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GALATES (É PITRE AUX)

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c) D’autres arguments, allégués par Lightfoot, Wendt, Holsten, en faveur de la Galatie du nord nous paraissent beaucoup moins probants. Ils sont empruntés à la description des défauts qui devaient être prédominants chez les lecteurs et qui seraient particuliers à la race celtique, au silence de Paul touchant l’évangélisation de la Galatie inférieure, dans la description qu’il nous fait de sa vie, Gal., i, silence qui serait étonnant si la lettre était adressée aux fidèles de ces régions, à la relation inutile des événements du concile de Jérusalem, que ferait saint Paul à des lidèles déjà instruits de ces événements au cours de la seconde mission, Gal., ii, etc.

2. En laveur de la Galatie du sud.

De leur en lé, les partisans de la Galatie du sud font valoir les considérations suivantes : a) Les circonstances dans lesquelles l’Évangile a été prêché aux lecteurs de l’Épitre concordent assez bien avec celles du récit des Actes touchant l’évangélisation de la Galatie méridionale. Saint Paul a dû séjourner assez longtemps au milieu de ses lecteurs et cela à deux reprises, Gal., iv, 13 ; il a dû leur prêcher l’Évangile en compagnie de Barnabe, qu’ils sont supposés très bien connaître, Gal., ii, 2, 9, 13 ; la première fois que Paul vint parmi eux, il fut reçu comme un ange de Dieu, comme le Christ Jésus. Gal., iv, 14-15 ; cf. Act., xiv, 11. — b) La situation des lecteurs que l’Épitre révèle, s’explique aussi beaucoup mieux s’il faut les chercher dans la Galatie du sud. Ces lecteurs sont en grande majorité des gentils convertis, iii, 2 sq. ; iv, 8 ; v, 2 ; il devait cependant se trouver des Juifs parmi eux, ni, 28. L’Ancien Testament devait leur être familier, à en juger par les nombreuses citations que Paul fait de la Bible et les raisonnements qu’il en tire. La culture gréco-romaine les avait marqués de son empreinte, comme l’indiquent les comparaisons empruntées au rôle du pédagogue, ni, 25, du tuteur et de l’administrateur, iv, 2. Des judaisants étrangers, venus probablement de Jérusalem jetaient le trouble dans ces Églises florissantes. En un mot, l’Épitre aux Galates suppose chez ses lecteurs l’influence d’un contact fréquent et prolongé avec les Juifs. Or, si nous savons qu’il existait des colonies juives importantes et de nombreux prosélytes, Act., xiii, —13-44, à Antioche la Pisidienne et à Iconium, nous sommes beaucoup moins renseignés touchant les juiveries de la Galatie proprement dite. M. Toussaint affirme « qu’une nombreuse et riche colonie juive s’était établie de bonne heure en Galatie. Ancyre, la capitale, se trouvait sur la grande artère qui conduit de Byzance en Orient, en Syrie, en Perse, en Arménie. Les Juifs s’étaient empressés de se fixer dans un pays si favorable à leurs entreprises commerciales. » Épîtres de saint Paul, t. i, p. 105. Ce furent probablement les colonies juives établies en Phrygie sous les Séleucides, qui, peu à peu, émigrèrent vers les villes septentrionales de la Galatie. D’après M. Jacquier, « on ne voit pas qu’il y ait eu des Juifs dans la Galatie du nord, à l’exception peut-être de quelques-uns à Ancyre, et encore pour cette ville Ramsay le nie. » Histoire des livres du Nouveau Testament, t. i, p. 180. Pour Deissmann qui étend la diaspora juive et le monde de Paul aussi loin que les plantations d’oliviers, Paulus, p. 26, l’existence d’une colonie juive à Ancyre n’est pas douteuse ; il se prononce d’ailleurs aussi pour la Galatie du nord. Op. cil., p. 148. — c) S’il existait dans la Galatie du nord des Églises florissantes, on n’en trouve aucune mention expresse avant 192. Cependant, dans The e.vposilorg limes, t. xxi, p. G4, Ramsay déduit, d’une inscription trouvée à Barata en Lycaonie et mentionnant le martyre de Gaianus à Ancyre, l’existence de chrétiens en Galatie du nord du temps d’Hadrien et de Domitien. Cf. Steinmann, Nord-Galalien, dans Biblische Zeilschrift, 1910, p. 274 sq. Dans un document où il est

question de l’Église d’Ancyre, Eusèbe, II. E., v, 16, en

butte aux attaques des judaisants, honorée d’une lettre importante de Paul, il reste malgré tout étonnant que les Actes en mentionnent à peine la fondation. Il est étonnant aussi que les agitateurs hiérosolymitains ne se soient pas arrêtés d’abord dans les belles communautés de la Galatie méridionale et qu’ils soient allés porter leurs ravages dans ces contrées éloignées de la Galatie du nord.

Ce sont là les principaux arguments en faveur de la Galatie du sud. Il en est d’autres basés sur l’hypothèse de la rédaction de l’Épitre aux Galates avant le concile de Jérusalem, mais ils reposent sur un fondement trop instable pour que nous croyions devoir les critiquer.

Tout compte fait, la théorie qui place les destinataires de l’Épitre aux Galates dans la partie méridionale de la province romaine de Galatie nous paraît encore mériter les préférences.

III. Date et lieu delà composition.

Lescontro verses relatives à la destination de l’Épitre aux Galates ne pouvaient manquer d’avoir leur répercussion sur le problème de l’époque de sa composition. La solution de cette seconde question pâtit de toutes les incertitudes qui entourent la première. Aussi bien, l’Épitre aux Galates a-t-elle été promenée tout le long de l’activité missionnaire de saint Paul, depuis avant le concile de Jérusalem, jusque pendant la captivité romaine.

Si l’Épître est adressée aux Galates du nord, comme elle suppose, de la part de saint Paul, une double visite aux lecteurs, qui n’a pu se faire que pendant la seconde et la troisième mission, Act., xvi, 6 ; xviii, 23, elle ne saurait avoir été écrite qu’au cours du troisième voyage apostolique, soit durant le séjour de l’apôtre à Éphèse (Holtzmann, Jùlicher), soit à son arrivée en Macédoine, après son départ d’Éphèse, Act., xx, 1, 2 (Prat, Théologie de saint Paul, t. i, p. 221-222), soit pendant son séjour de trois mois à Corinthe, Act., xx, 3 (Lightfoot). La lettre aux Galates appartiendrait ainsi au même groupe que les Épîtres aux Corinthiens et aux Romains et elle se placerait assez naturellement dans les années 55-58. On serait même tenté, dans ce cas, de la situer après la IIe aux Corinthiens, et l’on rendrait facilement compte alors des rencontres fréquentes et caractéristiques qu’on ne peut méconnaître entre les Épîtres aux Galates et aux Romains : « L’esprit de Paul s’agite manifestement dans le même cercle de pensées : ce sont mêmes raisonnements, mêmes citations, mêmes formules théologiques. » Prat, op. cit., p. 222.

A la rigueur, les tenants de la Galatie du sud pourraient se rallier à cette conclusion. D’ordinaire, cependant, ils se prononcent pour une date moins tardive, a) Le commencement de défection des Galates a dû suivre d’assez près la dernière visite de Paul : « J’admire, dit celui-ci, que si vite vous vous laissiez détourner de celui qui vous a appelés en la grâce du Chris*, pour passer â un autre Évangile. » Gal., i, G. Mais l’adverbe —.%/.<) :. pourrait se rapporter au caractère subit de leur défection et non au court intervalle de temps qui la sépare du second séjour de l’apôtre. — b) L’Épître aux Galates paraît se rapporter à un stade de la controverse judaisante, antérieur à celui que laissent supposer les Épîtres aux Corinthiens et aux Romains.. Il semble qu’à Corinthe les judaisants aient renoncé à imposer la circoncision aux païens convertis : ils s’avouaient vaincus sur ce point et tournaient plutôt leurs attaques contre la personne de Paul. A l’époque de l’Épître aux Romains, la polémique s’apaise ; ce n’est plus un écrit de circonstance, mais une exposition large et tranquille de l’économie chrétienne du salut, d’un point de vue plus général