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FRÈRES PRECHEURS (LA THÉOLOGIE DANS L’ORDRE DES)


i iaître généra] de l’ordre, Salvo Cassetta, ordonne : quod indefeclibiliter, semel in die non celebri, universaliter regens vel aliquis magislrorum loco ejus, nisi infirmiias vel aliu raiionabilis causa obstiteril, légal in partibus sancti Thomse. Analecla ordinis prsedicatorum, t. m (1895), p. 377. Gaspar Grunwald de Colmar, le professeur dominicain de théologie à l’université de Fribourg-en-Brisgau, eut affaire avec le sénat universitaire parce qu’il lisait la Somme de saint Thomas au lieu de la Bible. H. Schreiber, Gcschichle des Albert Ludwigs=Universitàt zu Freiburg im Brisgau, Fribourg-en-Brisgau, 1857, t. i, p. 131. Pierre Crockært de Bruxelles, au début du xvie siècle, interprète la Somme à l’université de Paris. Scripl. ord. prsed., j t. ii, p. 29. Le chapitre général de Valladolid, en 1523, ; confirmait en loi l’usage pour le couvent de Paris : ut (magistri et baccalaurei) ad minus 1res lecliones quolidie de sancto Thoma, in scola suo nomini sacra, legantur. Acta cap. gêner., t. iv, p. J86. Jean Dietenberger, récent du couvent de Trêves, commence d’interpréter le 17 janvier 1518, la I" IIe, H. Wedewer, Johannes Dietenberger, Fribourg-en-Brisgau, 1888, p. 35 ; François de Victoria, le disciple de Pierre de Bruxelles, commenta la Somme théologique pendant son enseignement à l’université de Salamanque (1526-1546). La ciencia lomisla, Madrid, t. m (1912), p. 29. D’autres universités suivirent le mouvement : Bostock, en 1520, O. Krabbe, Die Universitâl Rostock, Bostock, 1854, p. 321, Cologne, en 1570 ; F. G. von Bianco, Die aile Universitâl Kôln, Cologne, 1856, Anlagen, p. 335 ; Ingolstadt, en 1575 ; C. Prantl, Geschichte der Ludwig Maximilians - Universitâl in Ingolstadt, Landschul, Mùnchen, 1872, t. ii, p. 295 ; Louvain, en 1596, R. Martin, L’Introduction officielle de la « Somme théologique » dans l’ancienne université de Louvain, dans la Revue thomiste, t. xviii (1910), p. 230). Enfin, nous citerons les ordonnances du chapitre général de Salamanque, en 1551, parce qu’il nous présente en raccourci l’esprit de l’autorité de l’ordre dans les matières de l’enseignement et qu’il établit le texte de la Somme de saint Thomas pour toutes les écoles de l’ordre : Ordinamus ut non solum in sacra theologia, sed eliam in pliilosophia, ab omnibus lectoribus legatur, dcclaretur cl defendatur stmper doclrina sancti Thomse, sicut mandatum est a patribus nosiris in pluribus capitults generalibus ; ita ut in summulis legatur ab omnibus Pelrus Hispanus, et bene intelligatur, rejectis sophislicis argutiis ; in logica, textus Aristolelis, et in pliilosophia similUer, cum inlegro commento sancti Thomse, reliclis inutilibus et sophislicis argumenlis. In sacra theologia, item declaretur lotus articulus, scilicet sancti Thomse, et ex ipsomet sancto Thoma elucidetur, et difficultatibus respondentur, ut habetur apud Capreolum et Cajelanum, relictis propriis phanlasiis et scarlafaccis, a quorum scribendorum obtigalione omnes et singulos scholares absolvimus, nolentes eos ad id posse a quoquam, magistro generali inferiore, de cselero obligari. Acta cap. gen., t. iii, p. 316.

La conséquence de l’introduction de la Somme théologique de saint Thomas comme livre de texte fut l’apparition de la longue lignée des commentateurs de la Somme. Les premiers commentaires de la Somme théologique sont ceux de Thomas de Vio Cajétan, composés de 1507 à 1522, considérés comme l’interprète classique de saint Thomas ; ceux de Conrad Kôllin, sur la P IP, Cologne, 1512 ; ceux de François de Victoria, demeurés manuscrits († 1546) ; ceux de Barthélémy de Médina, sur la P IP, Salamanque, 1577, et la IIP, Salamanque, 1578 ; ceux de Dominique Banez sur la P, Salamanque, 1584-1588, la IP IP, 1584-1594, et la IIP, demeuré en manuscrit. Les commentaires de François Silvestiï de Ferrare sur la Somme contre les gentils jouissent d’une grande

autorité. Venise. 1534. Scripl. ord. j>r ; cd., t. n ; Hurter, Nomenclator, t. ii-m.

II. L’BUMAlfISMB. Il LA THÉOLOGIE IUOJIISTE. —

La décadence théologique du xive et du xve siècle fut l’œuvre des écoles dissidentes du thomisme, surtout du nominalisme. Les commentaires de Gabriel Biel sur les Sentences peuvent donner une idée de l’état de poussière où était tombé l’enseignement théologique au début du xvie siècle. Gardée contre les dangers de la décadence par l’étude constante des œuvres de saint Thomas, son école ne se perdit ni dans les subtilités, ni dans les doctrines aventureuses. Thomas de Vio Cajétan, dont l’œuvre philosophique et théologique est de tout premier ordre, en est encore à la méthode d’exposition médiévale. Sans doute il est un théologien de transition par son originalité et son indépendance personnelle ; mais sa méthode comme sa langue sont encore médiévales, et c’est à cela, après son incomparable talent, qu’il doit sa supériorité, même sur les plus grands thomistes de l’ère nouvelle.

Une collectivité, comme celle des prêcheurs, voués par vocation à la vie doctrinale, ne pouvait se soustraire entièrement au grand mouvement littéraire humaniste de la fin du xve et du commencement du xvie siècle. Si les prêcheurs luttèrent contre les imprudences et les audaces de l’humanisme, spécialement contre Beuchlin et Érasme, ils n’en subirent pas moins l’action de la Benaissance dans le domaine des lettres et des arts. Ils fournirent même à ce double mouvement des contributions très remarquées, soit avec des lettrés à la façon de François Colonna, l’auteur du célèbre Songe de Poliphile (1499), et de Matthieu Bandello, un des nouvellistes italiens les plus connus du xvi c siècle ; soit avec des artistes comme fra Bartolomeo, Guillaume de Marcillat et fra Carnavale. Mais ce qui nous intéresse ici, c’est l’action que l’humanisme exerça sur les théologiens dominicains.

Ce furent les prêcheurs espagnols qui entrèrent le plus rapidement et le plus généralement dans le mouvement d’humanisation de la théologie. Cette révolution fut l’œuvre de François de Victoria. Éduqué à l’université de Paris, où il eut pour maître Pierre de Bruxelles, Victoria porta en Espagne un programme de rénovation théologique qu’il exécuta pendant les vingt années d’enseignement pendant lesquelles il occupa la première chaire de théologie de 1 université de Salamanque (1526-1546). Nouveau Socrate, Victoria, dans son enseignement, ne donna d’autre fruit que celui que sa parole exerça sur un nombre considérable d’auditeurs. Quelques-uns de ses disciples ont publié des fragments de ses leçons dont plusieurs, comme celles sur le droit des gens, sont une véritable création. Mais il subsiste de nombreux manuscrits de ses cours, relevés par ses auditeurs, et dont une édition est en projet. Victoria fut véritablement le précepteur de l’Espagne théologique, et ses contemporains l’ont comblé des plus rares éloges. Victoria a abandonné la méthode serrée et courte des anciens thomistes pour y substituer une méthode d’exposition littéraire, d’une langue sobre et riche, embellie par l’érudition ecclésiastique et d’où sont écartés non seulement les problèmes subtils, et les questions oiseuses, mais aussi, semble-t-il, une benne part de la métaphysique. Des disciples que forma Victoria, nul n’est plus authentique que Melchior Cano († 1560), le célèbre créateur de la méthode théologique avec son traité général De locis theologicis, édition posthume, Salamanque, 1563. En dehors du talent et de l’originalité de pensée dont témoigne cette œuvre, elle est tributaire du plus authentique humanisme par la pureté et la beauté de la langue. Cano y égale les plus grands latinistes de la Renaissance ; et c’est ainsi que, par une étrange coïncidence, un théologien se trouve avoir clos le mou-