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GA1AN1TE (CONTROVERSE)

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s’incarnait, contractait celle passibilité el cette mortalité ; mais l’objection tombe, quand on fait attention que la douleur et la mort sont chez l’homme la peine du péché, Dieu ayant accordé à Adam, avec la grâce surnaturelle, des dons prêt ernaturels : pro.r ima causa morlis et aliorum defecluum est peccalum, per quod sublracla est originalis justilia. Ibid., ad 3° m.

Jésus-Christ a-t-il pris toutes les infirmités corporelles ? Non, répond saint Thomas ; il ne s’est soumis qu’à celles des infirmités communes qui n’impliquent aucun déshonneur, c’est-à-dire à celles qui ne répugnent pas à la perfection de la science et de la grâce. Pourquoi, en effet, le Sauveur a-t-il pris nos infirmités sinon dans le but de satisfaire pour le péché ? Or la valeur de la satisfaction est en proportion de la science et de la sainteté de celui qui l’offre. Le Christ a donc dû être exempt des infirmités et défauts qui sont un obstacle à la science et à la sainteté. Quant aux infirmités qui ne sont pas le lot commun de tous les hommes, mais ont pour cause soit une faute individuelle, soit des tares héréditaires, on ne peut les attribuer au Christ, dans la conduite duquel on n’a jamais surpris le moindre désordre et qui a été conçu virginalement du Saint-Esprit. Ibid., a. 4.

Contre la passibilité intrinsèque du corps du Sauveur une objection inconnue des Pères ou, du moins, non clairement formulée de leur temps, se présentait d’elle-même à l’esprit des théologiens du moyen àgc. Comment concilier dans le Christ la coexistence de la douleur physique et des autres infirmités corporelles avec la vision béatifique dont son âme, d’après l’opinion commune, jouissait dès le premier instant de l’union ? La gloire de l’âme n’a-t-elle pas une tendance naturelle à rejaillir sur le corps ? Si Julien d’Halicarnasse avait vécu du temps de saint Thomas, n’aurait-il pas tiré avantage de cette doctrine pour appuyer sa théorie de l’incorruptibilité native du corps du Christ ? Pourquoi, aurait-il dit, ne pas accorder au corps un privilège qui découle naturellement de la béatitude de l’âme, quitte à laisser au bon plaisir du Verbe ou même à la volonté humaine le soin d’en suspendre miraculeusement l’exercice, suivant les exigences de la mission rédemptrice ? Saint Thomas et les autres théologiens scolastiques n’ont pas raisonné de la sorte. Tout en attribuant à l’âme du Sauveur la vision béatifique, ils ont maintenu la thèse de la passibilité naturelle de son corps. Ils ont seulement cherché à résoudre l’antinomie qui résulte de la coexistence dans le même sujet de la joie souveraine avec les douleurs les plus vives, et ont enseigné que par une disposition spéciale de la providence la gloire de l’âme n’a pas eu sa répercussion normale sur le corps, et cela d’une manière habituelle et permanente, jusqu’à la résurrection. Ibid., a. 1, ad 2° m.

Cette disposition de la providence, certains théologiens l’ont appelée un miracle. Scot, par exemple, écrit : Si ad plenitudinem gloriæ animas non sequebatur pleniludo gloriæ corporis, hoc fuit per miraculum subtrahens gloriam corporis. Rcporlata paris., 1. III, dist. XVI, n. 3. Mais il ne s’agit pas là, à proprement parler, d’un miracle, cette action divine constituant le corps du Sauveur dans un état permanent de passibilité. Les théologiens postérieurs à saint Thomas n’ont guère fait que répéter sa doctrine en ajoutant quelques compléments, corollaires nécessaires de l’enseignement du maître. C’est ainsi qu’ils se sont demandé si Notre-Seigneur serait mort de vieillesse, dans le cas où il n’aurait pas subi une mort violente. Les théologiens de Salamanque, De incarnalione, disp. XXIV, dub. i, n. 3, examinent la question assez longuement et la résolvent par l’affirmative : Cum eisdem principiis, seu dispositionibus naturalibus, in quibus posl peccalum primi hominis rclicla fuit (humana natura), cum hœc non

fuerit quantum ad hoc vel ligno vilæ vel alio remedio sufjullu, sequitur quod naturalem moriendi necessitalem habueril. El quamvis ex optima temperie ac complexione, quam ex vi suæ conceptionis habuil, adjuncta etiam scientia eorum quai possent nocumentum ci/ferre, el summa sobrielale in alimentorum usu, poluerit vilam diu conservare, el mullo magis vilurc morbum : nihilominus hœc omnia minime in perpctuum poluerunt conlinere causas morlis naturalis proxime assignalas, cum earum influxus joret continuus, virlus autem naturalis finila ; unde sicut post longam saltem uila periodum senesceret, sic tandem aliquando naturaliUr moreretur. Saint Thomas avait, du reste, formulé cette conclusion dans son Commentaire des Sentences, 1. III, c’.ist. XVI, q. i, a. 2 : Sicul simplicilcr concedimus quod Christus morluus est, ita similiter concedere possumus simplicilcr quod necessitalem moriendi habuil, non solum ex causa finali, sed etiam necessitalem absolutam ut moreretur, eliamsi non occideretur, ut quidam dicunl. IN’. Conclusion. — De l’enquête historique à laquelle nous nous sommes livré, il ressort que la thèse de Julien d’Halicarnasse et de Philippe de Harveng sur l’impassibilité naturelle du corps de Jésus-Christ avant la résurrection est contraire à l’enseignement moralement unanime des Pères et des théologiens. Une vue superficielle sur la controverse gaianite pourrait faire croire que l’orthodoxie n’y était nullement engagée et que la querelle confinait à la logomachie, du moment qu’on admettait de part et d’autre que le Christ avait réellement souffert. Mais quand on y regarde de près, on découvre une réelle opposition entre la doctrine gaianite et la doctrine traditionnelle de l’Église. Thomassin a très bien mis en relief cette opposition dans un passage de ses Dogmata theologica, De incarnalione Verbi, 1. IV, c. xii : Illis ergo nobisque hoc interjacet discriminis, quod cum passum esse Christum carne et esurisse et sitissc vere consenliamus, Mi carne incorruptibili, sed ex dispensalionc Verbi passum esse garriunt ; nos autem carne passibili passum, sed ita ut pênes ipsius animw deitatisque potestatem essel, præslare ne quid paleretur. Illi impassibilitatem ex carne, passionemex Verbi omnipotentia rcpelunt : nos passionem passibilitalemque in carne, non paliendi potestatem in Verbo et mente Verbum complexa collocamus. Illis et nobis vere passus est, el fuit in ejus potestate pâli vel non pâli ; eo concordamus ; sed hoc discordamus, quod illis passus est carne impassibili, nobis carne passibili ; illis potuit non pâli ob impassibilitatem carnis, nobis potuit non pati ob omnipotentiam Verbi ; illis potuit pati ob omnipotentiam Verbi, nobis potuit pati ob passibililatem carnis et connivenliam Verbi. Omnipotentiam igitur Verbi nos suspendimus, illi impendunt ut patiatur caro ; naturam carnis impassibilem illi somniant, ctsi passum ; nos passibilem arquimus, quia passuræ.

Affirmer, comme le faisaient Julien et ses disciples. que le corps de Jésus-Christ devint, par le fait de l’union hypostatique, naturellement incorruptible et impassible comme il le fut après la résurrection, et que ce ne fut que par une sorte de miracle qu’il souffrit en fait et qu’il mourut, nous paraît constituer sinon une hérésie formelle directement condamnée. du moins une doctrine proche de l’hérésie. Cette doctrine semble, en effet, inconciliable avec plusieurs affirmations scripturaires, telles que les suivantes : Dcus Filium suum mittens in similitudincm carnis peccati, Rom., viii, 3 ; Non enim habemus pontificem, qui non possit compati infirmitatibus nostris, tenlalum autem per omnia pro simililudine absque peccato. Heb., iv, 15 ; Quia ergo pueri communicaverunt carm et sanguini, et ipse similiter participavit iisdem, ut per morlem destrueret cum, qui habebat morlis imperium… Nusquam enim angelos apprehendil, sed semen Abralue