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877 FRÈRES PRÊCHEURS (LA THÉOLOGIE DANS L’ORDRE DES)

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désarroi, touchant la doctrine authentique du Philosophe. Il reconnaît aussi, le premier parmi les latins, l’origine du livre des Causes qu’on avait universellement attribué à Aristote. Il purifie également la littérature augustinienne de plusieurs apocryphes. Sans doute saint Thomas d’Aquin n’a pas résolu tous les problèmes d’attributions littéraires : notre temps, malgré ses progrès et ses innombrables ressources, achève à peine cette œuvre. Mais il faut reconnaître que l’eflort de saint Thomas et les résultats auxquels il a abouti sont uniques au moyen âge. D’aucuns lui ont surtout cherché noise, dans ce domaine, à propos de son Traité contre les erreurs des grecs. .Mais outre que l’on a beaucoup exagéré la part de l’apocryphe dans cet opuscule, il ne faut pas oublier que cette tâche a été imposée par Urbain IV, et que Thomas n’assume d’autre mission que celle d’interprète catholique des textes qui lui ont été soumis, ainsi qu’en font foi la préface et la conclusion du traité. Le travail de discernement bibliographique une fois opéré, Thomas d’Aquin procède à l’interprétation des textes avec beaucoup de sagacité et d’exactitude. Il détermine le sens par une critique interne comparée, soit qu’il se réfère à la marche et à l’esprit du traité qu’il commente ou utilise, soit qu’il compare les idées d’un même auteur dans ses divers écrits. Quand il opère sur des traductions, comme c’est le cas pour Aristote et quelques autres ouvrages, il compare les diverses traductions et fait appel, à maintes reprises, au témoignage même de l’original grec, aidé en cela, croyons-nous, non par une connaissance personnelle notable du grec, mais par la collaboration de son traducteur, Guillaume de Moerbeke.

Dans la détermination de la pensée des grands au. en particulier de saint Augustin et d’Aristote, Thomas d’Aquin adopte une méthode qui nous déconquelque peu aujourd’hui et induit même en tueur les lecteurs insuffisamment avertis de ses œuvres. Thomas d’Aquin poursuit d’ordinaire un but philosophique et théologique, mais non un but historique. Il cherche à établir la vérité dans les deux domaines qui sont spécifiquement les siens. En prédea grandes autorités profanes et sacrées, il les ne, par voie d’interprétation, à sa propre pensée.

ce qu’il appelle lui-même les exposer respectueusement :

exponere rcrerenter. Il ne fait, en cela, que se conformer à un usage universel de son temps, it trouvé audacieux alors de qualifier d’erronées les i’1 de l’Église, ou même de les écarter

simplement On les exposait, déterminait, ou concordait selon lis expressions usitées à cette époque. Saint Thomas a gardé a l’égard d’Aristote une attitude a lu qu’il a prise à l’endroit de saint Au-’. Il l’a tiré a lui. Cela était d’autant plus facile que le Stagirite avait été extrêmement réservé sur is points de sa philosophie et laissait place, sans trop d’invraisemblance, a plusieurs interprétations. été guidé dans cette manière de faire par un us ;.l ; ( qu’il eût paru téméraire de transgresser, i naturellement porté par ce que

nstement appelé sa charité Intellectuelle. it il fait volontiers bénéficier, selon son expresprœclara ingénia qui ne connurent pas la es desquels il est

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l’attitude prise par Thomas à l’égard des grands penseurs qui l’ont précédé. Ils ne doivent pas croire d’abord que saint Thomas n’a pas eu une claire vision de leur véritable position doctrinale. Saint Thomas fournit lui-même la preuve du contraire. Ils ne doivent pareillement pas mesurer la distance qui sépare Thomas d’Aquin de ses prédécesseurs par l’interprétation bienveillante qu’il a, pour les raisons déjà signalées, donnée à leur pensée et à leurs doctrines, mais par la distance réelle qui les sépare dans leur position respective. C’est à cette condition seulement qu’on possédera une vue vraiment historique de l’œuvre de rénovation accomplie au xiiie siècle par Thomas d’Aquin.

Le sens critique de saint Thomas lui a aussi fait prendre une position caractéristique à l’égard des affirmations des sciences de l’antiquité et de son temps. Travaillant à réorganiser la philosophie et la théologie chrétiennes sur une base sûre et durable, il a dégagé les doctrines fondamentales de son système des données problématiques qu’il rencontrait dans le domaine des sciences de la nature. C’est ainsi qu’il a, non seulement tenu en suspicion les théories astronomiques venues de l’antiquité, celles d’Aristote comme celles de Ptolémée, mais il a pressenti la solution qui simplifierait la complexité des mouvements apparents des astres et est allé jusqu’à déclarer que les astres devaient constituer, non un système unique, mais des systèmes multiples. Il a émis les mêmes réserves touchant l’animation des cieux et des astres, et a fait observer qu’il était indifférent à la philosophie que les corps célestes fussent mus par des intelligences, ou par la vertu immédiate de la cause première. Enfin, le même souci de donner une base sûre à ses déductions philosophiques lui fait choisir ses observations expérimentales parmi celles qui prêtaient le moins à une possibilité d’interprétation erronée, fidèle en cela à l’esprit de la philosophie d’Aristote dont il disait, en une heureuse formule : proprium ejus philosophiee fuit <i manifestis non discederr. Les exemples vulgaires, dont il se sert couramment pour illustrer sa pensée, sont souvent empruntés aux auteurs anciens, et s’ils n’ont pas toujours aujourd’hui, en soi, la même signification scientifique, ils gardent leur valeur de comparaison, la seule que leur attribue Thomas d’Aquin.

Le génie personnel.

— L’œuvre doctrinale de

saint Thomas a été aidée, dans son éclosion, par l’état généra] de culture de son temps et par des circonstances spécialement favorables, comme le milieu intellectualiste de l’ordre des prêcheurs et l’action personnelle d’Albert le Grand. Mais ce à quoi l’œuvre thomiste doit sa supériorité incomparable n’est réductible à aucune influence extérieure : l’œuvre de Thomas d’Aquin est le fruit de son génie personnel, En lui, un homme s’est rencontré qui possédait des facultés exceptionnellement complètes el équilibrées, dont le développement atteignait, en outre, un degré éminent Ces dons se sont élevés, d’un simple bon sens extrêmement ferme, Jusqu’à la puissance créatrice du génie.

Le génie de Thomas d’Aquin est fait d’une égale capacité d’analyse et de synthèse. Le maître, toul d’abord, est extrêmement net sur le procédé propre

a chaque science humaine. Dans les sciences spe culal ives. où règne le régime exclusif de la déduction.

il définit, divise il infère avec une maîtrise consom niée, s’arrêtani toutefois a de justes limites, évitanl également les écucils opposés de l’indétermination el

di li subtilité. Mais il n’est pas infcrieui a lui même lorsqu’il passe dans le domaine de la psychologie il fait us ; ige île l ; i méthode d’int 1 1 ispei I ion. Il olisci i el

analyse avec une maîtrise étonnante toute la vl l’âme : la conscience, comme les facultés et les opi