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FRÈRES PRÊCHEURS (LA THÉOLOGIE DANS L’ORDRE DES N

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Citons simplement, pour finir, la qualification que le chapitre général de Castres, en 1329, fait de la doctrine de saint Thomas quand il dit que : doclrina sancti Thomse loti mundo sil ulilis et ordini honorabilis, p. 191, et l’ordonnance du chapitre de Brive, en 1346, qui est faite de par la volonté du souverain pontife, p. 308. Voir aussi Acla cap. gen., t. ii, p. 196, 262, 280, 297, 367, 372, 391. Il n’est pas douteux que l’ordre des prêcheurs suivit en masse la direction donnée par les chapitres généraux. Plutôt que d’en chercher des témoignages de détail chez les théologiens dominicains, il suffit d’emprunter le jugement d’un adversaire bien informé. Le célèbre médecin espagnol Arnauld de illeneuve († 1311), quittant le terrain de sa science, se lança dans des spéculations pour lesquelles il n’avait ni la compétence, ni la tranquillité d’esprit. Après avoir étudié l’hébreu chez les dominicains de Barcelone, sous le célèbre Raymond Martin, et la théologie pendant six mois, chez les prêcheurs de Montpellier, il se trouva en conflit avec ses anciens maîtres, quand il la dans ses idées de réforme ecclésiastique et la prédiction de la fin du monde. Un des écrits polémiques d’Arnauld, dirigé contre les prêcheurs, vers 1304, porte le titre significatif de Gladius jugulons thomatislas (Vatic. 3824, fol. 181). C’est là qu’il leur reproche de préférer l’étude de la Somme théologique de saint Thomas à l’Écriture. Mencndez Pelayo, Hisloriu de los hclerodoxos Espanoles, Madrid, s. d., t. i, p. 473 ; H. Finkc, Aus Tagen Bonifaz VIII, Munster, 1902, p. cxvii, cxxin. Cette accusation saugrenue, adressée religieux chez lesquels la Bible était le principal livre de texte dans l’enseignement de la théologie, n’en témoigne pas moins de l’autorité acquise, de très bonne heure, par la doctrine de saint Thomas chez les frères prêcheurs. Érasme, dont l’horizon théologique ne dépassait pas celui de l’humanisme, devait formuler le même reproche, deux siècles plus tard, preuve que l’ordre aval ! tenu ferme le drapeau thomiste pendant les deux derniers siècles du moyen âge. Thomæ décréta… dominicain pêne prsefemnt Evangeliis. Opéra omnia, Leyde, t. m il 703), col. 515.

Une question pratique se rattachait directement à la

diffusion de la doctrine de saint Thomas dans l’ordre,

voulons dire celle de la multiplication de ses

et de leur adoption comme livres de texte pour

i ens<

des manuscrits au moyen âge rendait très

dispendieuse la vulgarisation des

livres. Aussi très peu d’ouvrages philosophiques et

théologiques ont-ils eu une grande diffusion et exercé,

inséquence, une action étendue sur la formation

Imposant officiellement la doctrine de

Thomas d’Aquln a l’ordre, les chapitres généraux

1 par le fait même l’obligation de multiplier

lu maître. C’esl pourquoi le chapitre général

iccordanl exceptionnellement aux frères

n études l’autorisation de vendre leurs

ité, exceptent la Bit. le et les

saint Thomas. Acla, t. ii, p. 40. Le Chapitre

115 défend aux couvents d’aliéner i, s livres utiles,

irticulier ceux de s. uni Thomas, el demande que

s d’études générales, et celles où pro de tous le

In ! Thomas. Acla, t. iii, p. 83.

doctrinale de saint Thomas était un trésor Pareil, et il était naturel que les prêcheurs nal de leur culture Intellectuelle Mais n t Thomas, comme U

es difficultés

< tin du mit— ilède, l’organisation et les usages de’définitivement fixés dans 1rs

La Bible était le texte principal n

le texte théologique par <

lence. Il en était ainsi dans toute l’Europe chrétienne. Les intérêts scolaires de l’ordre lui commandaient de subir un usage devenu universel. Ne pouvant, ni ne voulant transformer un état de choses déjà ancien, l’autorité des prêcheurs tourna la difficulté. Elle demanda tout d’abord que les questions doctrinales fussent solutionnées selon la pensée de saint Thomas. Acla, t. i, 38. Le livre des Sentences, qui était une matière théologique sans esprit systématique, se prêtait très bien à ce que les problèmes qu’il ouvrait fussent clos dans le sens thomiste. C’est ainsi que les prêcheurs interprétèrent Pierre Lombard, comme on dira plus tard, in via Thomæ. Sur leur exemple, d’autres lurent à leur tour les Sentences in via Alberli, in via Durandi. in via Scoli. Toutefois l’ordre fut étranger à l’interprétation selon Albert et selon Durand, bien que ces deux maîtres lui appartinssent. Les chapitres généraux firent un pas de plus. Celui de 1313 ordonne que dans le cours des Sentences on traite trois ou quatre articles ce la doctrine de frère Thomas ; et que l’on n’envoie à l’université de Paris que des frères qui auront déjà étudié au moins pendant trois ans cette doctrine. Acla, t. ii, p. 65. En 1314, le chapitre de Londres ordonne que le maître des ctudiants lise, de Pâques au premier août, un traité de morale, ou le texte d’un écrit de saint Thomas, ou les deux simultanément. Acla, t. il p. 72, 81. Les textes de saint Thomas prenaient donc place à côté du texte des Sentences, et ds traités particuliers étaient interprétés par le maître des étudiants Les trois ou quatre articles de saint Thomas dont les lecteurs des Sentences devaient faire l’exposé à chaque leçon n’étaient autres que les articles de la Somme théologique. L’usage avait même précédé, et de beaucoup, sans doute la législation des chapitres généraux, car le chapitre provincial de Pérouse renouvelle, en 1308, une prohibition, qui peut paraître étrange venant de sa part, celle de substituer la Somme de saint Thomas au texte des Sentences. Item, vo/umus et ordinamus flrmiter observari quod leclorcs cl baccellarii legant de Sententiis et non de Summa Thomæ. Archives générales O. P., iii, 1, fol. l }.">. Le personnel enseignant de l’ordre tendait donc, fortement, et de bonne heure, à substituer le texte de la Somme théologique à celui des Sentences. L’autorité de l’ordre s’opposa à une transformation aussi brusque d’un usage scolaire universel, ses propres intérêts étant liés au régime général de l’enseignement qui prévalait alors. On ne peut nier toutefois que ce fût un malheur que la Somme théologique ne se substituât pas au livre des Sentences dès le xiv e siècle. Bien n’eût été plus efficace pour arrêter ou atténuer la décadence théologique qui frappa les deux derniers siècles du moyen âge. Car, ainsi que l’a écrit le P. F. Ehrle, S. J., « la destinée de la Somme théologique était celle même de la science ecclésiastique. Slimmen aus Maria Laach, t. xviii, p. 298. Ce ne fut qu’à la lin du XV siècle quc l’ordre des prêcheurs établit I’eni nient [direct et exclusif de la Somme ue saint Thomas dans les cours de théologie des grands StÛdia,

usage qui se généralisa au siècle suivani. Cette mesure contribua Indubitablement à la renaissance théologique du xvie siècle, ainsi qu’on le verra plus avant

Thomas d’Aquin n’ayant pas seulement été un grand docteur, mais un homme d’une grande sainteté de vie. l’ordre, en présence des miracles accomplis par son in i ci cession, s’employa a obtenir sa canonisation. Ce fut le chapitre de la province du royaume de N’a pics. tenuàGaèteen i : » 17, sinon l’année d’avant, qui désigne le lecteur Robert de Napli i et Guillaume de Tocco pour faire une enquête sur les ml saint Thomas. Ce travail fut suri oui l’œuvre de T< qui, depuis de nombreuses années, s’intéressa i ctte affaire. Au tenue de son enquête, il écrivit une