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885 FRÈRES PRÊCHEURS (LA THÉOLOGIE DANS L’ORDRE DES)

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frère Jacques de Viterbe, plus tard archevêque de Naples († 1308) : Fraler Jacobe, si fratrcs prædicatorcs voluissent, ipsi fuissent scienles et intelligentes, et nos idiotie, et non communiassent nobis scripta fratris Thomæ. Revue des sciences philosophiques et théologiques, t. iv (1910), p. 487, note 2. Godefroid de Fontaines, un des maîtres séculiers les plus célèbres de l’université de Paris à la fin du xiiie siècle et adversaire en plus d’un point de saint Thomas, écrivait dans ses Questions quodlibétiques : « Malgré le respect que je dois à certains docteurs, la doctrine de frère Thomas, celle des saints et de ceux qu’on allègue comme autorités mise à part, l’emporte sur les autres doctrines par son utilité et sa valeur. C’est à l’auteur d’une semblable doctrine que l’on peut spécialement appliquer la parole dite aux apôtres par le Seigneur : Tu es le sel de la terre, et si le sel s’affadit, avec quoi salera-t-on ? Cette doctrine, en effet, sert de correctif à celles de tous les autres docteurs ; elle les rend sapides et succulentes. Si elle venait à disparaître, les étudiants trouveraient ailleurs bien peu de goût. » Siger de Brabant, t. i, p. 48. Dante Alighieri, dont l’inspiration doctrinale est si profondément thomiste, n’hésite pas dans la Divine Comédie, après le long discours qu’il a mis dans la bouche de Thomas d’Aquin, à déclarer que le parler de Thomas est semblable à celui de Béatrix, pour dire que la doctrine du grand docteur s’identifie à la foi chrétienne. Paradiso, XIV, 7-8. Enfin, quand Etienne de Bourret, évêque de fuis, crut devoir rapporter, le 14 février 1325, la condamnation de son prédécesseur, Etienne Tempier, en tant qu’elle aurait pu toucher la doctrine de saint Thomas, il le fit en décernant des éloges qui témoignent de quelle autorité jouissait le grand docteur : prescrlim cum fucril [bcalus Thomas] et sit universalis Ecclesie lumen prefulgidum, gemma radians clericorum, flos doctorum, universilalis noslrc parisienais spéculum clnrissimum et insigne, claritale vite, lame et doctrine velut Stella splendida et malulina re fuigens. Charl. univ. paris., t. ii, p. 281.

I témoignages qu’on vient de lire attestent l’incontestable prééminence prise, de très benne heure, par la doctrine de Thomas d’Aquin dans le monde des écoles et dans l’Église. La conséquence de cette position fut qu’un titre doctoral fut décerné à saint Thomas d’Aquin. Le premier, en effet, parmi les théous de son siècle, il reçut un qualificatif qui, plus que ceux d’eximius el à’egregius que l’on joint souvint à son nom, témoigne de l’universalité d’action qu’il exerçail déjà. C’esl celui de doclor commuais, qui n circulation dis le début du xïve siècle, et qui continuera à lui (tic attribué, jusqu’à ce que celui de docteur angiUque tende, dés le w siècle, à supplanter le précédent dont la portée historique est autrement I n tout cas, le titre doctoral de doclor omme il l’était aux yeux des contemporains, l’équivalent de l’affirmation de 11 ; monl( i.le bonne heure par la doc trine.le s. nul Thomas dans II’. Use i I sur les esprits. Mandonnet, /*— titres doctoraux de saint Thomas d’Aquin, dans la Revue thomiste, t. wn (1909), p

de diffusion des doctrines de Thomas d’Aquin i., i une preuve dans le f ; iit det

ductions qui fuient entreprises d’un certain nombre la fin du xiii’siècle, en l., ,

que ei hébraïque. Nés principaux fonds gre<

bibliothèques de l’Europe possèdent d’assez

nombreux manuscrits qui contiennent des traduc

ni Thomas. La Sommi thi o

traduite deux fois, i „, . pre

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sur l’étude de la théologie de saint Thomas d’Aquin, éditée par Franco, et adressée à son frère Prochorus qui a aussi traduit en grec le De xlcrnitate mundi. Cydonius a également donné une version de la Somme contre les gentils, achevée en 1355. Au xve siècle, Michel Sophianus a traduit les commentaires du De anima, et le De ente et essentia. Ce dernier traité fut commenté par Georges Scholarius qui prit le nom de Gennadius, quand il devint patriarche du Constantinople. Certains manuscrits grecs de la Somme théologique portent à la fin cette exclamation qui témoigne que Thomas trouvait chez les grecs d’ardents admirateurs : O ulinam Thoma, non in Occidenlc, sed in Oriente natus fuisses ! Scriplores ord. prsed.., t. i, p. 435 ; N. Franco, / codici vaticani délia versione greca délie opère di son Tommaso d’Aquino, Rome, 1893. Les rabbins juifs traduisirent aussi en hébreu, dès la fin du moyen âge, divers traités et fragments philosophiques de saint Thomas. Ils continuèrent même pendant les siècles suivants. Il n’est pas banal d’entendre un d’entre eux, Abraham Nachmias, déclarer à la fin du xv c siècle, dans la traduction des Métaphysiques de saint Thomas, que ce docteur est « le grand philosophe, le chef des théologiens, qui ne s’écarte guère du droit chemin et ne dit dans ses écrits ni un mot de trop ni un mot de moins. » Un dominicain, Joseph Ciantes, a traduit, plus tard, en hébreu, la Somme contre les gentils, imprimée à Rome, en 1657. M. Steinschneidcr, Die hebrâischen Uebersetzungen des Millelallers, Berlin, 1893, p. 483, 1066 (au mot Thomas d’Aquino).

Enfin, lorsqu’on parcourt les catalogues des manuscrits des bibliothèques de l’Europe, il saute aux yeux qu’aucun théologien médiéval n’a vu une diffusion de ses écrits comparable à celle des œuvres de saint Thomas d’Aquin : témoignage irrécusable de l’hégémonie doctrinale exercée par le maître dominicain sur la pensée chrétienne avant l’âge de l’imprimerie.

17II. POSITION UE L’ORDRE DES PRÉl BEORS A L’ÉGARD DES DOCTRINES DE SAINT THOMAS. — L’enseignement de Thomas d’Aquin, de son vivant, avait atteint un grand nombre de religieux de l’ordre, et ses disciples comme ses multiples écrits portaient sa pensée à ceux que n’avait pu atteindre sa parole. On peut dire qu’à sa disparition l’ensemble de l’ordre était gagné à ses doctrines. Nous en avons l’écho dans les paroles mêmes écrites, l’année d’avant sa mort, en 1273, par l’ancien maître général de l’ordre, Ilumbert de Romans, dans la célèbre consultation composée à la demande de Grégoire X, sur les questions qui devaient être traitées dans le second concile de Lyon. C’est incontestablement en faisant allusion à Albert le Grand et surtout à Thomas d’Aquin, encore vivants l’un et l’autre, que Ilumbert fait la déclaration suivante : Philosophiu sic conçu Icata rs/ per vins quosdam catholicos cxcellenlis ingenii. qui omnia, que apud cum sunt, investi gaverunt cl multo clarius quam ipsi philosopht plura intellexerunt, propler divinam scienliam quam habueruni. cl in lus in pluribus eos illuminaoerunt, quod mm solum non rebellai philosophia ftdei calholicæ, sed /< (luciu est quasi tota m obsequium efus. Concilia omnia tam generalia quam parlicularia, Cologne, 1551, t. ii, p. 967 ; E. Brown, Appendix ad fasclculum rcrun (endarum, Londres. 1690, p. 187 ; Mortier, His toire dis moilrcs généraux de l’ordre des frères pré clicurs. I. i, p. 88.

La première forme sons laquelle intervint l’ordre

des prêcheurs, relativement aux doctrines de Thomas

d’Aquin, fui la répression des Iversairi

qui se trouvaient dans l’ordre. L’influence exi chez les prêcheurs par la première génération de leurs maîtres augustlniens ne pouvait cesser en un Jour ; cl une collectivité vouée ipéclalement a l’étude,