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. Il FRÈRES PRÊCHEURS (LA THÉOLOGIE DANS L’ORDRE DES !

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versis dogmatibus Christi fidem depascatur ; pro qua lulanda majores olim noslri scribendo atque prsedicando, vilas, corpora, animasque posuere. Acla cap. gen., t. iv, p. 180.

Les prêcheurs qui entrèrent en lutte contre Luther par la plume pendant les premières années des troubles luthériens (1518-1521) ont fourni la principale part de la polémique catholique, et ils ont droit, semble-t-il, à ce qu’on écrive ici leurs noms : Jean Tetzel, Silvestre Prierias, Isidore de Isolanis, Thomas Radini-Tedeschi, Ambroise Catharin, Thomas de Vio, Cyprien Benêt, Jacques Hochstraten, Eustache de Zichenis.

Les prêcheurs allemands fournirent, comme de Juste, le premier et le principal effort contre Luther et la révolution protestante. N. Paulus, qui s’est fait l’historien de ceux qui furent le plus en évidence, leur a consacré trente-trois monographies. Tous ont lutté par la parole et l’action, et aussi, pour la plupart, par la plume. Nous rencontrons parmi les principaux polémistes Jean Mensing, Pierre Sylvius, Matthieu Sittard, Jean Dietenberger, Ambroise Pelargus, Michel Vehe, Jean Fabri de Heilbronn, Barthélémy Kleindienst. Les prêcheurs italiens se rencontrèrent aussi les premiers et les plus nombreux pour faire face à Luther et à ses adeptes. Le récent historien des adversaires littéraires italiens de Luther, F. Lauchert, écrit : « Entre les différents ordres religieux, les dominicains, en Italie comme en Allemagne, occupent, par leur nombre, la place principale, » p. 1-2. Ceux qui furent les plus actifs, et qui jouissent d’une particulière réputation, sont Silvestre Prierias, Ambroise Catharin et Thomas Cajétan. N. Paulus, Die deutschen Dominikaner im Kampfe gegen Luther (1518-1563), Fribourg-en-Brisgau, 1903 ; F. Lauchert, Die ilalienischenliterarischen Gegner Lulhers, Fribourg-en-Brisgau, 1912 ; H. de Jongh, L’ancienne faculté de théologie de Louvain au premier siècle de son existence (1432-1540), Louvain, 1911 ; J. Schweizer, Ambrosius Calharinus Polilus (1484-1 553), Munster, 1910.

Les prêcheurs qui se montrèrent les vaillants défenseurs de l’Église en face du protestantisme eurent à souffrir de suspicions peu ou point justifiées dans la personne de quelques-uns des nombreux prélats qui occupaient des charges épiscopales. Le danger était tel dans l’Église que les moindres soupçons créaient les plus graves embarras aux chefs des diocèses. C’est ainsi qu’en 1548 Jacques Nachianti, évêque de Chioggia, fut menacé d’un procès en cour de Rome, dont il sortit d’ailleurs parfaitement indemne. G. Buschbell, Reformation und Inquisition in Italien um die Mille des xvi Jahrhunderls, Paderborn, p. 160. Gilles Foscarari, évêque de Modène, fut impliqué, en 1558, dans le procès du cardinal Morone, mais il fut pleinement réhabilité, en 1560, par le cardinal Alexandrin, inquisiteur général, et Foscarari comme Nachianti parut avec honneur au concile de Trente. Scriplores ord. præd, , t. ii, p. 185. La cause du célèbre Barthélémy de Carranza, archevêque de Tolède et primat d’Espagne, fut motivée par la publication de son catéchisme en langue vulgaire, Anvers, 1558. Son long procès, commencé en Espagne et achevé à Rome, fit éclater la sainteté de sa vie sans porter atteinte à à l’intégrité de sa foi. Scriplores ord. præd., t. ii, p. 236 ; Colecciôn de documenlos inédilos para la Hisloria de Espana, Madrid, 1844, t. v ; Menedez Pelayo, Los heterodoxos Espanoles, Madrid, 1880, t. ii, p. 359 ; B. Martin Minguez, Vindicacion deljSr. D. Barlolomé Caranza de Miranda, arzobispo de Toledo, Madrid, 1902 ; J. Cuervo, Carranza y et Dr. Navarro, dans Reuisla Ibero-Americana, t. m (1902), p. 601 ; t. iv (1902), p. 50, et La ciencia tomisla, t. vi (1913), p. 369.

Les prêcheurs payèrent d’ailleurs de leurs biens et de leurs personnes, dans tous les pays où sévit le (léau des guerres de religion, engendré par le protestantisme. Un nombre considérable de couvents furent pillés et ruinés, leurs habitants maltraités, et un assez grand nombre de religieux mis à mort. L’un d’entre eux, Jean de Gorcum, a été canonisé. Les religieuses dominicaines d’Allemagne, en présence des séductions et des violences de la réformai se montrèrent particulièrement héroïques. A. Mortier, Histoire des maîtres généraux de l’ordre des /r< prêcheurs, t. v ; K. Hothenhànsler, Standhaftigkeit der allwurlembergischen Kloslerfrauen im Reformations-Zci [aller, Stuttgart, 1884.

IV. LA TBÉOLOG1E BUMAXISTE ET LE CATHARIXISME.

— Quelques théologiens dissidents de l’ordre des frères prêcheurs allaient, au xvie siècle, comme Durand de Saint-Pourçain, au xive siècle, créer des courants théologiques nouveaux. L’un d’entre eux fut Ambroise Catharin Politi. Les nouvelles doctrines sur la prédestination et la grâce, que cet écrivain mit en circulation, avaient des antécédents chez les théologiens humanistes du xvi° siècle ; mais aucun d’eux ne les exposa d’une façon aussi systématique ni les soutint avec autant d’audace que lui. C’est pourquoi le catharinisme incarne plus spécialement les déviations de la théologie humaniste.

Le centre du rudiment doctrinal qui forme la théologie de Luther était la négation du libre arbitre. Cette position devait être particulièrement battue en brèche par les théologiens catholiques. « Malheureusement, les premiers polémistes catholiques, qui s’engagèrent dans cette voie, étaient peu et mal préparés à cette entreprise. Ils appartenaient au milieu humaniste, tout au moins n’étaient-ils pas des professionnels de la théologie. En défendant les thèses de l’orthodoxie catholique contre le dogme luthérien, ils abandonnèrent plus ou moins complètement la grande direction créée dans ces matières par saint Augustin et saint Thomas d’Aquin, laquelle dominait depuis longtemps, malgré quelques dissonances secondaires, la théologie catholique. Pris au dépourvu d’une formation technique et sûre, ils se livrèrent à leur goût et à leur initiative personnels, cherchant à s’abriter, tant bien que mal, derrière quelques écrivains grecs, tels qu’Origène et Chrysostome, dont les vues éparses n’avaient jamais constitué un système en ces matières, ni joui dans l’Église d’un appréciable crédit. L’intervention de ces théologiens improvisés eut pour effet de créer, à l’intérieur de la théologie catholique, une nouvelle antithèse, dont les coi quences allaient être de longue portée. Pendant près de deux siècles et demi, les polémiques dogmatiques dans l’Église catholique devront se mouvoir sur le terrain délimité par la dogmatique luthérienne, et mettre aux prises les anciennes écoles augustinienne et thomiste avec les théories issues de la théologie humaniste. »

La polémique d’Érasme et de Luther sur le libre arbitre (1525-1527) ouvre le feu avec fracas, bien qu’avec peu de lumière. L’humaniste, sans étude de la théologie classique de l’Église, improvise ses solutions ; et malgré sa circonspection, il en vient à affirmer des énormités, comme celle-ci : Sine Dei volunUde nihil fil, faleor ; sed generaliler illius volunlas pendet a nostra voluntate. H. Humbertclaude, Érasme et Luther. Leur polémique sur le libre arbitre, Paris, 1910 : K. Zickendraht, Der Slreitzwischen Erasmus und Lutlier uber die Willensfreiheil, Leipzig, 1909 ; Ch. Andler, Étude critique sur les relations d’Érasme et de Luther, Paris, 1909 ; Ch. Goerung, La théologie d’après Érasme el Luther, Paris, 1913. Jacques Sadolet, un des grands humanistes italiens et évêque de Carpentras, plus tard