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CALATES (É PITRE AUX)

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représentent inauguré par un grand jugement. Chez les juifs, qui croyaient pouvoir réaliser eux-mêmes la justice requise, ce sens de l’expression « justification devant Dieu » devait être fréquent. « Le plus souvent, au moins dans l’Ancien Testament, la part de Dieu dans la justification du pécheur est exprimée par la grâce et la miséricorde, et quand le juste, innocent ou repentant, est amené au tribunal du souverain juge, la justification n’est qu’une sentence favorable ou une ordonnance de non-lieu. » Pral, op. cit., t. i, p. 231. « Nous admettons sans balancer, dit encore le même auteur, t. 11, p. 351, que la justification de l’homme éveille d’ordinaire, dans l’Ancien Testament et même dans le Nouveau, l’idée d’un jugement divin, qu’on peut du moins l’y découvrir sans faire violence aux textes, que dans un petit nombre de cas la justification est purement déclarative. » Que la justice soit souvent mise en connexion avec le royaume messianique, et la justification avec le jugement divin qui doit discerner les membres du royaume, le phénomène n’a pas de quoi nous surprendre. La connexion existe en réalité, c’est bien en vue de la vie éternelle que nous sommes justifiés, et si les juifs et les premiers chréliens faisaient ces rapprochements plus fréquemment que nous et en termes plus explicites, c’est sans doute qu’ils étaient plus que nous frappés par la perspective du grand avènement du Messie.

Jusqu’ici saint Paul était d’accord avec ses adversaires juifs ou judaïsants. Il ne polémique jamais contre eux au sujet du royaume messianique ou de la justice requise pour y atteindre ; les divergences n’apparaissent que lorsqu’il s’agit de déterminer les moyens par lesquels l’homme pourra réaliser cette justice. Comment l’homme sera-t-il justifié devant Dieu, comment arrivera-t-il à cet état de justice que Dieu reconnaît comme un titre à l’héritage messianique ? En un mot, quelle est l’économie de la justification et du salut ? Pour le juif, la chose n’est pas douteuse, c’est l’économie légale ; pour saint Paul, elle est non moins claire, c’est l’économie chrétienne ; pour les convertis judaïsants, c’est une économie mixte, légale et chrétienne en même temps, et il n’est pas aisé de préciser le rôle respectif des deux éléments, de la loi ancienne et de la loi nouvelle.

Et d’abord, ces judéo-chrétiens de Galatie exigeaient des gentils la circoncision et les œuvres de la loi, et rien dans l’Épître ne permet de supposer qu’ils les aient réclamées seulement en vue d’une perfection plus grande à acquérir, d’une participation plus abondante aux prérogatives et aux bénédictions d’Israël, et non comme condition indispensable de justice et de salut. Ils faisaient ressortir, sans doute, que la loi avait été donnée par Dieu à Abraham et à sa postérité en signe éternel d’alliance, que le Messie était le Messie des juifs et que les nations n’auraient part à son règne qu’en s’incorporant d’abord à Israël comme l’avaient prédit les prophètes, Act., iii, 25, 26, que Jésus lui-même avait été circoncis et qu’il avait enseigné que pas un iota de la loi ne devait disparaître. Matth., v, 18. Telle était certainement la tactique des adversaires de Paul avant la réunion de Jérusalem. Act., xv, 2, 5. Dirat-on qu’elle est incompréhensible après le décret du concile et la charte de liberté accordée aux gentils ? Elle est injustifiable à coup sûr, mais saint Paul dépeint ses ennemis de Galatie sous de si sombres couleurs, comme des gens sans aveu et des calomniateurs impudents. Auront-ils accepté les décisions de Jérusalem, ne les auront-ils pas attribuées aux intrigues des uns et à la bonne foi surprise des autres, n’auront-ils pas allégué la conduite subséquente des grands apôlres de l’Église-mère ? Le concile de Jérusalem n’a pas dû nécessairement, pensons-nous, provoquer

un changement d’altitude chez ces faux frères et ces judaïsants fanatiques.

Et, d’autre part, ils se disaient chrétiens et croyaient en la messianité de Jésus. Quelle signification attachaient-ils à la première mission du Christ ? C’est trop peu, semble-t-il, de dire avec Estius, In proœmio ad episl. ad Gal., que leur foi au Christ n’avait aucune valeur pour la justification : Pseudo-aposloli Christum <inidem ut doctorem et pnrronem veritatis respiciebanl, redemptorem vero auctoremque jusliliæ non agnoscebant, et cerimoniis peccalorum veniam, a Christo doctrinæ veritatem et exempta per/eclw jusliliæ quærenda docebanl ; quasi nihil aliud esset Christi evangelium, quam hominis ad pietalem inslitulio non item impii justificatio. Car ces judaïstes croyaient en la messianité de Jésus malgré sa mort ; ils devaient donc dire avec saint Pierre, Act., ii, 23 ; iii, 18, que cette mort avait été voulue par Dieu et rentrait dans le plan divin, qu’elle avait sa place, par conséquent, dans l’œuvre du salut. Peutêtre lui reconnaissaient-ils une valeur analogue, mais supérieure, à celle des expiations de l’Ancien Testament, pour couvrir les transgressions de la loi. Grâce au Christ, la justification par la loi leur serait devenue plus accessible, mais celle-ci garderait sa valeur éternelle, il n’y aurait pas d’économie nouvelle établie. Pour répandre plus facilement l’erreur, les judaïsants n’auront pas, du premier jour, exposé toutes leurs exigences. C’est ainsi qu’ils ne paraissent pas avoir enseigné que le circoncis est astreint à l’observation de toute la loi, v, 3. Ils n’auront pas manqué non plus de faire à l’enseignement de Paul le reproche qu’on lui fit encore souvent dans la suite : décréter l’abrogation de la loi, c’est ouvrir toute large la porte au libertinage et à tous les vices. Et surtout, par leurs insinuations perfides contre la personne et la mission de l’apôtre, ils auront voulu semer la défiance et le doute dans le cœur de ses chers Galates.

L’Épître aux Galates est la réponse de Paul à toutes ces attaques « La réfutation des arguments des judaïsants est devenue, grâce à la dialectique de l’apôtre, l’exposition lumineuse et triomphante de ses propres idées… Vues larges et lumineuses, dialectique serrée, ironie mordante, tout ce que la logique a de plus fort, l’indignation de plus véhément, l’affection de plus ardent et de plus tendre se trouve réuni, fondu, coulé d’une seul jet, en une œuvre d’une irrésistible puissance. Le style n’est pas moins original que le fond même des idées. » Sabatier, L’apôtre Paul, p. 135, 149. Cette Épître, pour autant qu’on peut le déduire de I Cor., xvi, 1, et de I Pet., i, 1, aurait obtenu de bons résultats.

V. Analyse et contenu.

Dans l’Épître aux Galates, nous rencontrons la division ordinaire des lettres de saint Paul : la suscription, i, 1-5, le corps de l’écrit, i, 6-vi, 10, la conclusion, vi, 11-18.

Suscription.

La suscription a ceci de remarquable,

qu’elle ne renferme aucun mot d’éloge à l’adresse des destinataires, aucune action de grâces pour leurs progrès dans la foi. Par contre, elle fait déjà ressortir les deux idées fondamentales de l’Épître : la légitimité de l’apostolat de Paul, la vérité de son Évangile du salut par la mort du Christ. Le véritable apôtre doit réunir ces deux conditions : avoir vu le Christ et avoir reçu immédiatement de lui sa mission. Act., i, 21-24. Or saint Paul vérifie ces conditions. La seule différence entre lui et les Douze, c’est que ceux-ci ont suivi le Christ pendant sa vie mortelle, tandis que Paul doit son appel au Christ ressuscité, mais cette différence n’implique aucune cause d’infériorité. Paul peut dire, comme les autres apôtres, qu’il a reçu l’apostolat de Dieu et non des hommes (oùx à-’àvOpw-rov, la préposition à-o indique l’origine, la source de la vocation à l’apostolat), et qu’il l’a reçu