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FRUITS DE LA MESSE — FRUITS DU SAINT-ESPRIT


ceux-ci peuvent avoir besoin. Les supérieurs réguliers ont le même droit vis-à-vis de leurs sujets : ceux-ci sont tenus d’obéir, en justice s’il s’agit de messes dont le supérieur revoit les honoraires et qu’il fait appliquer par ses religieux, par obéissance dans les autres cas. 4° Comment la messe doit-elle être appliquée ? — Parmi les nombreuses questions que se posent les théologiens et qui appartiennent à la casuistique plus qu'à la théologie morale proprement dite, les deux suivantes ont une importance particulière :

1. A quel moment doit se faire l’application de la messe'.' — Elle doit nécessairement exister au moment où le sacrifice est accompli dans son essence ; il faut donc l’avoir faite avant la consécration. Et comme il est à peu près certain que le sacrifice n’est totalement effectué que par la double consécration, on admet généralement qu’une application faite seulement avant la seconde consécration serait encore valide. Mais c’est l’unique condition de temps. Un prêtre peut avoir formulé longtemps d’avance son intention ; alors même qu’il ne penserait pas à la renouveler avant la messe, l’intention persiste, non actuelle, ni virtuelle, mais habituelle, et cela suffit. L’application de la messe, dit saint Alphonse de Liguori, Theologia moralis, n. 335, p. 325, « est comme une donation verbale qui, une fois faite, vaut tant qu’elle n’a pas été expressément révoquée. »

2. Comment doit-elle être déterminée ? — Le principe est qu’il appartient au prêtre seul d’appliquer la messe et de déterminer la ou les personnes qui doivent en bénéficier. Il doit appliquer lui-même la messe : si donc il se contentait de célébrer sans avoir formulé aucune intention, ou s’il laissait à Dieu ou à la sainte Vierge le soin d’appliquer le saint sacrifice selon leurs intentions, une telle application serait nulle et les fruits sans profit pour personne entreraient dans le trésor de l'Église ; « ni la sainte Vierge, … ni Dieu ne se chargent de gérer nos affaires personnelles à notre place. » Ami du clergé, 2 juillet 1908, p. 618. Mais, d’autre part, il suffit que l’intention soit tellement déterminée que les fruits de la messe ne restent pas en suspens ; peu importe que le célébrant détermine explicitement son application, c’est-à-dire qu’il ait en vue telle personne qu’il connaît, ou qu’il ne le fasse qu’implicitement, c’est-à-dire que, sans savoir exactement pour qui il dit la messe, il se réfère à une intention bien nette formulée antérieurement par lui ou par d’autres ; dans l’un et l’autre cas, Dieu sait d’une manière précise à qui, selon l’intention du célébrant, doivent aller les fruits de la messe. Voir dans Noldin, n. 177, p. 207, diverses formes d’application qui, sans être explicitement déterminées, sont suffisantes.

S. Thomas, Sum. theol., III", q. lxxix ; Bellarmin, Controv., De sacramento eucharistiæ, I.VII, Paris, 1872, t. IV, p. 369 sq. ; Suarez, De sacramentis, part. I, disp. LXXVIIILXXIX, Venise, 1747, t. xviii, p. 803 sq. ; de Lugo, Tractatus de venerabili eucharistiæ sacramento, disp. XIX, sect. ix-xii, dans Aligne, Théologies cursus completus, t. xxiii, col. 753 sq. ; S. Alphonse de Liguori, Theologia moralis, 1. VI, tr. III, c. iii, n. 308 sq., 334 sq., Rome, 1909, t. iii, p. 287 sq., 321 sq. ; Franzelin, Traitatus de SS. eucharistiæ sacramento et sacrificio, part. II, th. XII, xiii, Rome, 1887, p. 364 sq. ; Gihr, Les sacrements de l'Église catholique, Irad. Mazoyer, Paris, s. d., t. ii, p. 351 sq. ; Le saint sacrifice de la messe, trad. Aloccand, Paris, s. d., t. i, p. 138 sq. ; Billot, De Ecclesiæ sacramentis, th. lv, lvi, Rome, 1896, t. i, p. 582 sq. ; Rosset, De… eucharistiæ mysterio, part. II, c. v, vi, Chambéry, 1876, p. 589 sq. ; Gasparri, Traclatus canonicus de sanctissima eueharistia, c. iv, sect. ii, a. 2, Paris, 1897, t. i, p. 329 sq. ; Gennari, Consultations de morale, part. I, cons. c.xxxiii, trad. Boudinhon, Paris, 1908, t. ii, p. 418 sq. ; Ojetli, Synopsis rerum rnoralium et juris pontificii, au mot Sacri/icium, Rome, 1912, t. m ; col. 3526 sq. ; Noldin, Summa théologies moralis, paît. III, De sacramentis,

n. His gq., Inspruck, 1912, t. iii, p. 193 sq ; et tous les moralistes, au traité du sacrifice de la messe.

L. GODEFROY.

    1. FRUITS DU SAINT-ESPRIT##


2. FRUITS DU SAINT-ESPRIT.—' I. Théologie positive. II. Théologie spéculative.

I. Théologie positive.

1° Saint Paul, au c. v, 22, 23, de l'Épître aux Galates, oppose le fruit de l’Esprit, (', xapitô ; toû -vs-ji-iato :, aux œuvres de la chair, ih. ïp-ya. xrfi ?xpxô ;, 19. Le texte grec, les plus anciens manuscrits de la Vulgate, les Pères grecs, les versions anciennes autres que la Vulgate ne connaissent que neuf fruits de l’Esprit. La Vulgate clémentine en recense douze : charilas, gaudium, pax, palienlia, benignilas, bonilas, . longanimitas, mansueludo, fides, modestia, continenliu, caslilas. Vraisemblablement, certains mots du texte grec ont donné lieu à des traductions latines divergentes. Les variantes de ces diverses traductions ont été ensuite réunies, juxtaposées et fondues dans la liste duodénaire de notre Vulgate. C’est ainsi que des neuf fruits de l’original il est résulté douze fruits. A l’appui de cette assertion, Cornely remarque que le terme (jLa/.pof)-jjj. ; 'a de la liste grecque est rendu, dans d’autres passages de la Vulgate, tantôt par palientia, tantôt par longanimitas ; de même irpaÛT7)ç par mansueludo et modestia ; è-fxpitêix par continenliu et caslitas. Comment, in S. Pauli Epist., Paris, 1892, In Epist. ad Gal., v, 22, p. 586.

2° Il n’y a donc pas à faire fonds sur les spéculations qu’a inspirées le nombre duodénaire des fruits du Saint-Esprit. Saint Ambroise en recensait dix et y voyait une allusion au décalogue. In Epist. ad Gal., P. L., t. xvii, col. 368. Saint Thomas rapproche les douze fruits du Saint-Esprit de l'Épître aux Galates des douze fruits de l’arbre de vie de l’Apocalypse, xxii, 2. Sum. theol., Ia-IIæ , q. lxx, a. 3. Il n’y a pas davantage à s’arrêter, comme pour les sept dons, à la signification mystique de plénitude ou d’universalité, que signifierait le nombre douze, comme le font Froget, De l’habitation du Saint-Esprit dans les âmes justes, Paris, 1900, p. 432, et de Bellevue, L'œuvre du Saint-Esprit, Paris, 1901, p. 277.

L'énumération des fruits du Saint-Esprit répond chez saint Paul à une énumération des œuvres de la chair bien plus longue et terminée par ces mots /.ai Ta S|j.oia to’jtoi :, et his similia, 21. Nous n’avons donc pas affaire, ni dans ce cas ni dans l’autre, aune liste fermée, comme celle des vertus théologales, par exemple. Cf. I Cor., xiii, 13. Saint Augustin estime que l’apôtre n’a pas eu l’intention de nous dire combien il y a de fruits de l’Esprit ou d'œuvres de la chair, mais de manifester à quel genre d’actes les fruits appartiennent. In Epist. ad Gal., ꝟ. 22, P. L., t. xxxv, col. 2140 sq. Et saint Thomas, rapportant le sentiment de saint Augustin, conclut : Unde potuissent vel plures, vel eliam pauciores fructus enumerari. Loc. cit., ad 4um,

3° Tandis que les œuvres de la chair sont mises au pluriel dans le texte grec, ta epya, le fruit de l’Esprit est signifié au singulier, ô Zk xapTro ;. Swete voit là une insistance sur le caractère d’unité de l’action de l’Esprit. The holy Spirit in the New Testament, Londres, 1909, p. 209. Même pensée chez J. Weiss, Die paulinischen Briefe, Leipzig, 1902, p. 364, et chez Cornely qui rapproche cette expression de la théorie de la connexion des vertus de saint Thomas, Cajétan, etc. Loc. cit., p. 586.

Nous irons plus loin. L’intention première de l’apôtre ne serait-elle pas, non d'énoncer une multiplicité numérique de fruits, mais de qualifier l’unique fruit de l’Esprit ? En d’autres termes, la phrase : fructus Spirilus est charilas, gaudium, pax, etc., ne serait-elle pas du même type que cette autre : A r o ; i est enim regnum Dei esea et potus, sed justitia, et pax, et gaudium in Spiritn Sancto ? Rom., xiv, 17. L’accent y semble mis