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GAIANITE (CONTROVERSE

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avait réellement Éprouvé la corruption du tombeau.

Les positions doctrinales des deux adversaires étaient tout autres. Voici comment on peut les définir :

Thèse de Julien d’Halicarnasse.

Jésus-Christ,

nouvel Adam, a pris, dès le premier instant de sa conception dans le sein de la Vierge, une chair semblable à celle d’Adam avant son péché, c’est-à-dire une chair impassible, incorruptible et immortelle. Cette incorruptibilité de la chair de l’Homme-Dieu est exigée tant par l’union hypostatique que par l’œuvre de la rédemption ; par l’union hypostatique, car le Verbe se devait à lui-même de faire participer la chair qu’il s’est unie à sa propre incorruptibilité et ne pouvait être soumis comme malgré lui aux infirmités et aux nécessités qui s’imposent à la naturedéchue ; par l’œuvre rédemptrice, car le Sauveur devant délivrer le genre humain de la corruption devait lui-même être exempt du mal qu’il venait guérir. Cela ne veut pas dire cependant que le Christ n’ait réellement souffert dans sa chair, et qu’il ne soit véritablement mort. Ce qui, dans le bloc des pénalités qui pèsent sur l’humanité déchue, n’implique aucun déshonneur, comme la faim, la soif, la fatigue, la douleur sensible, la mort même (— ocOt) àBiâSXrjxa), le Christ l’a réellement éprouvé ; mais ces souffrances ont été de sa part tout à fait volontaires et spontanées ; il s’y est soumis par condescendance, xaT’oi/tovoiAÎav, toutes les fois qu’il l’a jugé opportun, en dérogeant aux lois de son humanité incorruptible et impassible. En d’autres termes, par nature, par état permanent, le corps du Verbe incarné était impassible avant la résurrection, tout comme il le fut après ; mais par un miracle fréquemment renouvelé pendant sa vie mortelle, Jésus-Christ a dérogé aux lois qui régissaient sa chair impassible, et l’a soumise très librement aux infirmités qui n’ont rienderépréhensible. Léonce de Byzance, Contra nestorianos et eulychianos, 1. II, P. G., t. lxxxvi, col. 1333. Affirmer cela, disait Julien, n’est pas tomber dans l’erreur d’Eutychès et nier la consubstantialité du corps du Christ avec le nôtre. En effet, le Christ n’a pas cessé d’être notre consubstantiel après sa résurrection, alors que sans conteste possible sa chair est devenue incorruptible et impassible. Lui accorder cette incorruptibilité et cette impassibilité avant la résurrection n’est donc pas rejeter sa consubstantialité avec nous.

Pour appuyer cette thèse, Julien en appelait à la fois à l’Écriture et aux Pères. Le passage du ps. xv : Quoniam non derelinques animam meam in inferno, nec dabis Sanctum tuum videre corruptionem, commenté par saint Pierre, Act., ii, 31 : Providens lœulus est de resurrectione Christi, quia neque derelictus est in inferno, neque caro ejus vidit corruptionem, était son grand cheval de bataille. Il faisait là-dessus un raisonnement fort subtil, qu’on peut ainsi résumer : le Christ n’a jamais connu la corruption, la SiàepSopâ, qui indique une dissolution complète. S’il n’a pas connu la corruption, il n’a pas non plus connu le chemin qui y conduit, c’est-à-dire la corruptibilité, to cpOapro’v. Il faut donc dire que, dès le premier moment de l’union, sa chair a été incorruptible. Mai, Spicilegium romanum, Rome, 1844, t. x, Severi Antiocheni liber adversus Julianum Halicarnassensem, p. 192.

"" Chez les Pères, Julien trouvait des passages en apparence contradictoires, les uns affirmant que la chair du Christ avait été incorruptible, les autres qu’elle était corruptible. Il opéra la conciliation dans le sens de l’incorruptibilité. Il écrivait dans sa première lettre à Sévère : « On a vu des gens qui disent que son corps est corruptible, en se servant de témoignages de saint Cyrille. Le premier est tiré de ce qu’il écrivit à Succensus, disant : « Après la résurrection, c’était bien « le corps qui avait souffert, mais alors, il n’y avait plus

en lui d’infirmité humaine, el il étaif impassible. » De là ils veulent démontrer qu’avant la résurrection il était corruptible, puisqu’il nous était consubstantiel, et qu’après la résurrection, il obtint l’incorruptibilité. Le second témoignage est tiré de ce qu’il écrivit à l’empereur Théodose en ces termes : « Est-il étonnant « et prodigieux que le corps qui fut naturellement « corruptible soit ressuscité sans corruption ? » Ceux-ci parlaient d’après ces passages. Moi, j’ai rétabli tout le chapitre et je me suis efforcé d’en montrer le sens d’après plusieurs docteurs. » J.-B. Chabot, Chronique de Michel le Syrien, t. ii, p. 225-226 ; Ahrens et Kriiger, op. cit., p. 178. Dans sa seconde lettre, il parlait dans le même sens : « Je pense que, dans tout ce que j’ai écrit, j’ai confessé la vérité de l’incarnation, et je me suis efforcé de montrer que les Pères sont d’accord entre eux. Je ne suppose pas que nous devions croire et penser que le même soit à la fois corruptible et incorruptible. Nous confessons passible celui qui a guéri l’univers par ses plaies, mais nous savons qu’il est plus élevé et plus grand que les souffrances ; que, s’il fut mortel, il a cependant foulé aux pieds la mort, et nous savons qu’il a donné la vie aux mortels par sa mort. » Michel le Syrien, op. cit., p. 228.

La vraie pensée de Julien se fait encore jour dans quelques phrases détachées citées par ses contradicteurs. On lit dans la Vie de Sévère par Jean, supérieur du monastère de Beith-Aphtonia, édit. M. A. Kugener dans la Palrologia orientalis de Graffin-Nau, t. ii, p. 251252 : « Celui qui avait le pouvoir de souffrir et de ne pas souffrir, alors qu’il pouvait ne pas souffrir et que son corps aussi était impassible, fut volontairement passible pour nous, » et ailleurs : « Nous le disons passible en ce qu’il sou/frit (en fait) et non pas en ce qu’il fut susceptible de souffrir (par sa nature). » Dans sa lettre à Justinien, Ahrens et Krùger, op. cit., p. 202, Sévère cite de lui cet autre passage : « Nous disons que le Christ nous est consubstantiel non par la faculté de souffrir, mais par l’essence. C’est par la nature qu’il est impassible, incorruptible, et aussi qu’il est notre consubstantiel. » Lorsqu’il souffrait miraculeusement, le corps du Christ ne perdait pas pour cela cette propriété d’incorruptibilité et d’impassibilité qui était la loi de sa nature : Nemo sibi persuadeat Domini corpus vel tune fuisse passibile cnm sponte patiebatur ; semper enim ei cornes incorruptibilitas fuit. Porro nec sancti Cijrilli verba : « ulterius corruptibile » ila intelligenda sunt, quasi antea fuerit corruptibile, et quasi evidenter demonslralum fuerit post resurrectionem luntummodo fuisse incorruptibile illud quod secundum naturæ proprielatem eral incorruptibile. Elenim de natura corruplibili sumplum fuit id quod propler suam cum Verbo conjunctionem efjcctum est incorruptibile ; quod reapse nulli se corruptioni obnoxium voluit, neque in conceptu, neque in obilu, utpoic carens generalibus seu inlimis naturse noslræ proprielatibus. Severi adversus Julianum, édit. Mai, loc. cit., p. 186. Si Julien consentait à dire que le corps du Christ fut passible, ce n’était qu’à cause des souffrances auxquelles il se soumit en fait, ou encore parce que ce corps avait été pris d’une chair passible et corruptible et que, dès lors, on pouvait concevoir par la pensée un moment irréel où la chair passible prise par le Verbe dans le sein de Marie devenait impassible par son union avec le Verbe. Ibid., p. 187. C’est par le même procédé que Sévère arrivait à dire : deux natures. oûo cpôsEiç, avant l’union. Aussi, n’a-t-il pas de peine à comprendre la distinction de son adversaire : Jam si tu dixeris incorruplibilem atque impassibilem rarnem ejus anle eliam fuisse, atque eatenus tantum appellari corruptibilem atque passibilem, quatenus de noslro corruptibili passibilique génère sumpta fuit, sed eam reapse jam inde ab unionis momento præditam fuisse