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GAIANITE (CONTROVERSE)


Dieu, et un don qui avait besoin d’être conservé par la manducation des fruits du jardin. On peut donc dire que le Christ a pris un corps semblable à celui d’Adam, c’est-à-dire un corps naturellement mortel.

Cette dernière considération du théologien byzantin mérite d’attirer l’attention. Les julianistes et plusieurs de leurs contradicteurs, par exemple, Anastase le Sinaïte, loc. cit., col. 301, semblent croire que l’immortalité et l’impassibilité d’Adam au paradis terrestre étaient de même nature que l’immortalité et l’impassibilité du corps du Christ ressuscité : [Ae-rasow)8èv (tov cjû>u.a tÔ BecntOTixôv p-z-k ttjv àvâtj-.aaiv) eî ; à<p8apoîav /.%’. àjioxataoôèv toioù’to, oîov rjv xo a(J5p.a toCJ’ABajj. Kpô —.-’, ; reapaSotætoç, dit Anastase le Sinaïte. Or, si ce n’est pas là une hérésie, 3ti [j.rfi Sdyp.a to /.x-’x tov’ASàuTUf/âvei, dit Léonce, loc. cit., col. 1348, c’est au moins une erreur. L’immortalité de nos premiers parents n’était que conditionnelle ; elle était maintenue par le moyen de la nutrition ; en un mot, comme le dit saint Thomas, Sum. theol., I", q. xcvii, a. 3, le corps d’Adam innocent n’était pas soustrait aux lois de l’animalité ; ce n’était pas encore le corps spirituel dont parle l’apôtre, le corps du Christ ressuscité. Voilà ce à quoi ne réfléchissaient pas les gaianites, quand ils prétendaient que Jésus-Christ avait pris un corps semblable à celui d’Adam innocent.

Un contemporain occidental de Julien d’Halicarnasse, Boèce, a très clairement marqué les rapports de l’humanité du Christ avec la nature d’Adam et la nôtre : Très inlctligi hominum possunt status. Unus quidem Adee ante delictum, in quo tamctsi ab eo mors aberat, nec adhuc ullo se d-slicto polluerai, poterat tamen in eo volunlas esse peccandi. Aller in qucm mulari potuissct, si firmiter in Dei præceptis manere voluissel. Tune enim id addendum foret, ut non modo non peccaret, aut peccare vellet, sed ne posset quidem peccare aut velle delinquerc. Tertius status est post delictum, in quo mors illum necessario subsecuta est et peccatum ipsum voluntasque peccedi… Ex his igitur tribus statibus Christus corporese natures suæ singula quodam modo indidil. Nam quod mortale corpus assumpsit, ut mortem a génère humano fugarcl, in eo statu ponendus est qui post Adæ prævaricationem pœnaliter infliclus est. Quod vero non fuit in eo volunlas alla peccati, ex eo sumptum est statu, qui esse poluisset, nisi l’tiluntatem se insidianlis fraudibus applicasset. Restai i’/itur status ille cum nec mors adcral et adesse poterat delinquendi volunlas. In hoc igitur Adam talis fuit ut manducaret et biberet, ut accepta digereret, ut laberetur in tomnum et alia quse ei non defuerunl. Humana quidem, oncessa et quse nullam pœnam morlis inferrent ; quse otnnia habuisse Christum dubium non est. Nam et manducavit et bibil et humani corporis officio funclus isi. Xequc enim lanta indigenlia in Adam fuisse credendn i ii, ut, nisi manducassel, vivere non potuissct ; sed si ex omni quidem ligno escam sumeret, semper vivere potuissct hisque non mori ideirco paradisi fructibus indigenliam expUbal. Quam indigenliam fuisse in Christo nullus Ignorât, sed potestate, non necessitate. Et ipsa indigenlia unir resurrectionem m en fuit ; post resurrectionem vero talls exstitit, ut ila illud corpus immutaretur humanum, tteut’tir prævaricationis vinculum, mulari

poluisset. I.ibrr de persona et duabus naturis contra Eutychen ri Neslorium, c. viii, /’. I… l. i xiv, col. 1.’{.">.>1354. Boèce, on le voit, exprime très nettement ce que Léonce di Byzance ne fait qu’insinuer.

i théologien byzantin fait encore valoir contre la

doctrine gaianite cel argument par l’absurde : SI ! <’lu Christ a été impassible H incorruptible, îles

l<— premier instant de l’union, si. « 1rs le début, le Christ

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parmi nous n’auront plus de raison d’être, puisque, du premier coup, le but de l’incarnation, qui est de restaurer l’état primitif, aura été atteint, col. 1352. Et le gaianite avoue qu’en effet le fait seul de l’incarnation aurait suffi pour notre salut, col. 1324 ; mais Dieu a voulu nous témoigner son amour d’une manière plus sensible et sauvegarder en même temps les droits de la justice en agissant comme il l’a fait, col. 1324.

La preuve scripturaire chez Léonce est peu développée. Il cite de l’Ancien Testament les passages suivants : Christus Dominus in corruplionibus noslris comprehensus est, Lament., iv, 20 ; Quæ utililas in sanguine meo dum descendo in corruplionem, Ps. xxix, 10 ; et le c. lui d’Isaïe. Au Nouveau Testament il emprunte les paroles du Sauveur : Spirilus quidem promptus est, caro autem infirma, Matth., xxvi, 41, et ce texte de saint Paul : Etsi crucifixus est ex infirmitale, sed vivit ex virtute Dei. II Cor., xiii, 4. Quant au fameux passage du discours de saint Pierre sur lequel s’appuyaient les julianistes : Neque dereliclus est in inferno, neque caro ejus vidil corruplionem, Act., ii, 31, Léonce trouve le moyen de le retourner contre eux, en faisant remarquer que la manière dont s’exprime le prince des apôtres suppose que le corps du Christ était susceptible de se corrompre, col. 1340, 1344.

Passant à la doctrine des Pères, Léonce commence par déclarer qu’il ne saurait y avoir de véritable contradiction entre eux : « Il faut croire, en effet, que ce n’étaient pas eux qui parlaient, mais l’Esprit du Père qui parlait en eux, » col. 1356. Sans doute, sur la question présente ils ont paru dire des choses peu concordantes, mais il est facile de les concilier soit entre eux soit avec eux-mêmes, en faisant attention aux multiples sens des termes : corruption, incorruptibilité, et aux divers moments de la vie du Christ. Incorruptibilité est souvent synonyme chez eux d’absolue pureté morale, d’impeccabilité. Us ont pu affirmer que le corps du Christ était incorruptible soit en le considérant après la résurrection, soit à cause de son union au Verbe incorruptible, gage de sa future préservation de la dissolution du tombeau, col. 1356. Suit une longue liste de témoignages patristiques destinés à établir le bien-fondé de cette exégèse.

Si nous avons insisté sur l’argumentation de Léonce de Byzance, c’est qu’elle est représentative de la théologie grecque en la matière. Les autres docteurs orthodoxes qui se sont occupés spécialement de la controverse julianisle n’ont guère fait que résumer la doctrine de leur illustre devancier. C’est le cas pour le compilateur à qui l’on doit le De seclis. Il formule en ces termes la thèse orthodoxe : « Nous confessons que les souffrances du Christ furent volontaires ; nous ne disons pas qu’il souffrit par nécessité de la même manière que nous, mais nous affirmons qu’il se soumet lait volontairement aux lois de la nature et que volontairement il laissait son corps éprouver les Impressions qui lui sont propics, de la même manière que nous éprouvons nous-mêmes ces impressions. » Act. Xj col. 1200. Le traite d’Anastase d’Antioche, adressi < Justinien, ne nous est pas parvenu, mais le court résumé qu’en donne l’.vagrc, loc. cil., prouve qu’il soutenait la même thèse que Léonce et l’auteur du De seclis. Quant à Anastase le Sinaïte, il produit contre les gaianites un curieux argument, qu’il estime irréfutable, parce qu’il est basé sur l’expérience. Il met aux prises, dans un court dialogue, un orthodoxe et un gaianite. Apres avoir fait confesser à son interlocuteur la présence réelle du corps de Jésus-Christ dans l’eucharistie, l’orthodoxe lui propose l’expérience suivante : i Apportez nous un peu de Ifl Communion prise dans votre Église, que vous dites la plus orthodoxe. Nous mettrons en toute révérence le saint corps du Christ et son salin dans un vue, avec llionneur