombard) ou en adoptant leur sentence (Boniface II au concile d’Orange de 529).

Enfin, même quand une décision romaine a devancé le jugement épiscopal, les évêques prononcent sur la cause en vertu de leur droit propre. C’est une prérogative que saint Léon leur reconnaît à l’occasion du concile de Chalcédoine et voici le commentaire de Tournély : « Ce que saint Léon avait défini (contre les erreurs d’Eutychès), le pape l’avoue lui-même, a été de nouveau discuté et approuvé par le jugement de toute la fraternité, c’est-à-dire de toute l'Église réunie en concile, et le pape déclare ce jugement