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GALILEE
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fut pour son cœur de père un coup extrêmement douloureux. Les lettres qu’il écrivit vers cette époque se ressentent de sa tristesse aigrie. Alberi, Le opère, t. x, p. 35 ; t. vii, p. 46. Bientôt il devint « totalement aveugle » , nous dit l’inquisiteur de Florence. Alberi, Le opère, t. x, p. 281. A cette nouvelle, Urbain VIII n’hésita plus à lui accorder la permission de quitter Arcetri pour la capitale de la Toscane. On lui rappela seulement qu’il restait sous l’obligation de ne recevoir aucune personne suspecte et de « ne jamais traiter du mouvement de la terre. » Von Gebler, Die Acten, p. 179 ; ms. du procès, fol. 555. Cf. Alberi, Le opère, t. x, p. 285, 287, 290.

Cette défense ne l’empêcha pas de publier à Leyde, en 1638, son livre : Dialoghi délie nuove scienze, dédié au comte de Noailles. Il continua de s’occuper de questions mathématiques avec ses amis, le P. Castelli, Buonamici, Viviani, Torricelli, etc. Mais ses jours étaient comptés. Le 8 janvier 1642, il s'éteignit, âgé de soixante-dix-sept ans, dix mois et vingt jours, après avoir reçu, sur son lit de mort, la bénédiction du souverain pontife.

Son corps fut inhumé dans une chapelle attenant à la basilique de Santa Croce. Ses amis auraient voulu lui dresser un monument dans l'église même. Urbain VIII s’y opposa, en disant : « Il ne serait pas d’un bon exemple que le grand-duc élevât un monument à un homme condamné par le SaintOffice pour une opinion si fausse et si erronée, qui a séduit tant d’intelligences et causé à la chrétienté un grand scandale. » Alberi, Le opère, t. xv, p. 403405. Quatre-vingt-douze ans plus tard, Rome finit par se relâcher de ses rigueurs. Cf. von Gebler, Die Acten, p. 184 ; ms. du procès, fol. 561. En 1734 (la déclaration du Saint-Office est du 16 juin), les cendres de Galilée furent transportées dans l'église Santa Croce et déposées dans un tombeau élevé en son honneur avec cette inscription :

GALILEUS GALILEIS GEOMETRLE ASTRONOMIE PHILOSOPHI/E MAXIMUS RESTITUTOR NULLI jETATIS SU/E COMPARANDUS

VIL Portée dogmatique de la condamnation de Galilée. — La condamnation, qui frappa Galilée en 1616 et en 1633, atteignait à la fois sa doctrine et sa personne. Quelle sorte de flétrissure ses juges ontils attachée à la théorie dont il s’est fait le champion ? L’ont-ils taxée d’hérésie ou l’ont-ils marquée d’une note moins infamante ? Cela vaut la peine d'être examiné.

Le texte du jugement des théologiens qualificateurs, dans le procès de 1616, porte, nous l’avons dit, que la première proposition incriminée « est absurde en philosophie et formellement hérétique parce qu’elle contredit expressément les sentences de la sainte Écriture, » formaliter hsereticam, qualenus contradicit. Remarquons le terme : quatenus ; la proposition est hérétique, parée que ou en tant que elle est en contradiction avec l'Écriture : ce ne sont pas les mots : contradicit sententiis Scripluræ, qui forment la censure, mais le mot hsereticam ; « être en contradiction avec l'Écriture » est simplement le motif de la note « hérétique » . On pourrait même en conclure que toute proposition, par cela même qu’elle est contraire à l'Écriture, quatenus contradicit, est nécessairement « hérétique » . Aussi n’est-il guère vraisemblable que les juges du Saint-Office, dans la séance du 25 février 1616, l’aient entendu autrement. Xous ne possédons malheureusement pas de compte rendu détaillé de cette séance. Les pièces du procès n’en fournissent qu’un procès-verbal assez bref : « Le cardinal Millin,

y lisons-nous, a notifié à l’assesseur et au commissaire du Saint-Office que, vu la censure des Pères théologiens sur les propositions de Galilée touchant le mouvement de la terre… le Saint-Père a ordonné au cardinal Bellarmin… » Quod relata censura PP. theologorum… Sanclissimus ordinavit. Von Gebler, Die Acten, p. 48 ; ms. du procès, fol. 378. Il n’est pas dit expressément que la S. C. du Saint-Office a adopté et ratifié le jugement des théologiens. Mais cela semble résulter du texte, puisque le Saint-Père n’est censé agir que conformément à leur censure, relata censura. Si les juges du Saint-Office avaient fait quelque objection à la note des qualificateurs, si surtout ils avaient entrepris de la modifier, il n’est pas vraisemblable que le procès-verbal n’eût pas conservé trace de leur avis ; la chose était de trop d’importance pour que le secrétaire eût oublié de la signaler ou l’eût volontairement passée sous silence. On peut donc considérer comme historiquement certain que le Saint-Office a considéré en 1616 la note d’hérésie comme applicable à la doctrine copernicienne.

La S. C. de l’Index n’a pas agi différemment dans sa séance du 5 mars suivant. Elle ne s’est pas servi non plus du mot « hérétique » pour qualifier la théorie de Copernic. Encore peut-on se demander si les termes : varias hæreses alque errores, qu’on lit dans la première partie de son décret, von Gebler, Die Acten, p. 30 ; ms. du procès, fol. 380, ne s’appliquent pas également à la seconde. En tout cas, ce qui est hors de conteste, c’est que, dans cette seconde partie, les membres de la Congrégation déclarent » la doctrine pythagoricienne (lisez la doctrine copernicienne) fausse et tout à fait contraire à la sainte Écriture. » Que faut-il de plus pour faire entendre que cette doctrine est « hérétique » ? On comprend que le mot n’ait pas été prononcé par égard pour Galilée et parce qu’on voulait alors sauver son honneur, comme le prouvent son entretien avec Paul V et l’attestation que lui remit le cardinal Bellarmin. Mais l’on sait assez quelle était, dans la pensée des S. C. du Saint-Office et de l’Index, la portée de la -formule : Divinæ Scripturæ omnino adversantem : une doctrine « absolument contraire à l'Écriture » est une doctrine « hérétique » , et elle est formellement hérétique parce que ou dans la mesure où elle est en contradiction avec l'Écriture : formaliter hsereticam, quatenus contradicit sententiis Scripturse.

Le sentiment du Saint-Office et de l’Index touchant la doctrine copernicienne en 1616 est donc certain. Tout ce qu’on peut dire pour atténuer la portée du décret du 5 mars, c’est que le mot « hérétique » ne s’y trouve pas. Et comme, en matière juridique, les sentences doivent être prises dans le sens le moins odieux, odiosa sunt rcslringenda, les partisans du système copernicien ne pouvaient être, même après le décret, poursuivis comme « hérétiques » devant les tribunaux.

La note d’hérésie apparaît plus explicitement dans la condamnation de 1633. En tête de la sentence, les juges de Galilée prennent soin de rappeler le jugement porté par les théologiens du Saint-Office en 1616 : Che il sole sia cenlro del mondo ed immobile di moto locale c proposizione assurdae falsa in filosofta, e formalmente erelica per essere expressamenle contraria alla sacra Scrittura. Cette citation textuelle montre l’importance que la Congrégation attachait au sentiment des théologiens. Un mot seulement y a été changé : per essere au lieu de qualenus : et ce mot renforce, s’il est possible, la corrélation que le tribunal veut établir entre une proposition « contraire à la sainte Écriture » et la note d' « hérésie » . Il n’y a donc pas lieu de s'étonner que les juges de 1633 n’aient pas introduit expressément le terme « ^hérétique >