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GALILEE


parlement du fiscal de l’Inquisition, appartement qui se composait de trois belles pièces. Alberi, Le opère, t. ix, p. 437. Il y habitait avec son domestique, et l’ambassadeur du grand-duc, ainsi que l’ambassadrice, continuèrent de lui procurer toutes ses aises, ibid., t. vii, p. 29 ; c’est lui-même qui nous l’atteste. Il passa en tout, dans ce logement, entre le 12 avril et le 22 juin, vingt-deux jours. Sa santé n’eut pas à en souffrir ; là-dessus encore nous possédons son témoignage. Ibid.

11 lui fallut subir quatre interrogatoires ; le premier eut lieu le 12 avrii, von Gebler, Die Aclen, p. 74 ; ms. du procès, fol. 413 ; le dernier le 21 juin. Nous ne pouvons que les résumer ici ; ils roulent sur trois points : 1° Galilée a trahi l’engagement qu’il avait pris d’abandonner complètement la doctrine de Copernic et de ne plus l’enseigner en aucune manière ; 2° non seulement il a repris cette théorie, mais encore, au lieu de la traiter d’une manière hypothétique, il en affirme la valeur scientifique, c’est la question du dicium ou faclum heereiicale ; 3° comme cette théorie était condamnée par le Saint-Office, l’auteur du Dialogo l’avait-il, malgré tout, tenue pour vraie et y avait-il adhéré dans son for intérieur ? C’est la question de Yinienlio.

Sur le premier point, il s’agissait simplement de dissiper un malentendu. On se rappelle que, le 25 février 1616, le tribunal de l’Inquisition avait ordonné à Galilée, ut omnino abslineat hujusmodi doctrinam et opinionem docere ont defendere seu de ea iractare. Le lendemain, la décision était précisée en ces termes : Ncc eam (opinionem) de cetera quovis modo teneat, doceat aut defendat, verbo aut scriplis. Von Gebler, Die Acten, p. 49 ; ms. du procès, fol. 378. Mais Galilée n’avait connu ces prescriptions que par Bellarmin, qui s'était borné à déclarer qu’il n'était pas permis « de défendre et de tenir l’opinion de Copernic. » Au fond, ces formules expriment la même idée. Cf. Vacandard, La condamnation de Galilée, dans Études de critique et d’histoire religieuse, l re série, 4e édit., Paris, 1909, p. 313-317. Mais les juges de 1633 n’acceptèrent pas cette équivalence et reprochèrent expressément à Galilée de n’avoir pas tenu compte des mots quovis modo dans la défense qui lui avait été faite d’enseigner la théorie copernicienne. Von Gebler, Die Acten, p. 79, 88 ; ms. du procès, fol. 416, 424. L’accusé se justifia en alléguant le texte de la lettre que lui avait adressée le cardinal Bellarmin. Les mots quovis modo ne s’y lisaient point. Or, l’auteur du Dialogo pouvait-il soupçonner que le cardinal n’eût pas reproduit exactement ou traduit fidèlement la pensée du Saint-Office ? En se conformant aux ordres de Bellarmin, l’accusé avait conscience de n’avoir pas trahi sa promesse, ni par conséquent violé le décret de 1616. Interrogatoires du 12 avril et du 10 mai, von Gebler, Die Acten, p. 77 sq., 88 sq. ; ms. du procès, fol. 415, 423.

Le second grief était plus difficile à écarter. Galilée commença par affirmer qu’il n’avait exposé dans son ouvrage la théorie copernicienne que sous une forme purement hypothétique. Mais ayant eu vent que les théologiens consulteurs, Augustin Oreggi, Melchior Inchofer, jésuite, et Zacharias Paschaligo, après examen du Dialogo, étaient d’avis que la thèse y était soutenue de façon absolue, de firma huic opinioni adhœsione vehemenler esse suspectum, dit Inchofer, von Gebler, Die Acten, p. 92 ; ms. du procès, fol. 443, l’accusé fut sans doute pris de peur et finit par s’avouer coupable. Von Gebler, Die Aclen, p. 83-84 ; ms. du procès, fol. 419-420. « En raison des accusations dont je suis l’objet, j’ai voulu, dit-il dans l’interrogatoire du 30 avril, relire mon livre afin de voir si, par inadvertance et contre mon intention, il ne me serait pas échappé certaines expressions qui auraient pu faire

croire, à un lecteur mal averti de ma pensée intime, que les arguments dirigés contre la thèse fausse que je me proposais de réfuter manquaient de force et étaient eux-mêmes facilement rôfutables. Et j’ai trouvé qu’en effet deux arguments favorisaient trop l’opinion copernicienne. C’est là une erreur de ma part, je le confesse. C’est l’effet d’une vaine ambition, d’une pure ignorance et d’une inadvertance. Si j’avais aujourd’hui à exposer les mêmes raisons, je les énerverais (nerverei) de telle sorte qu’elles ne pourraient plus avoir cette force, dont elfes sont d’ailleurs essentiellement et réellement dépourvues. » Von Gebler, Die Aclen, p. 85 ; ms. du procès, fol. 420-421. Après cette déclaration, qu’il répéta dans l’interrogatoire du 10 mai, von Gebler, Die Aclen ; ms. du procès, fol. 425 v°, Galilée s’apprêtait à sortir ; mais il revint sur ses pas et il ajouta : « Afin de bien prouver que je n’ai pas tenu et que je ne tiens pas pour vraie l’opinion condamnée de la mobilité de la terre et de l’immobilité du soleil, je suis tout disposé, si on m’en donnait la faculté et le temps, à continuer mes dialogues et à reprendre les arguments déjà présentés en faveur de cette opinion fausse et condamnée, pour les réfuter de la manière la plus efficace qu’il plaira à Dieu de m’enseigner. » Favaro, Galileoe V Inquizitione, p. 76-87.

Sur la portée.du Dialogo on avait donc son aveu : la doctrine en était réellement copernicienne. Restait la question de Yinienlio. Était-il bien vrai que Galilée n’y eût pas adhéré de cœur, comme il osait l’affirmer ? Dans une séance tenue, le 16 juin, par le SaintOffice, au palais du Quirinal, le Saint-Père décida de lui faire « subir un interrogatoire sur son intention, même avec menace de la torture ; s’il persistait (à nier son adhésion à la doctrine copernicienne), on le ferait abjurer en pleine séance de la Congrégation, et on le condamnerait à la prison, au gré du SaintOffice. On lui enjoindrait, en outre, de ne plus traiter désormais, de quelque manière que ce fût, ni pour ni contre, par écrit ou de vive voix, le sujet de la mobilité de la terre et de la stabilité du soleil, sous peine d'être relaps. » Le Dialogo serait prohibé. Et pour que ces décisions fussent portées à la connaissance de tous, le pape ordonna d’envoyer des exemplaires de la future sentence à tous les nonces apostoliques, à tous les inquisiteurs de l’hérésie et principalement à l’inquisiteur de Florence, qui devait la lire publiquement en pleine séance, après avoir convoqué la plupart des professeurs de mathématiques. Von Gebler, Die Aclen, p. 112 ; ms. du procès, fol. 451 v° ; Décréta, dans Favaro, Galileoe V Inquizitione, p. 20-21.

En conséquence de ces ordres, Galilée comparut une quatrième et dernière fois, le 21 juin, devant le SaintOffice. On lui demanda « s’il tenait et depuis combien de temps il tenait pour vrai que le soleil était le centre du monde et que la terre n'était pas le centre du monde, ou même se mouvait d’un mouvement diurne. « Avant la décision de la S. C. de l’Index, répondit-il, et avant qu’on m’intimât des ordres à ce sujet, j'étais indifférent et j’estimais que les opinions de Ptolémée et de Copernic étaient toutes deux soutenables, que l’une ou l’autre pouvait être vraie dans la nature. Mais après cette décision, convaincu de la prudence de mes supérieurs, toute ambiguïté cessa dans mon esprit, et j’ai tenu et je tiens encore pour très vraie et indubitable l’opinion de Ptolémée sur la stabilité de la terre et la mobilité du soleil. » On lui fit remarquer que son ouvrage témoignait d’un sentiment contraire. « Je le répète, depuis la décision de mes supérieurs, je n’ai jamais tenu intérieurement pour vraie l’opinion condamnée. » On insista et on lui déclara que, « s’il ne se décidait pas à avouer la vérité, on en viendrait contre lui aux moyens de droit et de fait qui seraient opportuns. » « Encore une fois, je ne soutiens pas, ni