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sans doute ne lui fut plus sensible que celui de Kepler. Disscrtalio cum Nuntio sidereo nuper ad morloles misso a Gulileo Galilco, Kepler, Opéra omnia, édit. Frisch, t. ii, p. 490. Quelques savants jésuites, entre autres, le P. Clavius, qui avait collaboré à la réforme du calendrier grégorien, et le P. Griemberger, se rangèrent également à son opinion. Lettre de Galilée à Bélisaire Vinta, datée de Rome, 1 er avril 1611, dans Favaro, Le opère di Galileo, t. xi, p. 79.

Nommé mathématicien officiel du grand-duc de Toscane, Cosme II, Galilée séjourna habituellement à Florence. En mars 1611, 1e Collège romain lui accorda les honneurs académiques. Le P. Clavius et ses collègues l’applaudirent publiquement comme « l’un des plus célèbres et des plus heureux astronomes du temps. » Nuntius sidercus Collegii romani, dans Favaro, Le opère di Galileo, t. iii, p. 291-298. Nombre de cardinaux et de prélats lui firent un accueil des plus chaleureux, et le pape Paul V le reçut gracieusement en audience privée. Lettre de Galilée en date du 22 avril 1611, dans Favaro, loc. cit., t. xi, p. 89. Une lettre du cardinal del Monte au grand— duc de Florence témoigne de l’enthousiasme de ces manifestations. « Galilée, dit-il, a parfaitement convaincu tous les savants de Rome de la vérité de ses découvertes ; et si nous vivions encore au temps de l’antique République romaine, nul doute qu’en reconnaissance de ses œuvres on ne lui fît élever une statue au Capitole. » Favaro, Le opère di Galilei, t. xi, p. 119.

II. Première rencontre avec les théologiens. — Jusque-là Galilée s’était tenu sur le terrain purement scientifique. En adoptant le système de Copernic, il devait forcément, un peu plus tôt un peu plus tard, s’avancer sur le domaine de la théologie. Un ouvrage de Ludovico délie Colombe : Contro il moto délia terra, qui lui tomba entre les mains en 1611, Favaro, Le opère di Galilei, t. iii, p. 251-291, lui en fournit l’occasion. Colombo (comme l’appelle Galilée) apportait contre le système copernicien du mouvement de la terre des preuves tirées de l’Écriture sainte et de l’enseignement des théologiens. Le psalmiste n’avait-il pas dit : Qui fundasti lerram super stabilitalem suam, Ps. ciii, 5 ? Ne lit-on pas dans le 1. I er des I’aralipomènes, xvi, 43 : Ipse enim fundavit orbem immobilem ? ou encore dans l’Ecclésiastique, i, 4-6 : Oritur sol et occidit et ad locumsuum revertitur : ibique rcnascens gijrat per meridiem et fleclitur ad aquilonem ? Preuve que le soleil tourne autour de la terre et donc que la terre est le centre du monde. Que l’on ne chicane pas sur le sens de ces textes. Tous les Pères les ont interprétés à la lettre. Et Melchior Cano, Loci theotor /ici, 1. VIII, c. ni, n. 35, aussi bien que tous les commentateurs de la Somme de saint Thomas, posent ce principe : « Quiconque, dans l’interprétation de la sainte Écriture, propose une explication contraire au consentement unanime des saints Pères, agit témérairement. » Galilée lut ces pages et les annota. Colombo lui paraît un grossier personnage qui parle de choses qu’il ignore. Il s’en rapporte sur ce point au P. Clavius. Lettre du 27 mai 1611, dans Favaro, Le opère, t. xi, p. 117, et à Bellarmin. Ibid., p. 141. La question de l’Écriture sainte n’était cependant pas sans le préoccuper. Il interroge là-dessus son ami, e cardinal Conti, qui lui répond par une lettre en date du 7 juillet 1612, dans Favaro, Le opère, t. xi, p. 376 : « En ce qui concerne le mouvement de la terre, un mouvement progressif est à peine contraire à la sainte Écriture, comme l’a prouvé Lorin, In Acla aposlolorum commentaria, Lyon, 1605, p. 215 ; mais un mouvement de rotation qui impliquerait comme simple apparence la rotation diurne de la voûte céleste serait plus difficile à concilier avec la sainte Écriture. » Le cardinal ne voit pas ce que tout cela vient Caire

dans les questions scientifiques agitées, et il ajoute : « Dieu vous garde ! » Ibid., t. xi, p. 376.

A cette date, la question copernicienne troublait beaucoup d’esprits. Le 16 décembre 1611, Ludovico Cigoli mandait de Rome à Galilée qu’on avait dénoncé ses théories à l’archevêque de Florence comme suspectes. Favaro, Le opère, t. xi, p. 241. Le P. Nicolas Lorini, prédicateur de la cour grandducale, fut soupçonné d’avoir médit lui-même du savant astronome. Ibid., p. 427. Mais, ce qui était plus grave, la question copernicienne fut soulevée à la table même du grand-duc, en présence de la grandeduchesse Marie-Christine et du P. Castelli, bénédictin, élève de Galilée et professeur de mathématiques, à Pise : Castelli défendit les théories de son maître ; la grande-duchesse lui opposa les textes de l’Écriture mis alors en circulation par les partisans du système de Ptolémée. Ceci se passait le 12 décembre 1613. Cf. lettre de Castelli du 14 décembre, dans Favaro, Le opère, t. xi, p. 605-606. Avisé du fait par Castelli, Galilée lui adressa une lettre qu’il développa ensuite pour répondre aux scrupules de la grandeduchesse et où il entreprit de démontrer que sa théorie n’était aucunement en contradiction avec l’Écriture sainte bien comprise. En voici les principaux passages : « La sainte Écriture, dit-il, ne peut ni mentir, ni se tromper. La vérité de ses paroles est absolue et inattaquable. Mais ceux qui l’expliquent et l’interprètent peuvent se tromper de bien des manières, et l’on commettrait de funestes et nombreuses erreurs, si l’on voulait toujours s’en tenir au sens littéral des mots ; on aboutirait, en effet, à des contradictions grossières, à des erreurs, à des doctrines impies, puisqu’on serait forcé de dire que Dieu a des pieds, des mains, des yeux, etc. Dans les questions de sciences naturelles, l’Écriture sainte devrait occuper la dernière place. L’Écriture sainte et la nature viennent toutes les deux de la parole divine : l’une a été inspirée par l’Esprit-Saint, et l’autre exécute fidèlement les lois établies par Dieu. Mais, pendant que la Bible, s’accommodant à l’intelligence du commun des hommes, parle, en bien des cas et avec raison, d’après les apparences, et emploie des termes qui ne sont point destinés à exprimer la vérité absolue, la nature se conforme rigoureusement et invariablement aux lois qui lui ont été données ; on ne peut pas, en faisant appel à des textes de l’Écriture sainte, révoquer en doute un résultat manifeste acquis par de mûres observations ou par des preuves suffisantes. .. Le Saint-Esprit n’a point voulu (dans l’Écriture sainte) nous apprendre si le ciel est en mouvement ou immobile ; s’il a la forme de la sphère ou celle du disque : qui, de la terre ou du soleil, se meut ou reste en repos… Puisque l’Esprit-Saint a omis à dessein de nous instruire des choses de ce genre parce que cela ne convenait point à son but, qui est le salut de nos âmes, comment peut-on maintenant prétendre qu’il est nécessaire de soutenir en ces matières telle ou telle opinion, que l’une est de foi et l’autre une erreur ? Une opinion qui ne concerne pas le salut de l’âme peut-elle être hérétique ? Peut-on dire que le Saint-Esprit ait voulu nous enseigner quelque chose qui ne concerne pas le salut de l’âme ? » Spiritual Dei noluissc ista docere homines, nulli ad salulem pro/utura. S. Augustin, De Genesi ad litleram, 1. II, c. ix, n. 20, P. L., t. xxxiv, col. 270. Lettre au P. Castelli, 21 décembre 1613, dans Favaro, Le opère, t. v, p. 279288. « Le cardinal Baronius avait coutume de dire que Dieu n’avait pas voulu nous enseigner comment le ciel va, mais comment on va au ciel. » Lettre à la grande-duchesse de Toscane, dans Favaro, Le opère, t. v, p. 307-348. Les théologiens admettent aujourd’hui la doctrine de Galilée. C. Pesch, De inspiratione