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GALILEE

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aslronomiques (nous parlerons tout à l’heure du système copernicien en particulier).

Galilée lui-même, dont le champ de travail se trouvait circonscrit, continua le cours de ses recherches. En 1637, il découvre la libration de la lune ; en 1038, il publie son grand ouvrage intitulé : Discorsi e dimonslrazioni malemaliche intorno due nove scienze allenenli alla mecanicae ai movimenli locali, qu’il appelait « le recueil des études de toute sa vie. » Alberi, Le opère, t. viii, p. 70. Il réunit autour de lui un groupe considérable de savants, auxquels il imprime une direction fidèlement suivie et qui rendent à la science des services signalés. Parmi ses disciples se trouvait, depuis 1641, le célèbre Torricelli, l’inventeur du baromètre. « A Bologne, ville pontificale, brillaient deux mathématiciens de mérite, Rieci et Montalbani ; le P. Riccioli, jésuite, l’auteur de V Almagestum ; le P. Grimaldi, aussi jésuite, qui découvrit la diffraction de la lumière ; Cassini, qui venait de quitter Rome et devait plus tard illustrer l’observatoire de Paris ; Castelli, Davisi et une foule d’autres savants observateurs moins connus. Dans cette même ville, Mezzavacca publiait ses Éphémérides aslronomiques et ses études sur les astres disparus. « A Rome, Cassini découvrait les satellites de Saturne ; Magalatti étudiait les comètes, et le P. Plati faisait ses remarquables observations sur les éclipses de soleil ; les PP. Kircher, Fabri et Gottignies portaient très haut la renommée du Collège romain. Campani et Divini construisaient des télescopes réputés dans tout l’univers et dont Cassini se servait pour ses découvertes. A l’Académie des Lincei, qui avait si bien mérité de la science et de la religion, et qui avait disparu, en 1630, avec son fondateur, le prince Cesi, l’ami de Galilée, succédèrent l’Académie physico-mathématique de Ciampini, l’Académie beaucoup plus célèbre de la reine Christine et celle des « Curieux de la nature » . Jaugey, Le procès de Galilée et la théologie, p. 111-113.

Il serait facile d’allonger la liste des savants qui illustrèrent vers le même temps la chrétienté. Cf. H. de l'Épinoir, , La question de Galilée, Paris, 1878, p. 272300 ; Grisar, Galileisludien, p. 337-356. Nous n’avons cité que ceux qui travaillaient dans le rayon où l'Église romaine exerçait plus particulièrement son inlluence afin de faire voir que la prétendue hostilité de cette Église contre la science est un mythe.

Ce qui est vrai, c’est que la sentence portée par les Congrégations romaines contre la théorie du mouvement de la terre arrêta ou du moins gêna pour quelque temps les recherches destinées à élever jusqu'à la hauteur d’une certitude scientifique l’hypothèse copernicienne. Descartes (nous ne citerons qu’un savant de premier ordre) suspendit sur ce point ses travaux et les dirigea dans un autre sens. Œuvres, t. v, p. 550 ; cf. t. i, p. 288, 324, 518.

Faut-il, pour excuser les Congrégations romaines, rejeter, comme on l’a fait, sur les protestants une partie de la responsabilité de ce ralentissement ou de cet arrêt des recherches scientifiques ? A coup sûr, certains chefs du protestantisme, et des plus illustres, étaient aussi hostiles que la grande majorité des théologiens catholiques à la théorie copernicienne. Luther voyait dans l’opinion du savant chanoine de Frauenburg une idée de fou, qui brouille toute l’astronomie ; et Mélanchthon déclarait qu’un tel système était une fantasmagorie et le renversement des sciences. On sait que l’astronome protestant Kepler dut quitter le Wurtemberg, sa patrie, à cause de ses opinions coperniciennes. En 1659, le surintendant général de Wittemberg, Calovius, proclamait hautement que la raison devait se taire

quand l'Écriture avait parlé, et constatait avec joie que les théologiens de sa confession, jusqu’au dernier, rejetaient la doctrine du mouvement de la terre. Ces sentiments étaient encore répandus parmi les docteurs luthériens au xviii c siècle. En 1744, le pasteur KohlreifF, curé de Ratzeburg, prêchait résolument que la théorie copernicienne était une abominable invention du diable. Cf., sur ces divers points, Grisar, Galileisludien, p. 124, 283-288 ; Descartes, Lettre à Mersenne, décembre 1010, Œuvres, t. iii, p. 258.

De telles appréciations ne pouvaient manquer d’influencer les penseurs protestants. Mais l’aire de cette influence était très limitée. Si l’on en croit le cardinal Hohenzollern, l’Allemagne luthérienne aurait, en général, accueilli favorablement l’opinion de Copernic. Zoller… mi disse aver parlalo con Noslro Signore in matcriadel Copernico, e corne gli ereticisono tutti délia suaopinionee l’hanno per cerlissima. Lettre de Galilée à Cesi (8 juin 1624), dans Favaro, Le opère, t. xiii, p. 182. Gassendi écrivait de Hollande, en juillet 1629, après avoir vu les savants du pays : « Au reste, tous ces gens-là sont pour le mouvement de la terre. » Lettres de Peircsc, t. iv, p. 202. Et cela se comprend, le libre examen, qui était la règle de foi des hérétiques, leur donnait, en matière d’exégèse et de théologie, une latitude que ne possédaient pas les catholiques. Pendant que ceux-ci étaient obligés de soumettre leur intelligence à la décision des Congrégations romaines, il était loisible aux luthériens de s’en rapporter uniquement à leurs propres lumières sur les points que Luther lui-même aurait eu la prétention de définir. Si donc l’hostilité des chefs protestants contre la théorie copernicienne contribua à ralentir le mouvement des études astronomiques, ce ne fut sûrement que dans une très faible mesure.

Autant que l’on peut constater ce ralentissement, il convient d’en faire remonter la responsabilité à peu près entière aux tribunaux de l'Église romaine. Sans doute cet arrêt fut presque insignifiant. Après 1016, Galilée continua, nous l’avons vii, de développer la théorie copernicienne. Si, après 1633, il cessa par obéissance d’en poursuivre la démonstration, d’autres reprirent son œuvre où il l’avait laissée et finirent par donner à l’hypothèse du mouvement de la terre les caractères d’une certitude scientifique. Mais ce travail s’accomplit en violation de la sentence prononcée par l’Index et le Saint-Office. Il ne tint pas à ces tribunaux que la démonstration en restât au point où elle était en 1616. C’est malgré eux que l’opinion qu’ils avaient déclarée hérétique s’est transformée en vérité scientifique.

Il est vrai que la note d’hérésie qu’ils avaient attachée au système copernicien ne fut pas longtemps prise au sens strict. Et l’interprétation que l’on donna à leur décision s'élargit de manière à laisser le champ libre aux chercheurs. Vers 1685, le P. Kochansky, dont l’orthodoxie n'était suspectée par personne, s’exprime en ce sens. Après avoir fait observer que les arguments des coperniciens établissent seulement une probabilité en faveur de leur opinion et, par conséquent, n’obligent pas à abandonner l’interprétation habituelle des passages de l'Écriture, le savant polonais continue : « Il sera permis et même nécessaire de l’abandonner alors seulement qu’une démonstration physico-mathématique incontestable du mouvement de la terre aura été trouvée ; et cette démonstration chacun est libre de la chercher. » Acta crudilorum, juillet 1685. Nous sommes loin de l’intransigeance d’Urbain VIII et des cardinaux qui interdisaient expressément à Galilée de s’occuper de la question, « à quelque titre et sous quelque forme que ce fût. » Von Gebler, Die Acten, p. 112 ; ras. du procès, fol. 451.

En réalité, la défense du pape et des Congrégations