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FRERES MINEURS


les autres ordres mendiants. Le pontife revint sur sa décision quant à la propriété, mais il maintint sa défense pour la nomination des syndics (ils ne furent rétablis que par Martin V, 1 er novembre 1428). Les uns avaient accepté facilement cette décision pontificale, les autres avaient cherché à ne point se mêler de l’administration des biens temporels pour demeurer fidèles a l’esprit de leur règle. Les premiers jetaient les fondements de la conventualité, les seconds préparaient les voies à l’établissement de l’observance, qui devait germer et croître en divers lieux et sous diverses formes avant d’arriver à avoir une constitution définitive.

2° Du commencement de l’observance à la division de l’ordre. — En 1334, Jean de la Vallée obtenait du général la permission de vivre dans le couvent solitaire de Brogliano, près de Foligno, avec quelques compagnons, en y observant la règle dans toute sa rigueur primitive. Gentil de Spolète continua son œuvre, mais comme il n’était pas assez réservé dans le choix de ses disciples, recevant des apostats et des hérétiques, la petite congrégation fut dissoute à la demande du chapitre de 1354. Les bons religieux retournèrent sous l’obéissance de leurs supérieurs, qui leur permirent de continuer leur genre de vie austère. Parmi eux se trouvait un frère lai, Paul Trinci de Foligno, lequel, grâce à la protection de son parent Hugolin Trinci, obtenait en 1368 du général la permission de retourner à l’ermitage de Brogliano. Des compagnons vinrent se joindre à lui et bientôt ils se multiplièrent et occupèrent plusieurs couvents solitaires et remontant aux premiers temps de l’ordre, que leur cédaient les provinciaux, à la juridiction desquels ils étaient toujours soumis. Ceux-ci ne tardèrent pas à déléguer leur autorité au frère Paul pour gouverner ces couvents. Quand il mourut (1390), il était commissaire du général pour les ermitages ainsi établis dans l’Ombrie et la Marche ; il pouvait même envoyer ses religieux à Rome et par toute l’Italie, ainsi que dans la Bosnie. Ce mouvement se propagea ; en 1414, les couvents ainsi réformés étaient au nombre de trente-quatre et l’année suivante on leur adjoignit celui de la Portioncule, tant aimée de saint François. Saint Bernardin de Sienne, entré dans l’ordre en 1402, saint Jean de Capistran en 1414, saint Jacques de la Marche en 1416 devaient se joindre à eux, pour devenir les colonnes de l’observance italienne.

En Espagne, il est plus difficile de suivre l’établissement de l’observance ; mais dans les années qui précédèrent et suivirent le commencement du xve siècle, un vaste mouvement s’était fait sentir simultanément dans les diverses provinces, et à côté des fervents religieux qui initièrent cette réforme, on trouve de bonne heure des saints, comme Pierre Régalât († 1456) et Didace d’Alcala († 1463).

Le berceau de la réforme en France est le couvent de Mirebeau, près de Poitiers, dans la province monastique de Touraine, concédé en 1388 aux religieux avides d’une vie plus austère. De là, elle se propagea dans les autres provinces du nord de la France, malgré une opposition assez vive des provinciaux, qui contraignit ces religieux à recourir au pape. Benoît XIII ordonna au général de leur faire donner des vicaires provinciaux pour les gouverner. Son ordre ne fut pas exécuté ; alors il nomma lui-même un vicaire général pour les réformés des trois provinces de Touraine, France et Bourgogne (13 mai 1408). Les contradictions ne cessèrent pas pour cela ; Alexandre V d’abord favorable se montra ensuite contraire ; Jean XXIII les protégea à son tour ; mais comme ces observants (fratres regulam observantes, le participe ne tarda pas à devenir un substantif) ne pouvaient obtenir leur liberté entravée par les provinciaux, deux cents d’entre eux,

et parmi eux les religieux savants ne faisaient pas défaut, recoururent au concile de Constance, près duquel ils eurent gain de cause ; on leur accorda (23 septembre 1415) de pouvoir élire en chaque province un vicaire, qui devait être confirmé par le provincial, et ces vicaires provinciaux devaient à leur tour nommer un vicaire général. Son élection était soumise à l’approbation du ministre général, dont les pouvoirs étaient fort restreints vis-à-vis des religieux réformés. C’était le premier pas dans la voie de la division de l’ordre.

Peu à peu la réforme se fit aussi dans les provinces d’Autriche, de Hongrie, de Pologne et d’Allemagne ; mais, sauf en Italie, les observants ne se retiraient pas dans les ermitages ; ils continuaient à se livrer à l’étude et au ministère apostolique : leur but était d’observer en paix leur règle, suivant les déclaratio’ns pontificales Exiit et Exivi, renonçant aux biens immeubles que ceux de la communauté, ou conventuels, acceptaient de plus en plus facilement. Ils auraient désiré voir l’ordre tout entier embrasser la réforme, et s’ils avaient demandé leur autonomie, c’était en attendant, car ils espéraient toujours que la communauté suivrait leur exemple. Hélas ! les chapitres généraux se succédaient sans rien décider, si bien que ceux qui avaient vu avec regret la scission établie en France en furent réduits à la désirer pour eux aussi. En 1434, le mode de gouvernement des observants français fut étendu à ceux d’Espagne ; en 1438, Eugène IV nommait lui-même saint Bernardin de Sienne vicaire général des observants d’Italie. Celui-ci obtenait en 1441 que saint Jean de Capistran lui fût donné comme’coadjuteur, et il appartenait à ces deux saints de donner aux observants de cette région une organisation stable. Eugène IV, qui souhaitait la réforme de l’ordre entier, sans trouver une voie pour y arriver, aurait désiré que le chapitre général de Padoue, tenu en 1443, portât ses suffrages sur le B. Albert de Sarteano, ’compagnon des précédents ; mais saint Bernardin s’y opposa, jugeant cette élection plus nuisible qu’utile à la cause de l’observance. Le pape en fu^quelquc peu froissé, néanmoins il ordonna au général, sur les indications de saint Jean de Capistran, d’accorder aux observants deux vicaires généraux, l’un pour les provinces cismontaines, soit l’Italie, l’Autriche, la Hongrie, la Pologne et l’Orient, le second pour les autres provinces, dites ultramontaines. En 1446, le même pontife prescrivait que ces vicaires généraux seraient élus par les observants réunis en chapitre ; le général avait le simple droit de confirmer l’élu et de faire la visite des provinces, qui elles aussi élisaient leur vicaire, confirmé par le ministre provincial. C’est à cette époque, pour affirmer son autorité bien relative sur les réformes, que le ministre général prit le titre sonore de minister totius ordinis minorum.

Diverses tentatives de réunion et même de suppression totale de l’observance remplirent la fin du xve siècle, mais sans résultat. Les observants avaient d’ailleurs trouvé de puissants protecteurs chez les souverains, qui, comparant leur vie édifiante à celle des conventuels, les préféraient à ces derniers ; ils étaient aussi plus sympathiques aux populations pal suite de leur pratique plus stricte de la pauvreté, qui les faisait renoncer parfois aux biens possédés par les couvents lorsqu’ils se réformaient, en faveur des hôpitaux ou autres établissements de bienfaisance. Ces influences terrestres, jointes à la protection que ne pouvait leur refuser le saint fondateur, devait amener le triomphe final de l’observance. Avant d’arriver à ce résultat, il nous faut jeter un rapide coup d’œil sur les différentes congrégations réformées qui existaient alors.

En Italie, à côté de la grande famille organisée par