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GALILEE


démonstration avant qu’elle m’ait été montrée ; et prouver qu’en supposant le soleil au centre du monde et la terre dans le ciel on sauve les apparences, n’est pas la même chose que de prouver qu’en réalité le sokil est au centre et la terre dans le ciel. Pour la première démonstration, je la crois possible ; mais, pour la seconde, j’en doute beaucoup, et dans le cas de doute on ne doit pas abandonner l’interprétation de l'Écriture donnée par les saints Pères. »

La conviction du cardinal Bellarmin est bien arrêtée. S’il suppose pour un moment que la théorie du mouvement de la terre peut être démontrée, c’est par manière de parler ; dans son for intérieur il reste persuadé, voire absolument sûr, que cette démonstration est impossible. Et il en appelle à Salomon, tout ensemble « écrivain inspiré et savant de premier ordre, » dit-il, pour prouver que le soleil tourne réellement autour de la terre : oritur sol, et occidil, e ! ad lorum suum rcverlitur. Eccle., i, 5. « D’ailleurs, ajoute-t-il, le témoignage de nos yeux n’est-il pas une garantie suflisante de cette vérité? Chacun sait par expérience que la terre est immobile et que l'œil ne se trompe pas quand il juge que le soleil se meut, pas plus qu’il ne se trompe quand il juge que la lune et les étoiles se meuvent, et cela suffit pour le moment. »

Si l’argumentation du cardinal est faible, il ne s’ensuit pas moins que Galilée pouvait échapper au Saint-Office pourvu qu’il renonçât à vouloir concilier sa doctrine avec l'Écriture. « Un point est éclaircf disait à ce propos, le 2 mai 1C15, Mgr Dini : On peut écrire comme mathématicien et sous forme d’hypothèse, comme a fait, dit-on, Copernic ; on peut écrire librement, pourvu qu’on n’entre pas dans la sacristie. » Alberi, Le opère, t. viii, p. 375.

Mais il était trop tard, Galilée était « entré dans la sacristie » et il n’allait plus pouvoir en sortir.

III. Le procès de 1616. — Dès le 5 février 1615, un théologien, le P. Lorini, dominicain, avait dénoncé la lettre de Galilée à Castelli. Cette dénonciation était secrète et adressée directement au cardinal Emile Sfondrate, alors préfet de la S. C. de l’Index. Le P. Lorini déclarait que, s’il faisait cette démarche, c'était par acquit de conscience. La lettre au P. Castelli lui paraissait faire courir un danger à la foi. îl y signalait des appréciations suspectes ou téméraires, telles que les suivantes : dire que certaines expressions de la sainte Écriture sont peu justes ; que, dans les discussions sur les effets naturels, l'Écriture tient le dernier rang ; que les docteurs de l'Église se trompent souvent dans leurs explications ; que l'Écriture ne doit pas être invoquée dans les articles ne concernant pas la foi ; que, dans les choses naturelles, l’argument philosophique ou astronomique a plus de force que l’argument sacré ou divin ; enfin que le commandement de Josué au soleil doit s’entendre comme fait non au soleil, mais au premier mobile. Toutes ces erreurs, disait Lorini, ne font-elles pas voir le danger que courrait l'Église, si on laissait ainsi le premier venu expliquer l'Écriture à sa façon, contrairement au sentiment des Pères et de saint Thomas, et fouler aux pieds toute la philosophie d’Aristole, qui est un si utile auxiliaire de la théologie scolastique ? Von Gebler, Die Aclen, p. lt ; manuscrit du procès, fol. 342 ; Favaro, Le opère, t. xix, p. 297 ; Galileoe l’Inquisizione, 1907, p. 37.

Le préfet de l’Index soumit le cas au tribunal de l’Inquisition qui chargea, selon l’usage, un consulteur d’examiner la lettre de Galilée. Le consulteur est loin d'être malveillant ou seulement défavorable. L’auteur, dit-il dans son rapport, emploie quelquefois des expressions mal sonnantes, qui sont d’ailleurs susceptibles d’une interprétation bénigne : « Quant au reste, s’il abuse des termes impropres, il ne s'écarte pas des

limites du langage catholique. » Favaro, Le opère, t. xix, p. 305.

La lettre à Castelli semblait donc n’offrir rien qui pût servir de base à une accusation devant le SaintOffice. Mais Galilée avait produit d’autres ouvrages, notamment une étude sur les Taches solaires qui avait ému également l’opinion publique. Cf., sur ce point, Mùller, Galileo Galilci, c. XII, xiii, p. 144-178. C’est par là qu’on trouva le moyen de l’atteindre. Le fameux P. Thomas Caccini, qui avait attaqué Galilée en chaire, était venu à Rome avec son confrère, le P. Lorini. Dans une conversation qu’il eut avec le cardinal Galamini, de l’ordre des dominicains, maître du sacré palais, il exprima le désir d'être entendu, pro exoncralione conscienliæ, dans l’affaire dont était saisi le Saint-Oflice.. Il fut mis, en effet, fin mars 1615, en présence du commissaire général Michel-Ange Seghizi (aussi un dominicain) dans la grande salle du palais de l’Inquisition. Là, après le serinent d’usage, il exposa les raisons pour lesquelles il s'était permis d’adresser, du haut de la chaire, mais d’ailleurs « en toute modestie, une affectueuse admonition » à Galilée et à ses disciples, qui, sous prétexte de suivre Copernic, portaient ouvertement atteinte à la sainte Écriture. Il attaqua ensuite nettement la doctrine contenue dans le livre sur les Taches solaires et déclara que le philosophe florentin avait des relations avec les bérétiques, notamment avec le fameux Sarpi de Venise (l’auteur bien connu de l’Histoire du concile de Trente), ce qui était de nature à inspirer le doute sur son orthodoxie. Favaro, Le opère, t. xix, p. 307.

Cependant l’affaire traîna en longueur. Galilée en eut vent, à ce qu’il semble. Il partit pour Rome, avec des lettres de recommandation du grand-duc à l’adresse du cardinal del Monte, du cardinal Scipion Borghèse et de François Orsini, Favaro, Le opère, t. xii, p. 203, qui s’entremirent, en effet, pour déjouer les calculs des anticorperniciens. Sûr de cet appui et confiant dans sa cause, Galilée écrivait le 20 février 1616 : « J’arriverai à dévoiler leurs fraudes ; je m’opposerai à eux, et j’empêcherai toute déclaration dont il pourrait résulter un scandale pour l'Église. » Alberi, Le opère, t. vi, p. 225.

Profonde était son illusion. Au moment où il écrivait ces lignes, son procès avait été engagé sur l’ordre du pape. Comme le cardinal Orsini parlait un joure : i faveur de Galilée devant Paul V, celui-ci lui répondit qu’il ferait bien de conseiller à son ami d’abandonner l’opinion de Copernic. Orsini insistant, le souverain pontife coupa court à l’entretien en disant que l’affaire était remise entre les mains des cardinaux du SaintOffice. Dès que le cardinal Orsini se fut retiré, le pape fit appeler le cardinal Bellarmin. Tous deux s’accordèrent à reconnaître que l’opinion soutenue par Galilée était « erronée et hérétique. » La bonne foi du savant astronome ne fut d’ailleurs pas mise en cause. Lettre de Pierre Guicciardini au grand-duc de Toscane, en date du 4 mars 1616, Alberi, Le opère, t. vi, p. 228 ; Favaro, Le opère, t. xii, p. 242.

Bien qu’il fût présent à Rome, Galilée ne fut cependant pas cité à comparaître devant le tribunal de l’Inquisition. Il s’ensuit que la procédure en cours ne se peut appeler qu’improprement le c procès de Galilée » . Ce procès ne fut pas, en clîet, vraiment personnel, ce fut un procès de doctrine, et la doctrine incriminée était aussi bien celle de Copernic que celle de Galilée.

Le 19 février 1616, tous les théologiens du SaintOflice avaient reçu une copie des propositions suivantes à censurer : « 1° que le soleil est le centredu monde et, par conséquent, immobile de mouvement local ; 2° que la terre n’est pas le centre du monde ni immobile, mais se meut sur elle-même tout entière par un