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FRUITS DU SAINT-ESPRIT


sur la qualité de ces attributs plutôt que sur leur distinction numérique. Il n’y aurait, en ce cas, vi texlus, qu’un fruit de l’Esprit, comme ailleurs un don de l’Esprit. Voir Dons du Saint-Esprit, t. iv, col. 1732. Cf. F. Siefîert, Der Brief an die Galater, Gœttingue, 1899, p. 326 ; Th. Zahn, Der Brief des Paulus an die Galater, 2e édit., Leipzig, 1907, p. 266.

11 faut avouer cependant que la distinction numérique des fruits de l’Esprit est dans la logique de l’ensemble du texte de saint Paul. Les œuvres de la chair, numériquement distinctes, y sont opposées au fruit de l’Esprit et à ses qualificatifs. On a pu s’autoriser aussi pour passer du singulier au pluriel de rapprochements de textes. Les bonnes œuvres sont souvent nommées fruits dans le Nouveau Testament. Exemples : A fructibus eorum cognoscetis eos… Arbor bona frucius bonos facit. Matth., vii, 16-18. En fait, Origène rapproche Gal., v, 22-23, de Luc, iii, 8 : Facile ergo frucius dignos pœnitentiæ. Cf. Act., xxvi, 20, Tfj ; u.s.-ot.vocac ïo-fOL.

Aussi la plurification des fruits s’est-elle faite de bonne heure. Une enquête sommaire ne nous a laisse découvrir aucun témoignage à l’appui jusqu'à Origène, mais chez Origène la doctrine des fruits (au pluriel) est courante. Cf. In Matth., tom. xvi, n. 29, P. G., t. xiii, col. 1469 ; In Lue., homil. xxii, ibid., col. 1858 ; In Epist. ad Rom., 1. VI, n. 14, P. G., t. xiv, col. 1102. Saint Augustin poussera jusqu’au bout le parallélisme des fruits avec les opéra carnis en nommant explicitement ceux-là : opéra spirilus. In Epist. ad Gal., P. L., t. xxxv, col. 2140.

4° Saint Ambroise avait cependant relevé l’intentionnelle opposition de frucius et d’opéra. In Epist. ad Gal., P. L., t. xvii, col. 368. Cette opposition est vigoureusement accentuée par saint Thomas en ces termes : Quod producitur ex aliquo prseter ejus naturam non habet rationem frucius, sed quasi (dlerius germinis : opéra autem carnis ctpeccata surit prseter naturam eorum quse Deus noslrse. naturæ inseruil… et ideo, quia opéra viriutum ex his naturaliter producuntur, fructus dicuntur, non autem opéra carnis. In Epist. ad Gal., lect. i. Cf. Sum. theol., I a II æ, q. lxx, a. 4, ad l um. Le mot frucius marque donc, par son opposition au mot opéra, le caractère naturel et en quelque sorte vital du produit. Swete souscrit à cette manière de voir : « La fructification, dit-il, est un processus naturel et nullement mécanique, révélant la présence d’une vie intérieure. » Loc. cil.

Mais l’analogie du fruit n’est pas épuisée par ce premier caractère de la connaturalité du produit. Un fruit n’est pas un produit naturel quelconque : il éveille généralement l’idée de saveur, de délectation sensible. Cum suavilate percipitur, dit saint Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ, q. xi, a. 1. Fructus est id quod ex planta producitur, cum ad }nrfi clioncm pervenerit et quamdam in se mavilatem habit. Ibid., q. lxx, a. 1. Fructus in sui ratione importât quamdam delectationem. Ibid., H « II", q. 'xxvi, a. 1, ad 3°"'. Cette signification est sans doute fondée sur l’assonance des termes latins fructus et frui qui, selon la remarque de saint Thomas, , /-/ idem perlinere videntur, ibid., q. xi, a. 1 ; mais le grec la justifie également, le verbe xapit6u>, porter des fruits, comportant au moyen la forme xapnrfo|uu, récolter, "ii. jouir de. Cf. le carpere latin, et son extensif : le carpe diem d’Horace. L'étymologle it d’ailleurs Ici que traduire en langage de sens nun une assimilation courante. Celle assimilation, lainl i homa en rencontrer une appli' aux fruits -| (. l’Esprit dans un texte qu’il attribuai ! a saint Ambroise : Vlrtules frucius dicuntur '/'"" tsores sancia et stneera delectatione reftctunl. In l Seni., l iii, dist. XXXIV, q. i. um. theol., I « II « , q. iw.'.i. i. ; kI 2° I

ne se trou -e pas tel quel dans saint Ambroise, mais, comme le dit une note marginale de Nicolaï, c’est le résumé d’un passage du De paradiso, c. xiii, P. L., t. xiv, col. 307. Cf. S. Augustin, Epist. ad Gai, n. 49, P. L., t. xxxiv, col. 2141. Quoi qu’il en soit, l’application aux fruits de l’Esprit va de soi, si tant est, comme le dit Aristote, qu’une délectation soit annexée à toute opération procédant d’une vertu perfectionnant la nature. III Eihic, c. vi, vu. Cf. S. Thomas, In IV Seul., loc. cit. Conformément à ces notions, nous dirons donc avec saint Thomas que les actes humains peuvent être regardés comme des fruits de l’homme, fruits de sa raison, s’ils procèdent de ses facultés naturelles, fruits du Saint-Esprit, s’ils procèdent de l’homme, sous l’influence du Saint-Esprit, laquelle est en nous, selon saint Jean, I Joa., iii, 9, comme une semence divine. Sum. theol., IIa-IIæ, q. lxx, a. 1. Il nous semble, quoi qu’en pense l’abbé de Bellevue, op. cit., p. 217, que la signification des fruits de l’Esprit suggérée par cette nouvelle analyse de l’analogie paulinienne ne dépasse pas les termes du texte et qu’elle explicite bien la véritable pensée de l’apôtre.

On objecte que, s’il en est ainsi, les bonnes œuvres faites sans plaisir ne seront plus des fruits de l’Esprit, ce qui semble assez paradoxal. Mais c’est là comprendre bien matériellement le procédé analogique. Une analogie ne se transporte pas en nature, mais se transpose. Comme le fruit produit la délectation sensible, le fruit de l’Esprit produit la satisfaction spirituelle, voilà l’analogie. Cette joie spirituelle est toute de conscience, propter honestalem quam conlinel delectabile in virtuosis. Sum. theol., loc. cit., ad 2 ura. Elle ne fait jamais défaut, étant la propriété même de l’action vertueuse. La patience et la longanimité, par exemple, ne se développent qu’en présence de choses affligeantes, videntur in rébus contristanlibus esse ; mais n’est-ce pas déjà une satisfaction pour l’esprit que de ne pas se sentir troublé, de garder son calme rationnel ou surnaturel, au milieu même des afflictions ? S. Thomas, loc. cit., a. 3, ad 3um.

Faut-il pousser davantage encore l’analogie et, dans la définition du fruit : id quod est ultimum delectationem habens, insister sur le caractère de développement suprême, ultimum, du germe primitif ? Nous pensons qu’ici on quitterait le sens obvie du texte pour tomber dans les spéculations systématiques de saint Augustin et de saint Thomas sur la fruition. Voir plus loin.

5° Mais, que signifie exactement le mot : Esprit, dans l’expression : fruit de V Esprit* ! L’ensemble du contexte manifeste qu’il s’agit, non de l’esprit naturel de l’homme, mais de l’Esprit divin. L’esprit humain, comme tel, en effet, n’est pas avec la chair dans un antagonisme aussi direct, aussi radical que celui qui est décrit dans ce passage. Mais, cela accordé, il reste à savoir si le mot Esprit désigne in recto l’Esprit sanctificateur lui-même, la personne du Saint-Esprit, ou simplement l'âme sanctifiée et sanctifiée par lui. Cf. I’rat, l.a théologie de saint Paul, Taris, 1912, t. ii, p. 110. Saint. Jean Chrysostome se prononce pour la

seconde alternative. In Epist. ad Gal., v, 22, /'. '..

t. i.xi, col. 073-67 f. C’est aussi l’opinion de saint Thomas, puisque, pour lui, les fruits du Saint-Esprit sont des actes humains émis par l’homme lui-même, sous l’influence du Saint-Esprit. El cette manière de voir s’accorde bien avec le caractère de produit naturel,

qu’avec s, ont Thomas et Swete nous avons reconnu appartenir 6 l’expression : fruit. 8 Y a fil un ordre intentionnellement voulu dans

la liste des fruits de l' Esprit dressée par saint Paul'.' Celte liste, s ; ms doute, n’est p.is absolument close

comme énumératton ; peut-être cependant fournil elle des lignes générales assez significatives pour ensem i l’ensemble de la vie spirituelle. Il nous semble qu’il eu