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GALATES (ÉPITRE AUX)


même sous l’Ancien Testament, la véritable justice ne s’obtenait que par le moyen de la foi, 11 12. Le testament irrévocable par lequel Dieu constituait Abraham et sa postérité spirituelle, c’est-à-dire les chrétiens (et semini tuo, qui est Clirislus), héritiers des biens messianiques, est un don gracieux, une promesse toute gratuite, émanant de la libéralité divine et ne demandant en échange que la foi. Il en est de même de la justice, condition nécessaire pour entrer en possession de l’héritage. Ce testament, ratifié par Dieu — et il en est d’ailleurs ainsi d’un testament humain en bonne et due forme — n’a pu être annulé, ni modifié d’aucune façon par la loi donnée quatre cent et trente ans plus tard. Les conditions par lesquelles on arrive à la possession de l’héritage sont donc restées exactement les mêmes après comme avant la promulgation de la loi. Or elles auraient été complètement transformées, si l’héritage, et par conséquent aussi la justice, procédait de la loi. Il y a incompatibilité entre la loi et la promesse : si la justice provient de la loi, elle est le salaire des œuvres, elle n’est plus l’accomplissement de la promesse gracieuse de Dieu, 15-18.

e) Rôle historique de la loi, ni, 19-iv, 31. — La loi n’est donc pas l’économie véritable de la justification et du salut ; elle n’est même pas une clause modifiant les conditions requises pour jouir des biens dévolus par le testament primitif : la donation est et reste absolument gratuite. Pourquoi donc la loi, se demande très justement saint Paul, iii, 19 ? Avant de décrire à la suite de l’apôtre le rôle positif de la loi, examinons avec lui les titres de supériorité de la promesse sur la loi. La promesse, c’est-à-dire, au sens messianique, l’ensemble des bénédictions garanties par Dieu au père des croyants et à sa race, est un testament divin, absolu, immuable, éternel. La loi, disposée et transmise par les anges, Gal., iii, 19 ; Act., vii, 38, 53 ; Heb., ii, 2 ; Deut. dans les Septante, xxxiii, 2, a été apposée (-poaEtéOr, ) quatre cent et trente ans plus tard (Exod., xii, 40, dans la version des Septante), pour un temps provisoire (aypt ; av k’ÀOr] tô ir.ép).ci.). La promesse est une donation en faveur d’Abraham, où Dieu seul intervient et qui, par conséquent, ne dépend que de lui. La loi est une alliance, un contrat bilatéral où interviennent deux parties contractantes, Dieu et le peuple, car elle a été promulguée par un médiateur (Moïse) ; or le médiateur n’est pas médiateur d’un seul, mais de deux parties contractantes, qui, tout en s’unissant momentanément, peuvent d’autres fois se contredire. La promesse a donc des conditions de stabilité qui manquent à la loi (ni, 20, ô 8è (isaiTr, ; évoç oùx ëaiiv, ô Bè Osôçe ! ç ètrriv ; nous avons donné l’explication la plus communément admise de ce verset difficile, qui, en 1821, avait déjà reçu plus de 430 interprétations différentes).

Inférieure à tant de titres à la promesse, la loi n’est cependant pas en contradiction avec elle. L’opposition ne naît que du moment où l’on veut envisager la loi comme un moyen apte par lui-même à procurer la justice et la vie, ni, 21. En réalité, elle trouve sa place dans l’économie de la promesse, et toute sa raison d’être est d’en préparer l’accomplissement. La loi a été surajoutée, en vue des transgressions, xiôv —apaSâastov yâpiv, 19, non pour les diminuer, les réprimer ou les punir, comme on le dit souvent, mais pour les faire naître, les multiplier et les aggraver ; c’est l’enseignement constant de saint Paul, qui appelle la loi une force active au service du péché, I Cor., xv, 56, et dit en propres termes qu’elle s’est introduite subrepticement derrière le péché afin de multiplier les chutes. Rom., v, 20. C’est de cette façon que la loi a servi de préparation négative à la réalisation de la promesse. En manifestant à l’homme son impuissance, en lui

rendant son péché conscient, en lui mettant devant les jeux les châtiments qui l’attendent, elle le dispose à recevoir son salut de la foi en la promesse miséricordieuse de Dieu.

C’est dans ce sens aussi qu’il faut comprendre la pédagogie de la loi. Le pédagogue antique avait avant tout pour mission de maintenir son pupille sous une étroite surveillance et dans une complète dépendance et non de faire positivement son éducation. Ainsi en était-il de la loi : « Elle devint notre pédagogue vers le Christ, afin que nous soyons justifiés par la foi, » iii, 24 ; avant que vînt la foi, nous étions gardés prisonniers sous la loi, étroitement enfermés pour être livrés à la foi qui devait être manifestée, iii, 23. La contrainte imposée par la loi, dont saint Paul parle ici, n’est pas celle d’un frein salutaire opposé par Dieu au déchaînement des passions (Reuss), ni celle d’une séparation forcée d’avec la conception du monde païen (Zahn), ni celle d’une soumission coûte que coûte au monothéisme et d’une reconnaissance anticipée du libérateur par les prophéties de plus en plus claires que la loi contenait (Prat) : toutes ces fonctions peuvent être attribuées à la loi, elles ne sont pas envisagées ici. La prison dans laquelle la loi nous gardait, l’étroite servitude où elle nous maintenait, n’est autre que celle du péché, comme le prouve le rapprochement des versets 19, 22 et 23. Saint Paul formule ces deux propositions comme absolument parallèles : « L’Écriture a tout enfermé sous le péché afin que la promesse se réalise parla foi, » iii, 22, et « nous étions enfermés dans la prison de la loi en vue de la foi qui devait être manifestée, » iii, 23. La pédagogie de la loi consistait donc à maintenir l’homme sous la dépendance du péché, afin que sa justification ne relève que de la foi, m, 24.

La doctrine de saint Paul sur la loi a paru dure à beaucoup d’exégètes, et en plusieurs points contradictoire. Pour nous en tenir à l’Épître aux Galates, comment saint Paul, qui ne doute certainement pas de l’origine divine de la loi, peut-il dire qu’elle a été surajoutée pour augmenter les transgressions ? Et comment concilier cette fin de la loi, avec la promesse du Lévitique rapportée un peu plus haut, iii, 12 : Qui feccril ea, vivel in Mis ? Il est certain, cependant, que les enseignements de l’apôtre n’ont rien d’effrayant, rien de contradictoire, mais pour en saisir exactement la portée, il est nécessaire de les éclairer par les aperçus plus complets de l’Épître aux Romains. Nous croyons les interpréter fidèlement en raisonnant de la façon suivante : la loi d’elle-même tend à la vie ; manifestation de la volonté de Dieu, indiquant le bien à accomplir par l’homme pour qu’il se trouve dans sa situation normale vis-à-vis de Dieu, elle est d’ellemême un instrument de justice et de vie. Proposée à un homme qui pourrait l’accomplir, ce qui se serait vérifié sans doute si le péché n’était entré dans le monde par Adam, elle augmenterait certainement en lui la justice et la vie ; et même après la chute, si son observation était possible encore, elle conduirait àlajustification. C’est à ce point que s’arrêtaient les pharisiens ; ils croyaient encore à la possibilité d’une observation de la loi suffisante pour le salut. Pour saint Paul, cette observation est impossible à cause du péché, et ainsi la loi, au lieu de produire la justice, amène les transgressions, car elle instruit l’homme de ses devoirs sans remédier à sa faiblesse (per legem cognitio peccali, Rom., iii, 29). Prévoyant ces effets de la loi, Dieu prévoyait en même temps le parti qu’il en tirerait : réveiller la conscience, humilier le pécheur, le convaincre de son impuissance, lui faire désirer le secours divin. En raison de ces résultats, il a permis les fautes, et du mal dont il n’est pas la cause, il a fait sortir le bien. Mais quand Dieu permet les transgressions dans