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GALILÉE


dans un cas que dans l’autre. C’est la remarque du D r Funk, Zur Galilei-Frage, loc. ci !., p. 475.

Mais il fallait, dit-on, prévenir le scandale des faibles.

Les faibles dont on parle, c’est avant tout le peuple chrétien, ce sont aussi les théologiens inféodés au système d’Aristote et de Ptolémée.

Le peuple n’a guère d’opinion arrêtée en matière d’exégèse, et, bien qu’il tienne ferme à ce qu’il a cru dès l’enfance, il laisse volontiers les savants débattre entre eux les questions controversées. Pour le dogme, il s’en rapporte avec raison à l’autorité de l'Église. Si l'Église ne s'était pas prononcée sur la théorie copernicienne, il n’est pas vraisemblable qu’il se fût ému ou scandalisé de son silence. Les générations suivantes, élevées dans l’idée que le mouvement de la terre pouvait fort bien se concilier avec les textes scripturaires, auraient plus ou moins lentement abandonné l’opinion de Ptolémée.

Les théologiens avaient besoin, ce semble, de plus de ménagement. Il leur fallait faire le sacrifice d’une théorie qu’ils regardaient comme sûre et presque de foi. Un pareil acte de renoncement était dur à leur raison. Mais comme ils se réclamaient bruyamment de l’autorité de l'Église, ils eussent eu mauvaise grâce à se scandaliser, si l'Église se fût prononcée contre eux, ou si seulement elle eût refusé de prendre une décision. Dans cette dernière hypothèse, on peut même s'étonner qu’ils se fussent révoltés, car on ne leur imposait pas le sacrifice de leurs théories ; on leur demandait seulement de supporter que d’autres eussent, aussi sincèrement qu’eux, en matière scientifique, une conviction contraire à leur conviction.

Quand on parle de sacrifice auquel eussent été réduits les partisans du système de Ptolémée, on oublie trop que les partisans de la théorie copernicienne étaient condamnés, en vertu de la sentence des tribunaux romains, à faire un sacrifice autrement grave. A ceux-ci on ne demandait pas seulement de tolérer l’opinion de leurs adversaires : on exigeait d’eux qu’ils renonçassent de cœur et d’intelligence à la leur propre. Ils étaient donc plus que les autres en danger, pour ne pas dire en droit, de se scandaliser.

Prétendra-t-on qu’ils ne pouvaient raisonnablement alléguer leur conviction scientifique, parce qu’ils n’avaient pas la preuve absolument péremptoire que le système auquel ils étaient attachés fût vrai ? L’argument se retourne contre leurs antagonistes. Ceux-ci, non plus, n’avaient pas (et pour cause) la preuve décisive que la théorie de Ptolémée fût conforme a la réalité des phénomènes. Si donc, à égalité de convictions personnelles, il fallait contraindre les uns OU 1rs autres à faire le sacrifice de leur opinion, il était juste « jut cette obligation tombât, non sur les coperniciens qui avaient l’avantage de tenir la vérité, mais sur leurs contradicteurs dont la théorie devait être finalement reconnue erronée.

En vain Insinuera-t-on que la conviction des coperniciens ne pouvait être profonde. Le contraire est oup plus vraisemblable. Souvenons-nous que Galilée lui-môme, malgré la sincérité de son abjuration, eut des accès « le révolte, évidemment provoqués en partie p ; ir la force des raisons scientifiques qui justifiaient m ses eux la théorie copernicienne. Les h ument s qui l’avaient convaincu, renforcés de jour en jour par des recherches et clés découvertes nouvelles, ne pouvaient manquer d’influencer, de h er en quelque sorteles savants cpii voulaient

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égard typique. L’auteur du Monde se livre à la torture pour accorder la théorie du mouvement de la terre avec la décision de Rome. Œuvres, t. v, p. 5.30. Pour suivre la pensée de Descartes sur cette question, lire ibid., t. i, p. 270, 280-281, 303, 321-324, 418, 578 ; t. ii, p. 546-553 ; t. iii, p. 258, 349-350, 487 ; t. v, p. 544-550. C’est dans cette lutte douloureuse cjuc résidait pour les faibles le danger d’un véritable scandale. Il ne cessa que le jour où l'Église se décida à rapporter le décret de 4616 et la sentence de 1633.

Et encore ne saurait-on dire en toute vérité que le danger ait dès lors entièrement disparu. Le souvenir de la condamnation de Galilée, avec ses suites, pèse toujours comme un cauchemar sur nombre d’intelligences contemporaines. Sans parler des hommes de parti qui saisissent avidement dans l’histoire cette erreur de l’autorité ecclésiastique pour s’en faire, contre loute justice, une arme avec laquelle ils essaient de battre en brèche l’infaillibilité de l'Église enseignante, combien d’esprits faibles restent frappés de la faute commise par l’Index et le Saint-Office, et n’arrivent pas, ou n’arrivent que difficilement, à surmonter la défiance que leur inspirent les jugements de ces tribunaux I Certes, pour une erreur commise, il ne convient pas de tenir éternellement en suspicion la prudence bien connue des Congrégations romaines. Mais malgré tout, les « gens de peu de foi » dont parle l'Évangile — et ils sont nombreux — craignent comme instinctivement que ce qui est arrivé une fois ne se renouvelle. Et cette frayeur, cette tentation de doute, cpi’on le veuille ou non, est une conséquence lointaine et durable de la condamnation de Galilée.

IX. Conséquences historiques et scientifiques de la condamnation de Galilée. — Les conséquences historiques et scientifiques de la condamnation de Galilée ne furent pas très graves. Il nous reste à les préciser.

D’après certains ennemis de l'Église, la sentence de 1616 et 1633 aurait arrêté non seulement les recherches propres à achever la démonstration du système copernicien, mais encore le progrès des sciences mathématiques et astronomiques en général ; et il faudrait voir là le fruit de l’hostilité marquée des théologiens et des Congrégations romaines contre la science.

Que l'Église soit systématiquement hostile au progrès des sciences, c’est une légende odieuse que nous ne nous attarderons pas a réfuter. Il nous sullira de remarquer que, dans la condamnai ion de Galilée, ce ne sont pas seulement les représentants du dogme, mais encore les représentants de la science, qui sont responsables de l’erreur commise. C’est au nom de la science (d’une fausse science, si l’on veut, mais d’une science estimée incontestablement vraie) que les partisans d’Aristote et de Ptolémée demandaient la censure des théories copemiciennes. Les juges de 1616 el de 1633 ne se défièrent pas de ce piège. I K flétrirent les propositions de Galilée tout ; i la fois comme scientifiquement fausses et dogmatiquement hérétiques, et leur conviction scientifique Influença sûrement leur conviction dogmatique, s’ils n’avaient été persuadés que le système d’Aristote et de Ptolémée représentait

la sciencevraie, ils aillaient été plus réservés dans leur sentence, peut être même n’auralent-ils pas osé i.i porter. Leur grand tort n’est donc pas de n’avoir

pas cru a la science, mais d’y avoir accordé, au contraire, une trop grande confiance. Qu’on leur reproche

d’avoir inféodé la doctrine catholique à nu système

- iciilihqiic..i la lionne heure 1 Mais il serait 80UV6 rainement Injuste de prétendre qu’Us aient par là

VOUlU arrêter le progrès des sciences.

Aussi bien, toui prouve que la sentence des Coi

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mouvement général des études mathématiques et

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