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GAIANITE (CONTROVERSE)


spéciale qui le rendait impassible par nature. Jésus-Christ a voulu prendre l’état d’infirmité de l’homme déchu et non l’état d’intégrité de l’homme innocent, bien que son absolue impeccabilité et l’union hypostatique lui eussent donné droit aux privilèges de l’état primitif : Quidquid habuit Filius Dci per naturam, hoc el filius hominis per gratiam… Quantum vero mené, vicletur parvitali, munda hominis conceplio quem Deus assumpsit nihil ei conlulil prseler quam quod assumons voluit. Noslræ vero inftrmitatis slatum sine peccalo suscipere suse benignitati complacuit… Carnis ergo fortitudinem, quam ille prsedicat, ex humanitatis natura non habuit. Episl., xxv, col. 177, 178. Hunald ajoutait que Philippe manquait de logique, puisqu’il concédait, d’une part, que le corps du Christ avait eu la puissance de souffrir, et qu’il affirmait, d’autre pari, que ce corps était impassible par nature : Quomodo prœler naturam et per miraculum doluit qui dolendi potentia carnali non caruit ? Cette manière de parler conduirait facilement à nier la réalité de la passion du Sauveur : Amplius quoque : cum duse in Christo naturæ ron/usione conjunctæ sint, quidquid Christus fecil vel passus est, secundum altcrutram carum fecisse eum vel suslinuissc necesse est. Quod ergo ex neutra earum nec jecil nec passus est, ilhulomnino nec fecil nec passus est. Ex neutra vero naturarum doluit, nam si non humana, mullo minus igitur doluit ex divina. Restai ergo ut nec omnino dolucrit, col. 180. C’est à une conclusion semblable, on s’en souvient, que Sévère acculait Julien, que les Pères acculaient les gaianites. Hunald ajoute, il est vrai, que Philippe prend peut-être le mot de natura dans le sens de nécessitas. La controverse se réduirait alors à une pure logomachie : Quod si naturam velit necessilatem intelligere, sicut beatus Jlilurius viiii, naturam, necessilatem inculcat, non nisi ad nomen eral lola dispulatio isla, ct aut sibi ipse dissentiat necesse est, aut in nostram penitus concédai partent. Ibid.

L’histoire montre que l’abbé Philippe ne fit point école. Les théologiens du xiie siècle ne s’écartent pas de la doctrine traditionnelle : Le Christ s’est librement soumis avant sa résurrection aux infirmités de l’homme pécheur, hormis le péché. Sa chair a été passible comme la nôtre, malgré les droits qu’elle aurait eus d’être impassible et immortelle. Saint Bernard écrit, par exemple : In quo magis commendarc paierai benignitatem sumn quam suscipiendo carnam mecun ? Meam, inquam, non carnem Adam, id est. non qualem ille habuit ante culpam. Quid tantoperc déclarai cjus misericnnliam, quam quod ipsam suscepit miscriam ? Serm., i, de EpiphaniaDomini, 2, /’. L., t. clxxxiii, coI.143. Hugues de Saint-Victor n’est pas moins explicite : l’otcrat juste Salvator in carne sua, quam sine culpa assumpsit, pœnam quoque morlalilatis et passibilitatis infirmilalem non assumpsisse ; sed eam non solum supra id quod nos sumus morlales quia juccator non crut, sed supra id etiam quod primus homo anle peccalum luit, quia probandus non crut, qloriam imrnortalitalis induissc..’/ni" caro peccalrix u pœna pcccali liberari non poluil, nisi euro cjus, quæ sine peccalo crut, paleretur, infirmilalem passibilitatis et morlalilatis in carne tmutnpla, rclinuit potestatc, sustinuit voluntate, non tilale. Ih sacramentis, ., part. I, c. vii, /’. /.., t. clxxvi, col, 389 390, Pierre Lombard, Sent., I. III. dist Y et XVI, P. L., t. exen, col. 1078, affirme, sans plus d’explication, que le Sauveur a pris de nos infirmités qui n’ont rien de déshonorant, oif, la in icsse, la crainte, cœterosjenerales defectus, quorum nullus peccalum fuit, et . nos autem defectus sicut ipsam carnem ne tnortem non condilionis necessttate, hoc est, non ex vttlosa lege nascendt, quæ est nécessitas noslree conditions, s>il miserationli voluntate suscepit.

Au siècle suivant, saint Thomas traite la question de la passibilité du corps du Christ av.’; une maîtrise qui ne laissera aux théologiens de l’avenir presque rien à ajouter. Il indique d’abord les raisons pour lesquelles le Sauveur a pris un corps soumis aux infirmités de la nature déchue. Ce sont avant tout des raisons d’ordre sotériologique : Jésus-Chris l a voulu satisfaire pour le péché en supportant la peine due au péché. La faim, la soif, la douleur, la mort ont été comme la matière do sa satisfaction, qui a tiré sa valeur de la charité intérieure. Il a voulu aussi montrer la réalité de son incarnation : cum enim natura humana non aliter nota esset hominibus nisi proul hujusmodi corporalibus defectibus subiacet, si sine his defeclibus Filius Dci humanam naturam assumpsisset, videretur non fuisse verus homo, nec veram carnem habuisse sed phantaslicam, ut manichœi posuerunt. Il a voulu enfin nous donner l’exemple de la patience. Sum. theol., IIP, q. xi v, a. 1.

Le docteur angélique se demande ensuite si le Christ a pris la nécessité d’être soumis à ces infirmités. Cette manière de poser la question est fort suggestive et coupe court à bien des équivoques. La réponse est affirmative : le corps du Christ était constitué de telle façon qu’il était naturellement sujet à la douleur, à la mort et autres infirmités : secundum hune necessilatem, quæ consequitur materiam, corpus Christi subjectum fuit necessilati mortis et aliorum hujusmodi defccluum… H sec autem nécessitas causatur ex principiis humaine naturæ. Cela n’empêche pas que les souffrance, du Sauveur n’aient été pleinement volontaires et libres tant de la part de la volonté divine que de la part de la volonté humaine délibérée, car personne n’avait le pouvoir de faire souffrir l’Homme-Dieu contre son gré. Celui-ci a cependant éprouvé cette répugnance instinctive pour la souffrance qui naît spontanément dans la volonté de l’homme avant toute délibération : secundum vero quod nécessitas lalis (scilicet coaclionis) répugnai voluntati, manifestum est quod in Christo non fuit nécessitas horum defccluum, neque per respeelum ail divinum voluntatem, neque per respectum ad voluntatem humanam Christi absolute, proul sequitur rationem dclibcrantem ; sed solum secundum naturalem molum voluntatis, proul scilicet naturalilcr refugit mortem et etiam corporis nocumenla. Ibid., a. 2. Dans la réponse ad 3° du même article, saint Thomas fait remarquer que l’âme de Jésus-Christ. considérée en elle-même indépendamment du pouvoir que le Verbe pouvait lui communiquer, était incapable de soustraire son corps à la souffrance et à la violence extérieure : nihil fuit poteniius quam anima Christi absolute ; nihil tamen prohibcl aliquid fuisse poteniius quantum ad hune effeelum sicut clavus ad perfora ndum. VA hoc dico secundum quod anima Christi consideratur secundum propriam naturam et virtutem. La conséquence logique de cette doctrine est que le corps du Christ aurait été soumis comme le nôtre à la corruption du tombeau, s’il n’avait été préservé par la puissance divine : corpus christi quantum ad conditioner » naturæ passibilis pulrefactibile fuit, tiret non quantum ad meritum pulrcfuclionis, quod est peccalum. Sed virtus divina corpus Christi a putrefaclionc pnrsrrvavit, sicut et rcsusciliivit u morte. Ibid..(.., ;.’A. ad’_ !. Cependant Jésus Lhrist n’a pal Contracté ees Infirmités au sens propre du mot. parce qu’il n’a pas eu en lui la cause qui les produit chez nous, a savoir, le péché originel. Le verbe contracter » , en effet, implique un rapport de causalité : in verbo conlrahendi intelltgitur ordo effectua ml causant, ui scilicet illud dicutur contrôla quod sunul cum suu causa ex net

iule Irahitur. Ibid., a. uv, a. 2, 3. On pourrait objecter

que le (cnps de l’homme est. de sa nature passible el mortel et que des lors le (.lirist, par le fait iniiue qu’il