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FUITE PENDANT LA PERSECUTION

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Moïse, après avoir fui dans la terre de Madian la colère du Pharaon d’Egypte, ne craint pas de paraître devant ce roi superbe quand Dieu lui en donne l’ordre. David, qui avait fui devant Saùl, ne redouta point les périls de la guerre pour l’intérêt du peuple et la gloire de son Dieu. Quand le choix lui était donné entre la fuite et la mort, et que l’une et l’autre lui étaient également permises, il se jetait, intrépide. au plus fort de la mêlée. Élie, après s’être caché, ayant entendu la voix du Seigneur, vient affronter le roi Achab, III Reg., xviii, 17 ; de même, le prophète Michée. III Reg., xxii, 15. Et, pour ne pas nous étendre plus longuement, pourquoi saint Paul en appelle-t-il à César, si ce n’est pour une raison semblable ? Act., xxv, 11. Et, comme Paul, Pierre qui s’était caché, quand il eut appris par révélation qu’il devait subir le martyre à Rome, se hâta de venir dans cette ville, sans retard, et le cœur débordant d’une céleste joie, c. xvi, xviii, xx, col. 668-671.

5. La peur n’avait pas causé la fuite de ces saints personnages. Au contraire, celle-ci leur était un combat mille fois plus pénible, et une méditation ininterrompue de la mort. En fuyant, ils obéissaient simultanément à deux préceptes : celui de ne pas se donner la mort eux-mêmes, et celui de souffrir la persécution pour la justice ; car la fuite est souvent un supplice plus terrible que le trépas. Celui qui a exhalé le dernier soupir ne souffre plus. Au contraire, celui qui fuit est exposé, chaque jour et à chaque heure, à des misères sans nombre. La mort lui serait plutôt une délivrance.

Aussi ceux qui périssent dans la fuite, durant la persécution, ne meurent pas sans gloire. Eux également méritent et obtiennent la couronne du martyre. Ils montrent leur invincible force d’âme, en se condamnant, pour l’amour de Dieu, et par obéissance à ses lois souveraines, à un genre de vie qui est, pour eux, un martyre de chaque instant, c. xvii, col. 667.

6. Un siècle et demi avant saint Athanase, Clément d’Alexandrie avait enseigné les mêmes doctrines, mais en allant même plus loin. Le Sauveur nous recommande, dit-il, de fuir pendant la persécution, parce qu’il ne veut pas que nous nous exposions de nous-mêmes à la mort. En le faisant, nous serions les complices des persécuteurs dans l’iniquité qu’ils méditent de perpétrer. Si celui qui tue un homme pèche, celui qui s’offre de lui-même aux assassins est coupable de sa propre mort et commet une faute grave, car, autant que cela dépend de lui, il favorise la réalisation des mauvais desseins des impics. Slrom., IV, c. x, P. G., t. viii, col. 1286. Si non seulement il se livre imprudemment a eux, mais si, de plus, il les irrite, il est comme celui qui provoque témérairement une bête

et devient une cause plus cllicace encore du crime, qui est commis, col. 1287.

Cependant, sou*— l’inspiration de Dieu, plusieurs -.lints onl agi autrement, et, loin de se rendre coupables, ont donné l’exemple d’un courage des plus héroïques. La soif du martyre et leur grand amour de Dieu les ont portés a des actes que l’on pourrait consicomme la dernière limite de la témérité, si l’on v.iil qu’ils furent l’effet de la grâce descendue bondante en eux. <>n connaît, par exemple, lublime lettre de saint Ignace, évêque d’Antioche, conduit enchaîné à Rome, pour y ttre aux fauves de l’amphithéâtre, sous le Trajan. Dans son désir ardent

de devenir, suivant son expression, le froment du Uirisl, il souhaitait d’être au plus tôt moulu par les

dent h : s’écriait ii, qu’elle

ut vile poui me dévorer. Qu’elles ne fassent pas moi comme pour d’autres serviteurs du 1

it pas les touiller. Si elles m

veulent pas venir à moi, j’irai à elles ; je les exciterai pour qu’elles me mettent en pièces et ne laissent rien subsister de mon corps. Ad Rom., iv, 1, 2, Funk, Patres aposlolki, Tubingue, 1901, t. i, p. 256. Cf. Mcehler et Reithmayr, La patrologie, ou histoire littéraire des trois premiers siècles de l’Église clirélienne, part. 1. § 1, n. 4, 2 in-8°, Paris, 1813, 1. 1, p. 128-130 ; Mgr Freppel, Les Pères apostoliques et leur époque, leçon xviir. in-8°, Paris, 1859, p. 388-398 ; Fessier et Jungmann. Institutions palrologiæ, 3 in-8°, Inspruck, 1890-1896, part. II, c. i, § 36-37, t. i, p. 146, 155 ; Bardenhewer, Les Pères de l’Église, leur vie et leurs écrits, I re période, 1. I, § 9, 3 in-8°, Paris, 1905, t. i, p. 70. Saint Jean Chrysostome rapporte un fait analogue dans le panégyrique des trois saintes martyres, Bernice, Prosdoce, vierges, et Domnina, leur mère, qui se jetèrent dans un fleuve pour éviter le déshonneur dont les bourreaux les menaçaient. P. G., t. l, col. 638 sq.

7. Sauf les cas de ce genre, où Dieu découvre sa volonté par les impulsions presque irrésistibles de sa grâce toute-puissante, Clément d’Alexandrie affirme, non sans raison, que se présenter de soi-même au bourreau peut être considéré comme une témérité coupable. C’est s’exposer à l’apostasie que de se jeter imprudemment dans le danger. Est-on en droit de compter sur le secours de Dieu, si l’on va, de soimême, à ce redoutable combat ? Slrom., IV, c. x, P. G., t. viii, col. 1286. Il est bon de se défier de ses propres forces. La témérité, fille de l’orgueil, engendre la faiblesse et prépare la chute. Si Pierre avait été moins téméraire, ou plutôt, disons le mot : s’il avait fui comme les autres apôtres, il n’aurait pas renié son divin Maître, par trois fois, à la voix d’une simple servante. La crainte fondée de ne pouvoir supporter les supplices serait une cause suffisante de fuir devant la persécution. Non seulement, dans cette persuasion, la fuite serait permise et licite ; mais elle serait strictement obligatoire, sub gravi.

Tel n’était pas assurément le sentiment de Tertullien. Avec quelle vigueur et quelle inconséquence il s’élève contre ceux qui pensaient et agissaient de la sorte ! Pour les convaincre de leur prétendu crime. son génie, toujours porté aux extrêmes, le fit tomber dans les plus profondes aberrations. Vous fuyez pour éviter de renier Dieu, leur disait-il ; niais êtes-VOUS certains, on non.de le renier ? Si VOUS en êtes certains, vous l’avez renié déjà ; donc votre fuite est fort inutile, varie jam jugis ne neges, qui jam negastil Si. au contraire, vous n’êtes pas certains de le renier, pourquoi ne pas penser plutôt que vous le confesserez vaillamment ? Votre incertitude affectant les deux hypothèses, pourquoi prendre la pire, et non pas la meilleure, si c’est en votre pouvoir de le renier ou de le confesser ? A moins que vous ne vouliez le confesser qu’à la condition de ne pas souffrir. Mais refuser de le confesser ainsi, c’est le renier. De jugu in persecttttoite, c. vi, /’. /.., t. ii, col. 108.

Pourquoi, plus sagement, ne pas VOUS en remettre à Dieu, au lieu de fuir ? Xe peut il pas. si vous fine/, vous raniener de force devant les bourreaux ? Et, si vous ne fuyez pas, ne peut il point vous protéger

contre leur fureur, ou vous rendre invincible ? l’om quoi donc ne pas il ire : Moi, je reste ! Que Dieu faS !

qu’il voudra, s’il veut me protéger, il me protégera assurément, Dominus est, facial quod vult : nondtsctdo ; Drus si voluerit, ipse me protegel ; et s’il veut que je me perde, il me perdra, et si petite me volet, ipse nu— perdel. .le préfère lui laisser la responsabilité de ma perte, en me perdant par sa Volonté, que d’exciter son courroux, en me sauvant par la mienne. Malo ini’irfium ci fnccrc jiir viilunlulem //isn/v percundn. quum bilan,

pri iiiiiiin evadendo, c. v, x. col. i ||S. 113.

Oubliant que la libelle humaine reste intæle sous